On tue le paysan haïtien! par Kerlens Tilus

0
1917

Mercredi 27 février 2019 ((rezonodwes.com))–« Pendant que le Sud‘Est d’Haïti se la coulait douce à son carnaval (patrimoine national à encadrer), son cacao organique de Thiotte s’écoulait aussi doucement au salon du chocolat de Belgique grâce à la République Dominicaine.

En effet la république dominicaine avec 225 millions de dollars d’exportation est devenue le leader mondial d’exportation de cacao organique, fin, aromatisé (haut de gamme) dont une bonne partie est produite et importée d’Haïti. Certes,

Haiti participe à certaines foires internationales de chocolatiers. Toutefois, sans financement, route, recherche et développement, main-d’œuvre qualifiée et marketing, ces marchés nous sont inaccessibles. En réalité, une partie de la production organique frontalière d’Haïti (café, cacao, avocat, riz organiques) est financée puis achetée par le secteur privé dominicain pour être réexportée vers des niches de marché internationales à haut rendement. Haiti a toujours refusé de faire comme la République Dominicaine qui a décrété sa zone frontalière « zone économique spéciale », avec un cadre incitatif exceptionnel (crédits spéciaux, avantages fiscaux, écoles techniques…). Si le modèle économique est de co-produire avec la RD, qu’on l’assume, qu’on le négocie carte sur table, qu’on l’encadre et que les bénéfices soient équitables pour tous. Sinon, qu’on prenne les décisions en conséquence pour un pays qui a tant besoin de devises et d’emplois. Il y a lieu d’encourager les chocolatiers haïtiens qui ont déjà pris les risques et montré la voie. »

On tue le paysan haitien. Nombre de paysans laisse la campagne pour se réfugier dans les villes à la recherche d’un mieux-être. Certains vont même jusqu’à vendre leurs parcelles de terre pour aller chercher la vie soit dans les Antilles, au Chili, au Brésil ou en République Dominicaine. Nous disons qu’il n’y a pas de production nationale. C’est exagéré un peu. Le paysan produit, mais il n’y pas de route pour transporter les produits de la section communale à la ville. En certains endroits, les paysans ont juste besoin d’une route en terre battue. Un peu partout à travers le pays, on produit des avocats, des melons, des légumes, des lames véritables, des mangues, du citron et nombre de fruits. Ils pourrissent, faute de transportation. Les paysans n’ont pas de méthode pour conserver les produits. Voilà pourquoi on devrait penser à l’agro-industrie et réfléchir sur des méthodes de conservation. Electrifier le pays serait une bonne chose pour le paysan haitien. Quand un paysan dépense de l’argent pour faire une récolte et que ces produits n’arrivent pas à être vendus, non seulement il est déçu, mais il est ruiné.

Je suis d’accord qu’il faut relancer la production nationale. Mais, on doit essayer de répertorier les greniers à travers le pays et faire en sorte que les produits puissent atteindre les villes. La pénurie qu’il y a, ce n’est pas parce que l’on ne produit pas, mais tout simplement parce que les routes sont inaccessibles. Il n’y pas de banque agricole pour accorder des prêts aux paysans. Il y a des coopératives comme la Caisse Populaire SOCOLAVIM au bas Artibonite qui accorde des prêts, mais ce n’est pas assez. Dans d’autres partis du pays, il y a des coopératives, mais elles n’ont pas assez de capital. L’Etat haitien ne fait aucun effort pour accompagner les paysans. L’Etat haitien encourage l’exode rural. Il y a une politique qui est menée pour permettre à la République Dominicaine de continuer à avoir le dessus sur Haiti et d’exercer une influence extraordinaire sur son économie. Un compatriote a fait mention de ce qui se passe à Thiotte avec la République Dominicaine qui achète notre café et notre cacao pour une pitance et va faire une fortune sur le marché international. Où sont les Ministères de l’Agriculture et du Commerce. Les paysans sont livrés à eux-mêmes, ils n’ont aucun accompagnement. Dans certains endroits, on produit du citron, du piment et d’autres condiments, mais par manque de route et de moyens de transport, le paysan perd tous ces produits. Il faut une politique pour permettre d’abord à ce que ce qu’on produit puisse être exploité.

« L’agro-industrie est l’ensemble des industries ayant un lien direct avec l’agriculture. Cela comprend donc l’ensemble des systèmes de productions agricoles et s’étend à toutes les entreprises qui fournissent des biens à l’agriculture (engrais, pesticides, machines) ainsi qu’à celles qui transforment les produits agricoles et les conditionnent en produits commercialisables. En ce sens, le secteur agro-industriel ne se limite pas aux seuls produits alimentaires, domaine exclusif au secteur agroalimentaire, mais englobe aussi tous les secteurs parallèles de valorisation des agroressources : papiersbioénergiesbiomatériauxcuirstextileshuiles essentiellescosmétiquestabac, etc » On peut produire du jus de toutes sortes, de la pâte de tomate, du pain, des produits laitiers, du sucre, de l’assaisonnement, du fromage, etc. On peut exporter toutes sortes de produits alimentaires. Il ne faut pas oublier qu’Haiti a 281500 hectares de terre cultivables, seulement 70000 hectares de terre sont irriguées. Si le gouvernement veut vraiment relancer la production nationale, il y a assez de terres pour qu’Haiti devient autosuffisant. Mais comment allons-nous y prendre pour rivaliser avec la République Dominicaine ? Il faut des gens qui pensent réellement et l’Etat haitien doit bien vouloir livrer ce combat.

Il y a des industriels un peu partout dans le pays qui s’intéressent à l’agriculture et a l’agro-industrie, mais puisque l’Etat haitien n’a pas une politique en place pour favoriser ces domaines, alors certains sont découragés. Il faut retourner à la terre si on veut réellement prospérer. Nous parlons d’une agriculture moderne. En terme de coopération, Haiti pourrait s’engager dans des partenariats avec des pays qui sont maîtres en la matière pour faire de la relance de la production nationale une réalité. On sent qu’il y a une politique pour encourager tous les paysans à déserter leurs terres pour se diriger vers les villes. Le bruit court qu’il y a des ressources un peu partout dans le pays. Je me demande est-ce que ce n’est pas une politique pour livrer le pays aux étrangers afin qu’ils puissent exploiter ces ressources en toute tranquillité. Nous nous demandons bien à quoi servent le Ministère de l’environnement qui s’occupe d’un champ assez vaste qui va au-delà de l’agriculture. Nous avons un beau pays et nous avons du soleil, de l’eau et de la terre, qu’est-ce qui nous manque pour mettre un à deux millions de gens au travail. Je vous le dis si le pays est propre ; si l’on arrive à résoudre le problème de l’insalubrité, valoriser et investir dans la terre, dans dix ans, on aura tout un autre pays.

Nous avons un avantage, non seulement on peut produire pour Haiti, mais on peut produire pour les Haitiens de la diaspora qui restent attachés à la cuisine haitienne. Pourquoi des Haitiens de la diaspora ne se regroupent pas pour ouvrir une chaine de markets, surtout dans les communautés où il y a une forte concentration d’Haitiens ? On aurait pu écouler ces produits. Nous avons un tas d’idées. Il y a un tas de professionnels comme l’agronome Arnoux Severin, Mr Abner Septembre, l’Agronome Joe N. Pierre, l’agronome Talot Bertrand de la PROMODEV et un tas d’agronomes, économistes et ingénieurs qui croient réellement que nous pouvons produire tout ce que nous consommons et qui croient dans la production nationale. Nous avons un terrain vierge. Nous pouvons apprendre de la République Dominicaine. Il faut comprendre comment en moins de vingt ans, la République Dominicaine arrive à avoir le contrôle de notre marché. Les produits que les Dominicains exportent en Haiti sont de très mauvaise qualité. Nous ne pouvons pas continuer à exposer notre peuple à toutes sortes de maladies. Le Ministère de la Santé Publique doit assumer ses responsabilités. Nous nous exprimons, certes sur un sujet d’importance même quand nous ne sommes pas qualifiés pour faire de bonnes recommandations, mais on veut sonner la sonnette d’alarme et encourager les spécialistes à sensibiliser les gens et travailler.

Qu’est-ce qui empêche à Haiti de valoriser son cacao de la Grande Anse et de Thiotte ? Qu’est-ce qui empêche à Haiti de mettre en valeur son café. Nous pouvons non seulement vendre le cacao brut, mais nous pouvons le transformer pour avoir des produits dérivés. Nous humilions le paysan haitien qui savait travailler, nourrir sa famille et éduquer ses enfants. Combien d’entre nous qui vivons dans la diaspora et qui avons pu faire des études et voyager grâce à la terre. Aujourd’hui, le paysan haitien n’arrive même pas à subvenir à ses besoins primaires, voire pour envoyer ses enfants à l’école. Pourquoi fait-on ce grand mal à nos paysans qui constituent le potomitan de ce pays, malgré tout. Haiti ne se relèvera pas sans la mise en valeur de l’agriculture. C’est un fait indéniable. Messieurs, nous avons un pays à construire. Si nous continuons à appliquer l’économie néolibérale sans avoir de l’argent pour investir dans la production, si nous continuons à prendre des dictées entre les mains du FMI pour faire de l’ajustement structurel qui met en péril non seulement l’économie nationale, la vie de nos paysans, mais aussi les plus pauvres. Il y a quelque chose qu’on doit souligner, la grande majorité des gens qui vivent dans l’extrême pauvreté en Haiti sont des paysans qui vivent dans les sections communales. Quand je dis qu’on tue le paysan haitien, je sais de quoi je parle. Je connais ce pays comme les doigts de ma main et je cherche toujours à savoir ce qui se passe.

Ce n’est pas seulement à Thiotte que les Dominicains achètent des produits. Ils le font dans le Plateau Central et dans le Nord Est. Au lieu de valoriser ce que produit le paysan, on laisse le champ à la République Dominicaine pour tout dérober. Ce qui est triste est que ces agents qui travaillent pour nos voisins sont au plus haut sommet de l’Etat avec un ancien premier ministre comme leur commandeur. Haiti est complètement enchainé. Demander à Jovenel Moise pourquoi les Ministères de l’Agriculture et de l’Environnement n’ont rien à voir avec la Caravane, il ne saurait vous dire. Le Président de la République met de la poudre aux yeux de la population, des paysans en particulier. Jovenel Moise est un arnaqueur professionnel. S’il a pu monter l’arnaque du siècle, l’Agritrans, il est prêt à faire tout ce qui est mal pour protéger ses intérêts et de ceux pour lesquels ils travaillent. La République Dominicaine a un levier extraordinaire pour faire marcher nos dirigeants. Je cherche à savoir de quoi il s’agit. Je sais que bon nombre de nos dirigeants ont des entreprises, des hôtels, des restaurants et des investissements en République Dominicaine, mais il y a autre chose que nous ne savons pas. La République Dominicaine arrive à infiltrer toutes les directions générales, tous les ministères, la Primature, le Palais National et le Parlement.

Ce qui est plus frustrant est quand on pousse le paysan à abandonner ses terres, on l’encourage à aller en République Dominicaine pour faire ce qu’il aurait pu faire chez lui : travailler la terre. Non seulement il travaille la terre pour une pitance, mais il ne peut même pas acheter ces produits. Vous voyez le dilemme chers lecteurs. Les journalistes en Haiti n’enquêteront jamais sur cette problématique. Il faut avoir du courage pour dénoncer ces choses. C’est malheureux que nous n’avons pas des dirigeants soucieux de l’avenir du pays. Ils ne font que tuer les paysans qui sont la force vitale de ce pays. Il est temps de fermer cette vanne et de cesser avec cette politique ostracisante qui déshumanise le paysan haitien. Petit-fils et fils de paysans, je revendique mon origine. Si ce n’est l’éducation, qui sait où je serai aujourd’hui. Le paysan n’est pas un sot. C’est une personne qui maitrise une certaine science. Travailler la terre est une science en soi. Le paysan fait des choses extraordinaires qui méritent toute notre attention. Il sait quand planter, il sait quand arroser et comment arroser ; il sait s’il va avoir une bonne récolte ou non. Certains paysans sont plus intelligents que des ingénieurs agronomes. Nous faisons les choses à l’envers dans ce pays. Celui qui donne à manger et qui devrait être considéré comme un héros, c’est celui qu’on humilie le plus. Jodia, menm papay, piman, ze ak sitwon pou n ap achte an Dominikani, sa pa serye. Les ingénieurs agronomes devraient avoir honte. Pito nou fèmen Damyen (Ministè Agrikilti) nou fini.

Je me souviens de l’agronome Michel William, ce grand vulgarisateur qui a passé sa vie à informer et éduquer. Il est mort de frustration et de chagrin. Il s’est suicidé parce qu’il a compris qu’avec ces dirigeants au pouvoir, l’agriculture haitienne ne se relèvera jamais, à moins d’une prise de conscience, ce qui tardera à venir. Le paysan haitien qui était très discipliné, qui était un rude travailleur dans le temps et qui gagnait sa vie à la sueur de son front, est aujourd’hui un oisif qui cherche à vivre ailleurs. Nous continuerons à plaidoyer pour que l’Etat haitien puisse reconnaitre l’importance du paysan dans la relance de l’agriculture et de la production nationale. Que la Providence aide la paysan haitien à continuer à faire preuve de résilience afin qu’il puisse vivre pour voir ce jour où Haiti aura des dirigeants capables de tenir tête aux dirigeants de la République Dominicaine et de tous les pays qui considèrent Haiti comme une poubelle où ils peuvent déverser du fatras à volonté. L’Etat haitien tue le paysan. Courage, mes frères et sœurs paysans haitiens !

Kerlens Tilus     02/27/2019
Snel76_2000@yahoo.com
Tel : 631-639-0844

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.