Nord-ouest, département méprisé et fragilisé, habité par des inconscients!

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Jean Kenson PIERRE

Si l’on fait un petit arrêt dans la grande course de la vie pour formuler cette question: « qui a été et qui est encore le nord-ouésien d’aujourd’hui en cette fin d’année 2015 »?

Il sera triste de répondre, sans détour, que le Nord-Ouesien d’aujourd’hui est un passif qui est prêt à vivre n’importe comment, n’importe où, quelques soient les circonstances et les conditions, pourvu qu’il soit animé par son instinct de survie.

Le nord-ouésien d’aujourd’hui est ce paresseux qui se couche généralement trop tôt et se lève trop tard. C’est celui que le noir n’effraie pas. Il est celui qui évolue au milieu des détritus et de la poussière. Il n’a aucune saison. Son beau temps est fait de poussière et d’immondices. Son mauvais temps est fait d’inondation et de boue.

Le nord-ouésien d’aujourd’hui c’est celui qui n’a que le sexe pour tout divertissement. C’est cette jeunesse sans repère ni boussole, livrée à elle-même, dont le seul espoir est d’aller mettre fin à sa vie, par la gueule des requins de mer, dans un bateau de fortune, en tentant de se rendre aux iles Bahamas ou aux États-Unis à la recherche d’un autre lui-même, à la recherche d’un mieux être loin de sa terre natale.

Le nord-ouésien d’aujourd’hui est cette jeune écolière abusée sexuellement par ses professeurs pour goûter au pain de l’instruction ou pour avoir de bonnes notes dans l’objectif de réussir l’année scolaire.

Le nord-ouésien d’aujourd’hui est celui qui n’a pas accès aux soins de santé à cause de son évolution en une région dépourvue d’infrastructure médicale.

Celui qui vit dans le nord-ouest n’a pas de lieux de loisirs, pas de théâtre, pas de bibliothèque, pas de plage, pas de terrain de jeux, pas de salles de cinéma. Les quelques rares salles de cinéma qui y avaient dans le temps se sont transformées en dépôts de provisions alimentaires, en maison de bureau ou d’habitation et les terrains de détente en bidonville.

Le citoyen vivant dans le nord-ouest confond vie passive et celle paisible. Il est doté d’un état d’esprit contraire à ce qui est raisonnable. Il est éloigné de ce qui est sage. Il vit comme une personne atteinte d’un état psychique anormal caractérisé par un ensemble de troubles mentaux et comportementaux graves. Il est entièrement dépourvu des services élémentaires, pas d’électricité, pas d’eau portable, pas d’assainissement, pas d’aéroport, pas de loisirs, en cinq mots, « pas de tout dans le nord-ouest »!

L’étudiant nord-ouésien reste fidèlement attaché à sa bougie pour, selon le langage haïtien, « craser ses bêtes », c’est-à-dire pour étudier ses leçons. Pas de vie nocturne dans le nord-ouest, celui qui y vit est bon-enfant. À la lumière des motocyclettes, on peut remarquer des jeunes, dans les coins et recoins des villes, qui font leur amourette dans le noir. Ils ne s’en soucient guère.

Le nord-ouésien est celui qui croit que tout lui est permis excepté le changement. Son passé ne l’interpelle pas, il reste sans rien faire, l’avenir pour lui n’a aucun sens et ne veut rien dire, il est un citoyen sans engagement, comme s’il n’aurait pas de classe sociale, ni mémoire.

La ville, quant à elle, n’a pas d’archives, elle est encore dans l’oraliture, pas un musée. Les forteresses érigées par les ancêtres pour fortifier le pays au lendemain de l’indépendance nationale se transforment en dépotoir dans cette région du Nord-Ouest. Dans cette zone du pays, l’histoire n’a aucune valeur. Elle ne représente rien pour le nord-ouésien ou du moins elle ne lui rappelle rien.

Le nord-ouésien d’aujourd’hui, en 2015, est un citoyen sans communication dans un monde globalisé. Il se sent confortable pour s’entasser comme de la sardine, dans un autobus rouillé, sur une route chaotique en vue d’aller là où il a à se rendre. Il n’est pas inquiet, il est paisible. Sa situation ne lui fait aucune exigence. L’idée de laisser quelque chose de bon pour sa postérité ne lui monte pas en tête. Il s’en fiche de tout. Il n’a même pas conscience de lui-même et de son état, il est totalement désorganisé.

Le nord-ouésien d’aujourd’hui c’est celui pour qui nous espérons une vie meilleure. Nous sommes convaincus qu’un jour il finira par ouvrir ses yeux pour fixer son esprit sur un minimum de confort. Le nord-ouésien d’aujourd’hui c’est celui que nous encourageons à s’engager dans la lutte pour l’émergence d’une nouvelle génération de jeunes en Haïti. Une Haïti où ses dirigeants ne traiteront plus la région du Nord-Ouest en un véritable parent pauvre.

Jean Kenson PIERRE, Journaliste, Défenseur des Droits Humains

 

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