C’est sur la nouvelle génération politique qu’il faut faire reposer l’espoir d’une Haïti nouvelle et meilleure, pourvu qu’elle n’emprunte pas les chemins tragiques, la route maléfique de ses prédécesseurs qui nous ont précipités dans ce chaos indescriptible. Pour cela, elle doit s’alimenter d’une vision nouvelle et se nourrir d’un idéal révolutionnaire qui érigera un nouvel État.
Pourquoi ne faut-il pas suivre les traces de nos prédécesseurs? La réponse la plus logique serait parce qu’ils ont échoué. Mais au-delà de cette évidence, les causes qui expliquent ce patent échec sont beaucoup plus importantes.
Pourquoi donc nos prédécesseurs ont-ils échoué? Cette question est plus digne d’intérêt car elle exprime la volonté de ne pas reproduire les mêmes déboires, de ne pas emprunter les sentiers de l’avilissement.
La lutte qui renversa la dictature des Duvalier le 7 février 1986 n’était porteuse d’aucune vision, d’aucune idéologie. Elle proclamait le renversement d’un régime politique (la dictature) au profit de l’instauration d’une nouvelle forme de gouvernement (la démocratie), sans présenter à la nation la vision qui devait la guider sur le chemin de sa destinée.
Haiti est appelée à une destinée glorieuse, et même ces temps actuels de notre déchéance nationale ne devraient pas nous faire perdre de vue cet idéal. Deux siècles d’histoire malheureuse ne suffiront pas à anéantir le rêve des aïeux qui eurent le génie de réaliser le glorieux exploit de 1804. Nous sommes des dieux, et les dieux peuvent être enchainés mais ils ne se plient jamais tant ils sont fiers de leur dignité.
Donc, la génération politique de la dictature n’avait charrié aucune vision politique. Or, l’on sait tous que la vision permet de définir une certaine orientation qui se traduit á travers des lois et institutions qui caractériseront les choix, les engagements et les décisions.
Au lendemain du 7 février 1986, la vision s’était traduite par un vide idéologique sur les plans social, politique et économique. C’est ce vide qui conduit aujourd’hui encore notre vécu quotidien de peuple.
La démocratie en tant que forme de gouvernement est vide et néfaste si elle n’est porteuse d’une vision et d’une idéologie. Voilà la vraie explication à nos déboires nationaux depuis 1986.
Une nouvelle génération politique revendique sa position sur l’échiquier de la vie nationale et s’apprête à conduire les rênes de notre destinée de peuple. En effet, les élections de 2015 sont le lourd et inévitable déclin d’une classe politique creuse, stérile et moribonde ayant accouché de cet État mort-né et la gestation amère et douloureuse d’une nouvelle génération politique née par césarienne. Elle est encore immature sur la scène politique et n’arrive pas encore à exprimer un leadership national. Elle attend l’avènement de figures de proue symbolisant ses aspirations et revendications les plus légitimes.
Et c’est à ce niveau qu’intervient et se joue le rôle des partis politiques modernes. Les partis politiques traditionnels actuellement sur le terrain ne se moderniseront pas, ils s’épuisent et disparaissent. Ou tout au mieux se transmuent et s’adaptent au contexte sociopolitique avec de nouveaux discours tout en gardant les vieilles structures surannées, le même fonctionnement et les mêmes personnages déphasés; d’où l’écart de plus en plus grand avec la réalité. Il faut donc se tourner vers les structures et formations politiques nouvelles porteuses d’une vision politique, d’un rêve collectif et d’un idéal national qui traduisent la quète et l’engagement de jeunes esprits n’ayant pas été mordus dans notre désert national par le serpent de la dictature et qui sont abreuvés de la sève de la démocratie.
Au milieu de ces épreuves douloureuses de notre histoire de peuple et dans le tohu bohu des discours creux, intempestifs et déroutants, il convient d’assumer nos responsabilités de leaders, de visionnaires, de révolutionnaires et de dirigeants politiques pour éviter à la nation de sombrer dans l’anéantissent. La nouvelle génération politique doit se définir en fonction des exigences nationales et patriotiques de progrès social et de développement économique dans la perspective du bien-être collectif.
Une chose est certaine: si les élites n’assument pas leurs responsabilités historiques ce sera alors aux masses de le faire à leur façon que nous connaissons tous. Entre ces deux entités nationales,les élites et les masses, la révolution peut être d’une part idéologique et pacifique ou d’autre part aveugle et sanglante. C’est à cette nouvelle génération politique qu’il revient de choisir parce que « chaque génération se crée un humanisme à sa mesure ».
Marc Wood Pierre, Conseiller Juridique de PAC