Jeunesse haïtienne : bombe à retardement ou opportunité à saisir

0
1696

Dans les ONG et l’administration publique, les jeunes font le tour des bureaux à la recherche d’un emploi, quel qu’il soit. Quoique diplômés, ils se heurtent à de nombreux obstacles, notamment à la discrimination, en raison de leur manque d’expérience

par Gidlet Servius

Jeudi 25 octobre 2018 ((rezonodwes.com))– Lors de l’élection présidentielle de 2010, l’opposition haïtienne a invoqué le taux élevé de chômage, la mauvaise gestion de l’administration en place  et son laxisme dans la reconstruction du pays après le tremblement de terre du 12 janvier de cette même année pour mobiliser les jeunes contre l’ancien Président René Préval.

C’est principalement le manque d’emplois qui a incité de nombreux jeunes à investir les rues et à voter pour le gouvernement de Michel Martelly. Principale leçon de ces violences pré-électorales : le chômage des jeunes, plus de 60%, risque d’attiser violence politique et troubles civils.




Entre temps, arrive au pouvoir Michel Joseph Martelly en 2011. Dans la sous traitance, au Parc de Caracol, 15 mille emplois ont été créés. Les gros zouzounes étaient présents, démonstration au superlatif. Entre temps, on a perdu plus de 10 milliards de dollars. Ce n’est pas moi qui vais vous dire où est passé l’argent ? Sans perdre de temps, le gouvernement haïtien lance des programmes à travers le Ministère du Commerce et de l’Industrie pour faciliter et inciter les jeunes à l’entrepreneuriat. Cette initiative peine jusqu’à aujourd’hui à s’imposer.

Beaucoup d’analystes estiment qu’il existe une autre raison de s’intéresser davantage à la jeunesse haïtienne. Avec près de 7 millions d’habitants âgés de 15 à 30 ans, le pays a une population très jeune qui pourrait contribuer à son développement physique, économique et social. Selon le rapport de l’IHSI, via l’article suivant de Le Nouvelliste https://lenouvelliste.com/article/82446/panorama-de-la-situation-des-jeunes-en-haiti-1

Le sous-emploi ne constitue pas une solution à la pauvreté quand on reconnaît que jusqu’à 82 % des travailleurs haïtiens sont pauvres. En outre, plus de 50% des jeunes haïtiens en moyenne vivent avec moins de 2 dollars par jour, seuil de pauvreté défini à l’échelle internationale.

C’est une aberration pour un pays possédant une réserve aussi impressionnante de jeunes talentueux et créatifs. Le chômage des jeunes est une bombe à retardement, qui semble maintenant dangereusement proche de l’explosion, car ces jeunes sont manifestement  par la dégradation alarmante de l’environnement général du pays, sur les plans écologique,  économique et social. Si l’on se réfère aux dernières manifestations du Petro Caribe Challenge, il est pertinent d’attirer l’attention des autorités sur les conséquences d’un taux de chômage aussi élevé chez des jeunes   dans le pays, où chaque année près de 60 à 80 mille jeunes arrivent sur le marché du travail.




En 2013, les dirigeants haïtiens ont tenté de répondre au problème de chômage des jeunes en décidant de mobiliser des ressources, dont celles du secteur privé, en faveur de la promotion de l’entrepreneuriat chez les jeunes. Il a été également instauré un concours de plan d’affaires,  accordant aux gagnants un financement de démarrage. Leur plan d’action insistait sur la nécessité de lutter aussi bien contre le chômage que le sous-emploi. Deux ans plus tard, seulement 20 millions de gourdes réunies par Haïti Chérie, on dirait, pour encourager la « création d’emplois sûrs, décents et compétitifs pour les jeunes ».

En 2015, le gouvernement tentait de mettre en place des  programmes d’autonomisation visant à doter les diplômés de l’enseignement supérieur de compétences requises et les aider à trouver un emploi via des stages dans l’Administration Publique. Mais pour concrétiser ces louables intentions, aucun fonds n’a été disponible, jusqu’au « programme d’appui à l’Entrepreneuriat jeunesse (PAPEJ ». Mais pourquoi pas un plan visant à inciter les jeunes à se tourner vers l’enseignement technique et la formation professionnelle? Pourquoi pas une politique nationale pour la jeunesse et la création d’un fonds pour les jeunes entrepreneurs afin de stimuler la création d’emplois au-delà d’un mandat présidentiel ?

L’effet de ces initiatives nationales sur le taux de chômage des jeunes reste à évaluer ou tout au moins dans les variables de l’économie. Mais il n’y a « pas de solution miracle ». Pas de stratégie accordant plus d’attention au développement rural et à l’investissement dans l’agriculture, qui tiendrait compte de l’exode rural et préparerait les jeunes pour le marché du travail. L’afflux de jeunes vers Port-au-Prince pèse lourd sur le chômage déjà en hausse. Dans les ONG et l’administration publique, les jeunes font le tour des bureaux à la recherche d’un emploi, quel qu’il soit. Quoique diplômés, ils se heurtent à de nombreux obstacles, notamment à la discrimination, en raison de leur manque d’expérience. Comment voulez-vous qu’ils n’aillent pas voir ailleurs ? Comment voulez-vous qu’ils ne soient pas frustrés ? Comment voulez-vous qu’ils ne prennent pas les rues cherchant leur propre justice économique, sociale?




La plupart des analystes s’accordent également sur la nécessité d’intégrer dans les programmes scolaires l’acquisition de compétences a l’entrepreneuriat mais reste désormais à savoir si le gouvernement haïtien est prêt à s’attaquer au chômage.

Quand dans un pays, les travailleurs de la sous traitance touchent mieux que la plupart des travailleurs de la presse. Et pourtant c’est cette même presse qui prétendent défendre ces donneurs de force prétextant leurs conditions de vie bien meilleures. Quand dans un pays, les jeunes formés le quittent pour s’immigrer dans d’autres pays avec toute leur compétence dans des activités déloyales (la plupart de celles qui vont au Brésil et au Chili font de la prostitution). Quand dans un pays, l’université ne réfléchit pas sur les problèmes, les conflits mais manifeste toujours dans les rues. Quand dans un pays ou celui qui dirige a besoin de flatteurs et n’est pas prêt à changer les conditions d’existence de ses flatteurs.

Quand dans un pays, une femme pour travailler (87%), quelque soit son niveau, doit souvent faire face à des propositions malhonnêtes. Quand dans un pays, ceux qui travaillent dans des institutions, on dirait prestigieuses, ne touchent absolument rien et vivent dans la pauvreté. Quand dans un pays 250$ US, dans un transfert de l’étranger, valent plus que le salaire d’un jeune travailleur de banque. Quand dans un pays, 15 jours après perception du salaire mensuel, les poches sont vides. Quand dans un pays les grandes décisions ne viennent pas de l’université mais du tâtonnement, des caprices de politiciens médiocres et avares. Cela ne peut donner autre chose que la corruption. Et Quand dans un pays la corruption devient norme, on comprend bien pourquoi les jeunes s’empressent de gagner les rues.

Ce constat d’actions éparpillées et sporadiques, certes louables mais infructueux, nous porte à constater que le gouvernement n’a pas encore mis en place une politique jeunesse ; et que la mission du ministère de la Jeunesse et du Service Civique est inopérante.

Si on ne fait rien pour redresser la situation , ma génération arrive avec toute sa force pour appliquer : « sa se chay la, twokèt la dèyè ».

Gidlet Servius
sergido678@gmail.com

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.