Quelle jeunesse pour une nouvelle Haïti? par James St Germain

0
1440

Mercredi 5 septembre 2018 ((rezonodwes.com))– En Haïti, de plus en plus, le rôle de la jeunesse dans la politique est questionné. Beaucoup d’analystes n’ont pas manqué d’interroger si elle n’est pas le véritable moteur de l’histoire. Un tel questionnement est motivé par leur forte implication, à l’heure actuelle, de cette catégorie dans les débats politiques sur les cyber forums. Il ne se passe guère un jour sans la publication des opinions articulant sur les mauvaises pratiques de nos dirigeants.




Comme je l’ai signalé dans mon précédent texte (la cyber politique: une arme primordiale pour la jeunesse), grâce à la cybernétique les jeunes deviennent de véritables acteurs de l’agir communicationnel. Avec un tel outil l’apport de la jeunesse dans les progrès politique ou social devient plus que jamais indispensable. Toutefois un doute persiste en se basant sur certains de leurs comportements déviants. Ceci est à l’origine de cette question: notre jeunesse ne s’identifiant aux référents culturels haïtiens peut-elle à la base du changement social dans le pays?

Haïti présente une population foncièrement jeune. En effet, Plus de la moitié de la population a moins de vingt et un (21) ans. Les personnes âgées de moins de quinze (15) ans représentent 36,5 % de population générale (RGPH-2003). Nonobstant cette catégorie est un laisser pour compte car 47,7 % des jeunes étaient sans emploi à l’échelle nationale (undp.org). Le rapport de l’OMRH de 2015 indique les jeunes sont rarement recrutés avant 25 ans (environ 1 %), 8 % des fonctionnaires en activité ont 25 ans ou plus dans la fonction publique. De plus, la plupart n’ont pas accès aux études supérieures.

C’est une jeunesse qui croupit pour la plupart dans la misère, se livre à la toxicomanie, au bòlegèt. Elle est plus que jamais connectée à ses idoles : potins, looks, slogan ( infrarouge mondoblog.org). Les productions de la plupart d’entre eux inquiètent plus d’un. On parle dans ce cas d’une génération en déperdition. On constate par ailleurs «dans l’ensemble, plus de la moitié des jeunes de 15 à 24 ans, soit 53,7 %, ont déjà eu à contracter un type d’union quelconque au cours de leur vie» (lenouvelliste du 13 août 2010). Le fait que qu’ils ont la vie dure, ils sont les premiers à s’exiler; ils fuient pour les pays de l’Amérique latine (Chili, Brésil).




L’Etat ankylosé que possède le pays ne répond pas aux attentes de la jeunesse. Force est de constater que le pays n’est pas bien pourvu en infrastructures scolaires de référence, de centres universitaires qui constituent l’espace où les jeunes peuvent accumuler leur capital culturel. De surcroît, il n’est pas bien doté en centres de loisirs. Ce sont les grandes villes que l’on peut être en contact avec des multi sports, des écoles professionnelles ou d’autres centres d’attraction. Ce qui indique que l’Etat n’a pas une bonne politique de jeunesse. Faute de cela, cette catégorie est sombrée dans des activités malsaines. Elle devient dès lors une proie facile entre les mains des politiciens.

L’analyse sociologique de Merton présente la jeunesse comme des individus présentant assez souvent des comportements déviants. Au regard de cela, la politique est généralement considérée comme un espace pour les hommes expérimentés en politique, et comme les femmes sont souvent désavantagées dans l’accumulation d’expérience pour s’engager en politique, les jeunes sont systématiquement marginalisés en raison de leur jeune âge, des possibilités limitées et du manque conséquent d’expérience (youth participation, 08 mai 2017). Par ce stratagème, la classe politique traditionnelle animée de mauvaise foi tient les jeunes dans l’abjection. L’idée que «la politik se zafè moun sal» véhiculée les tient à l’écart de l’arène politique ponctuée de violence, de crimes et d’intoxications commanditées. Cette mise à l’écart est une situation créée pour que les politiciens puissent toujours le contrôle de l’espace de façon à régner en maîtres.

Les distorsions caractérisant notre société crée un climat de fragilité humaine qui est automatiquement vecteur d’un parasitisme social. Fort de cela, les politiciens accrochent les jeunes désemparés dans un rôle de fauteurs de troubles. Ces derniers à la solde des politiciens véreux deviennent sans le vouloir des lumpens. C’est pourquoi la plupart se voient obligés de monnayer leur conscience ou leur vote. Au regard de cette culture anomique qui s’installe dans la vie politique, une perception tend à répandre l’idée que la jeunesse haïtienne est incapable d’amorcer un nouveau départ pour le pays.

Par rapport à ce constat, la jeunesse haïtienne a grand intérêt de changer la configuration politique. Connaissant comme de véritables acteurs de changement, les jeunes sont appelés à imprimer une nouvelle mentalité de la politique haïtienne. Celle-ci devrait s’incruster dans une politique articulant sur une politique d’intégration et de développement durable. Pour y arriver, cette catégorie d’âge doit se revêtir d’une autre aspiration.




En tout cas, les opportunités de la nouvelle aspiration que j’évoque sont de nos jours plus saisissables. La cybernétique en constitue immanquablement la courroie. Grâce à elle, les jeunes sont capables de s’investir dans leur formation politique et sociale, créer des blogs de réflexion axée sur les stratégies de leur auto-integration dans le secteur des affaires. On ne peut pas imaginer de jeunes qui peuvent se donner le luxe de résoudre leur problème de chômage par le truchement de cet outil.

La technologie supprime quelques exigences de faire du business comme par exemple la location d’un local, certains frais tarifaires. Ajouté à cela, ils ont l’obligation de se regrouper en association communautaire de base dans l’objectif d’adresser les problèmes. Sur ce point, il serait important de se réapproprier les anciennes valeurs de coumbitisme. Cette forme de communion tournée pratiquement vers l’économie sociale est d’une capitale importance. L’adhésion à de telles valeurs inculquent la cohésion et un sentiment patriotique.

C’est cette jeunesse qui est aiguisée de conscience, de capital culturel et d’un minimum d’esprit entrepreneurial qui va amorcer la refondation de l’Etat, les transformations dans leurs espaces écologiques et géographiques. Sinon on risque de patauger encore dans la précarité et la corruption institutionnalisée. Bref, Haïti a besoin d’une jeunesse consciente des problèmes sociaux, d’une carrure mentale de leader, politiquement mieux éduquée pour assurer la relève.

James St Germain
Sociologue

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.