La troisième voie : qu’est-ce qu’elle implique et comment la matérialiser dans l’Haiti d’aujourd’hui ?

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par Kerlens Tilus

« PRENEZ GARDE À VOUS, NÈGRES ET MULÂTRES, VOUS AVEZ TOUS COMBATTU CONTRE LES BLANCS; LES BIENS QUE NOUS AVONS TOUS ACQUIS EN VERSANT NOTRE SANG  APPARTIENNENT À NOUS ; J’ENTENDS QU’ILS SOIENT PARTAGÉS AVEC ÉQUITÉ » (JEAN JACQUES DESSALINES)

“Dis kòb konsyans sèlman mwen bezwen pou mwen achte. Dis kòb konsyans sèlman Jezikri voyem al achte. Poukisa de jou an jou lavi a vini pi chè pou pitit Bondye? Poutan yon ti gwoup gen twòp. Poukisa manke respè pou malere k ap drive nan vye mizè a? Eske nou se frè tout bon? Hmmhh!… pa prese reponn, fouye konsyans ou”. (Jean Bertrand Aristide)

Ces jours-ci, plusieurs acteurs parlent de troisième voie. L’homme d’affaires, Reginald Boulos qui arpente les médias après les émeutes du 6, 7 Juillet pour se faire écouter et chercher les bonnes grâces de la population a évoqué dernièrement le concept de « troisième voie ».

Il faut rappeler que Mr. Boulos n’a pas la paternité de la troisième voie. « La troisième voie est un concept politique et économique visant à créer une philosophie qui se situerait entre la social-démocratie et le libéralisme. Le terme serait né avant les années 1880, lorsque le pape Pie XI appelle à une troisième voie entre socialisme et capitalisme. L’économiste tchèque Ota Šik est le premier à formaliser cette notion et à lui consacrer une approche scientifique, et non purement déclarative. La troisième voie doit permettre, dans le cadre du socialisme à visage humain, de trouver un chemin entre communisme et capitalisme.

La troisième voie est un concept politique et économique visant à créer une philosophie qui se situerait entre la social-démocratie et le libéralisme. Cependant, le nom de « Troisième voie » peut également désigner certains mouvements politiques d’extrême droitenationalistesnationalistes révolutionnaires ou fascistes. Une notion précise de troisième voie a été mise en place par des dirigeants de gauche ou de centre gauche au cours des années 1990 et 2000 en Europe et aux États-Unis (par Bill Clinton). Essentiellement, elle consiste pour les personnalités de gauche à tirer un trait définitif sur le passé communiste et l’économie administrée, à adapter au mieux le discours socialiste à l’économie de marché. On parle également de triangulation, deRealpolitik, ou de pragmatisme économique. »

Quelques années de cela, j’avais écrit un texte sur la troisième voie, suite à une interview du politologue Sauveur Pierre Etienne sur ce concept. Si la troisième voie a fait son chemin en Europe et en Amérique, en Haiti, la troisième voie que nous prônons a toute une autre connotation. Haiti est le pays le plus inégalitaire au monde. Haiti est l’un des pays les plus corrompus au monde. Haiti est le pays le plus pauvre de l’hémisphère nord. Quand nous parlons de la troisième voie, nous voyons un système qui prône l’unité, l’égalité et la fraternité, en d’autres termes, la devise haitienne qu’on n’a jamais appliqué à toutes les échelles de la vie nationale.

La troisième voie qu’on prône aujourd’hui est à l’antipode du duvaliérisme et du mouvement lavalas. Nul besoin de rappeler ce que ces mouvements ont charrié, mais nous savons qu’ils ont été néfastes pour Haiti. Parler de troisième voie aujourd’hui, c’est parler de l’autonomisation des femmes, c’est parler de l’entrepreunariat jeunesse, c’est parler d’une réforme en profondeur de la justice, c’est parler de la création des richesses, c’est parler de la relève de la production nationale, c’est parler de la mise en place et d’offrir une éducation de qualité aux enfants et aux jeunes. C’est donner la primauté à la loi afin que tous soient égaux devant la loi. Cette troisième voie dont Reginald Boulos parle ne fait pas l’unanimité parmi les hommes d’affaires de ce pays, sinon ils ne financeraient pas ou ne placeraient pas des présidents de doublure au pouvoir en connivence avec le Département d’Etat Américain.

Puisqu’aujourd’hui, Reginald Boulos se fait le porte-parole d’une frange progressiste de la classe d’affaires haitienne, nous attendons pour voir quelles sont les démarches qui vont être entreprises pour renverser la vapeur et faire pencher le rapport de force du côté de la majorité nationale. Nous ne sommes pas obligés d’arriver à un déchouquage pour que le changement s’opère en Haiti. Les élites elles-mêmes, surtout l’élite économique peut inviter tous les secteurs de la vie nationale à s’asseoir autour d’une même table pour penser le futur de ce pays. Certains vont certainement dire que je perds la boule.

Ici, c’est l’économiste qui parle. Les hommes d’affaires de ce pays ont beaucoup à gagner si ce peuple a le pouvoir d’achat, si 90% de la population active travaille. Considérant l’économie d’échelle et l’économie de portée, la balance pencherait de leur côté, car ils ont de quoi pour s’assurer d’une bonne part du marché même quand d’autres investisseurs viendraient pour renforcer la compétition. Il n’y a jamais eu jusqu’à date, un groupe d’investisseurs haïtiens de la diaspora qui cherchent à dialoguer avec les hommes d’affaires dits haïtiens pour leur montrer le manque à gagner. Les hommes d’affaires en Haiti croient qu’ils seront toujours en position d’avoir la mainmise sur l’Etat haïtien. S’ils étaient intelligents et clairvoyants, ils commenceraient par lâcher du lest et prendre la voie des grandes réformes. Ils pouvaient eux-mêmes favoriser la production nationale et mettre le pays en chantier en synergie avec l’Etat haïtien et des investisseurs étrangers. Mais, ceci demande qu’ils arrêtent de financer les gangs et les politiciens traditionnels qui sont un cancer pour le pays.

Reginald Boulos est un homme très intelligent et je le lui concède. Il est l’un des rares hommes d’affaires à voir venir l’orage. Je ne sais pas si ses interventions dans les médias peut lui éviter le pire comme il l’a déjà subi, mais je sais qu’il est en avance sur tous les autres et qu’il finira par avoir la sympathie d’une frange de la population s’il a un plan bien ficelé et s’il est réellement sincère et motivé à aider la population à sucer à la mamelle si bien gardée. La classe d’affaires est une classe de sangsues, mais s’il n’y avait pas les comploteurs de la classe moyenne et les traitres de la classe politique, jamais les hommes d’affaires n’auraient toute cette influence dans le pays.

Un peu partout dans le monde, les hommes d’affaires ont la commande, mais ils renforcent la classe moyenne parce qu’ils appuient sur cette classe pour asseoir leur fortune. Pourquoi la même chose ne peut pas se réaliser en Haiti. Il y aura toujours de l’inégalité. On vit dans un monde où les gloutons sont nombreux, où ceux qui ont le goût du lucre existeront toujours. Mais, nous pouvons tirer notre épingle du jeu si nous sommes disposés à aller jusqu’au bout. Depuis quelques jours, il est question d’établir une banque de la diaspora en Haiti. C’est une idée qui fait son chemin depuis plus de huit ans, mais jamais des investisseurs haïtiens n’arrivent à s’asseoir ensemble pour matérialiser une telle idée. Quand nous parlons de la troisième, c’est mettre en place une structure pour permettre à ceux qui ont des idées et qui veulent les matérialiser de pouvoir trouver les fonds nécessaires.

Aujourd’hui, il est question d’entente et de dialogue. Pour ceux qui parlent de changement de système, je leur dis tout de go qu’on ne change pas un système avec des casses et le chaos contrôlé. Après 1986, les duvaliéristes se sont repliés, mais le système qu’ils ont mis en place est toujours là, et voilà qu’ils reviennent en force aujourd’hui. Au contraire, il est renforcé par les lavalassiens.

Cela dérange que des anciens éléments du régime duvaliérien « ap kale kò yo sou rezo sosyo ». Comment va-t-on pouvoir changer ce système si on ne va pas à la base pour rencontrer les ténors et les porter à considérer un autre scénario. Il y a des jeunes qui crient à cor et à cri qu’ils feront la révolution. Mais, je leur dis toujours qu’aucune révolution réussie au monde n’a été entreprise par des lâches, des hommes qui pensent à leurs besoins primaires et des appauvris.

Nous oublions que les héros de l’indépendance haïtienne n’étaient pas des pauvres, mais bien des éléments fortunés et des têtes pensantes. La révolution française a été rendue possible grâce  à la bourgeoisie. La révolution américaine est l’œuvre d’une élite. La révolution cubaine est l’œuvre de privilégiés qui voulaient finir avec un système. Si nous croyons en Haiti que les pauvres à eux seuls peuvent faire la révolution, on rêvera toute notre vie. Ce qu’il nous faut aujourd’hui, c’est un grand nombre de jeunes, de femmes et d’adultes en âge de voter qui croient dans cette vision de troisième voie. Pour matérialiser la troisième voie, il faut des initiatives venant de la jeunesse qui sauront encourager les jeunes à faire la mise en commun. J’ai peur des jeunes qui me parlent de la prise de pouvoir pendant qu’ils n’ont pas un toit où se reposer et ils n’exercent aucune profession, voire avoir un boulot. Nous avons fait cette expérience de permettre à des mendiants d’occuper des postes politiques sans mettre des balises pour empêcher qu’ils s’enrichissent au détriment de la masse.

Pour matérialiser la troisième voie, il faut bien des hommes et des femmes de bonne volonté qui sont prêts à faire le sacrifice ultime pour ce pays. Nous devons entamer le dialogue sur tous les fronts : dialogue entre la diaspora et la classe économique, dialogue entre la diaspora et la classe politique, dialogue entre la classe des affaires et la classe politique, dialogue entre la classe des affaires et la société civile, dialogue entre la diaspora et la société civile, dialogue entre la classe politique et la société civile, dialogue entre les leaders paysans et la classe économique, dialogue entre la jeunesse et la diaspora, dialogue entre la jeunesse et la classe économique, dialogue entre la jeunesse et la société civile.

On ne peut pas parler de pacte de gouvernabilité en excluant ceux qui détiennent les moyens de production, ceux qui ont le monopole de l’économie nationale. D’ailleurs, ils sont les patrons des ténors de la classe politique et de la société civile. Nous devons être lucides et clairvoyants pour comprendre qu’il n’y aura pas d’Etats Généraux ni de dialogue national sans les hommes d’affaires qui contrôlent ce pays. La grande question que ces messieurs doivent répondre : êtes-vous des Haïtiens ou des étrangers en transit. Si vous êtes des Haïtiens, que vous participez à la construction du pays. Nous n’avons nullement besoin de parler des éléments de classe moyenne qui sont les principaux responsables de la pauvreté et du malheur de ce pays. Le dialogue que le gouvernement veut entamer avec les éléments de la classe moyenne est un dialogue de sourds qui ne mènera nulle part.

Je ne choisis pas d’écrire, mais je suis obligé d’écrire. J’écris pour exister, j’écris pour mettre l’autre en valeur, j’écris pour donner espoir. Je n’ai pas le monopole de la connaissance, mais je partage ce que j’ai et je sais qu’à un certain moment, je ferai un impact sur ceux qui doivent se mettre au travail pour construire ce pays. Nous avons besoin des leaders communautaires dans ce pays. Des hommes et des femmes qui peuvent aller dans toutes les communes pour vendre l’espoir, vendre le projet de la Nouvelle Haiti. Dieu merci, nous avons des intellectuels qui ont déjà accouché des idées sur papier. Nous n’avons nullement besoin de réinventer la roue. Je saurai que la troisième voie sera en branle quand je verrai un Bigio (famille la plus riche d’Haiti) autour de la table de négociation. Les assises que Jean Henry Céant et Jovenel Moise veulent organiser c’est du pipi de chat. On ne construit pas un pays dans l’exclusion.

De nature, je suis un extrémiste, mais avec l’âge et avec une maîtrise de la connaissance, je m’approche au fur et à mesure de la modération. Et la Sainte Bible nous encourage dans le livre de Jacques à embrasser le juste milieu et à faire usage de la modération. Pour matérialiser la troisième voie, il faut permettre à ceux qui sont prêts à faire route ensemble avec les bien-pensants de s’exprimer publiquement. Il y a tellement de jeunes ayant d’énormes potentiels dans ce pays que s’il faut les prendre en charge, en moins de quinze ans, on aurait tout un autre pays. Si seulement, nous pourrions nous débarrasser de l’insouciance et du cœur de pierre que nous avons.

Je souhaite de tout cœur que la troisième voie que le docteur Boulos évoque n’a rien à voir avec l’extrême droite qui fait grand tort aux masses, notamment dans les pays du Sud. Ce pays a besoin des centaines de spécialistes en résolution de conflits qui sauront mettre leur connaissance à son service. Nous devons dépasser les clivages pour permettre à ce pays de respirer de l’air frais. Le duvaliérisme et le mouvement lavalas n’ont aucun avenir dans ce pays. Si nous décidons de perdurer dans le mal, nous paierons bien les conséquences.

A rappeler que le PHTK est un néo-duvaliérisme. Que nous mettons en place un système socialiste avec la libre entreprise. Les anciens communistes haïtiens sont des millionnaires aujourd’hui à la faveur du mouvement lavalas. Le marxisme et les idées marxistes ont bel et bien échoué en Haiti. La troisième voie est ce que nous voulons, mais elle doit être bien définie et comprise de tous. Nous savons tous quel pays nous voulons, mais nous ne voulons pas nous entendre sur les mécanismes pour y arriver. C’est le rôle de l’élite intellectuelle de faire des propositions.

Nous finirons par embrasser la troisième voie, bon gré, mal gré. Ceci est juste un début de réflexion sur un concept vieux de 150 ans et qui a fait son chemin même aux Etats-Unis d’Amérique. Que les jeunes haïtiens puissent comprendre et réaliser qu’ils sont les piliers sur qui la troisième voie prendra corps. Que vive la jeunesse ! Que vive Hayti !

Kerlens Tilus   02/04/2019
Snel76_2000@yahoo.com
Tel : 631-639-0844

1 COMMENT

  1. LA TROISIEME VOIE POUR CEUX QUI NE COMPRENNENT PAS LE LANGAGE INTELLIGENT DU DOCTEUR REGINALD PIF BOULOS: Vous devez vous souvenir que nous avons ete baisés par le vagin et l’anus, n’est ce pas? Je crois que Martelly vous l’avait clairement dit. D’accord. Alors, la troiseme voie c’est la bouche. La fellation forcee. Puisque vous savez ce que c’est suivons le concept et vous m’en direz des nouvelles. OK peuple d’abrutis dont la tolerence a la misere est inouie ? Good.

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