Jeudi 24 janvier 2019 ((rezonodwes.com))– Aujourd’hui, nous vivons dans une société où le jeunisme est une norme dominante. Tout le monde cherche à se parer des attributs de la jeunesse : beauté, décontraction ou insouciance, nouveauté, soif de nouvelles expériences, etc.
Par un raccourci saisissant, l’argument de la nouveauté est devenu argument de vente, de légitimité. Il n’y a pas grand-chose à lui opposer. Et paradoxalement, la jeunesse elle-même disparaît petit à petit, les jeunes sont dissous, relégués en stage d’attente et enfermés finalement dans des mesures qui disent vouloir les protéger.
Les organisations de jeunesse ne peuvent échapper à cette situation. Les politiques menées en Haïti ont massivement investi des logiques qui entretiennent cette situation plus qu’elles ne la corrigent. Dans ce contexte, les logiques internes au secteur des organisations de jeunesse ont conduit à entretenir encore cette marginalisation de fait.
C’est impossible de planifier l’avenir d’une société sans les jeunes.Cependant, c’est tellement facile à dire que les jeunes sont l’avenir de la société. C’est ce que nous entendons très souvent dans les discours convenus. C’est ce que disent surtout les politiciens dans leur art de mensonge et aussi dans la culture éhontée du mensonge . Pourtant, à y regarder de plus près, il y a lieu de constater que la société a tendance à mettre son avenir entre parenthèses, quand elle ne tente pas de l’y enfermer. La société développe pour ce faire plusieurs processus.Nous tenons à aborder l’un d’entre eux. <<Une jeunesse mise entre parenthèse>>
La jeunesse Haïtienne est mise entre parenthèse, depuis personne ne se rappelle quand.Et,le pire,elle jetée au bien-être de l’oubli. Dans notre société tournée vers l’avenir, la jeunesse doit être l’occasion d’acquérir un certain capital social qui sera exploité une fois adulte. Cette vision positive de la jeunesse ne correspond pas à la réalité quotidienne d’aujourd’hui. Les jeunes sont en effet engagés dans des processus de relégation, d’oubli et de mise entre parenthèse qui n’ont plus rien à voir avec des moments de latence inscrits dans un processus de maturation. La relégation est une relégation à distance de l’autonomie économique. Elle procède par toute une série de processus qui frappent tous les jeunes.
Pour ceux qui constitueront l’élite intellectuelle et professionnelle, l’allongement des études est une réalité. Les jeunes dotés de deux diplômes universitaires et d’une expérience d’une année dans un pays étranger en vue d’acquérir les connaissances suffisantes pour une troisième, voire une quatrième langue ne sont pas rares sur le marché de l’emploi. Ce type de profil est déjà suffisamment présent pour ne plus constituer à lui seul la garantie de ne pas passer par la case chômage.
Cette case chômage justement constitue, presque immanquablement, une étape incontournable de l’accès à l’emploi et à l’autonomie économique. Précédée de l’inévitable « stage d’attente » dont le sens social est explicite. Le chômage des jeunes est l’outil numéro un de cette relégation, de cette mise entre parenthèse des jeunes par la société. Revenez plus tard ou ne revenez plus, si par une succession de circonstances de vie dans lesquelles vous êtes plus ou moins acteurs, vous avez le malheur de ne pas être assez actifs, au sens de l’État social actif.
Les jeunes sont censés être plus que tout autre, des demandeurs d’emploi actifs, ce qui les conduira vers des suspensions, sanctions, puis suppressions du droit au chômage pour aller vers des revenus de remplacement qui rendent toujours moins autonome et toujours plus pauvre. Nombreux sont les jeunes qui transitent par cette case chômage dont on peut considérer aujourd’hui qu’elle constitue une expérience commune à l’ensemble de la jeunesse. Chez nous en Haïti, le phénomène chômage des jeunes est tellement criant,ils sont obligés de l’exprimer sur toutes les formes:soit par le <<phénomène d’enveloppe Jaune>>, soit par celui du <<port de longue toge noire>>.
Les revendications fusent de partout, mais jusque là ils restent encore sur leur faim et leur soif. Ils sont toujours entre parenthèse et attendent désespérément que quelque change en leur faveur. Jusqu’à quand ? Ils sont là entre parenthèse jusqu’à personne ne sait quand.
Cette situation, dans laquelle végètent et soupirent les jeunes, les générations supérieures, et l’Etat, sont appelés à jouer un rôle essentiel,pour faire en sorte que l’avenir de la jeunesse cesse d’être ce qui arrive, mais plutôt ce que nous en faisons.
Bredson DIEUFORT
Citoyen, Haïtien.