Petro-Caribe : Le Gouvernement devrait se mettre à l’écoute de la mobilisation sur les réseaux sociaux

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Petro-Caribe : Le Gouvernement devrait se mettre à l’écoute de la mobilisation sur les réseaux sociaux

 28 août 2018 Rezo Nòdwès

 

par Francilien BIEN AIME

Doctorant Science Politique

Science Po Bordeaux

 

Mardi   28 août 2018    ((rezonodwes.com))

Résumé 

Les réseaux sociaux sont devenus un média qu’utilisent beaucoup de dirigeants du monde, dont ceux d’Haïti, pour annoncer les décisions prises au nom de l’Etat.

Certains pays ont un arsenal juridique solide et des institutions fortes pour se protéger contre les usages abusifs des réseaux sociaux et contre les violations des droits d’origine cybercriminelle alors que d’autres emboîtent le pas aveuglement derrière ces pays sans aucune assise juridique ni institutionnelle.




Les réseaux sociaux sont considérés, de ce fait, comme un espace public pour les citoyens soit pour se construire socialement et professionnellement et/ou pour détruire leurs adversaires, soit comme un outil pour mobiliser et sensibiliser un nombre important de gens contre les actions ou inactions de leur pays etc. Ainsi, depuis le 14 août dernier, un défi appelé « Kot kòb Petwo Karibe a ? » est lancé par un cinéaste haïtien et repris depuis lors par de nombreux internautes haïtiens, toutes couches sociales confondues tant en Haïti qu’à l’étranger. Il s’agit d’une démarche qui consiste à mobiliser un nombre critique d’Haïtiens afin de forcer le gouvernement de concert avec la justice haïtienne à mener une enquête et réaliser, du même coup, un procès sur « le gaspillage et le détournement de fonds » dans le cadre du programme PetroCaribe.

Qui répondra à cette question ? Que répondra-t-on à cette question ? Où ? Quand ? Comment ?

L’Etat, à travers ses institutions et autorités telles que le Président de la république, devra apporter des éléments de réponses à cette question. Dans le cas contraire, que feront les initiateurs du défi ? Reposeront-ils la même question ou annonceront-ils une nouvelle étape ? Quelle sera la nouvelle étape ? Le béton ou l’abandon? L’analyse du défi autour de l’affaire PetroCaribe permet d’apporter quelques éclairages sur l’usage des réseaux sociaux et leur apport à la mobilisation socio-politique.

Les réseaux sociaux: un outil de construction de soi, de destruction de l’autre et un espace de rencontre ou de mobilisation entre les citoyens contre leur gouvernement

L’Internet, plus précisément les réseaux sociaux, est devenu de nos jours le premier endroit où beaucoup de dirigeants du monde dont ceux d’Haïti, annoncent en premier les décisions d’Etat, soit pour faire le buzz, avoir beaucoup de partages, de « j’aime » ou de commentaires, soit pour montrer à leur peuple et au monde entier qu’ils travaillent.
Et les citoyens? Et le peuple? Ils utilisent de plus en plus les réseaux sociaux, eux aussi, comme premier lieu pour sensibiliser ou mobiliser en faveur ou contre quiconque et pour annoncer leurs mobilisations contre leur propre gouvernement.




Ces citoyens croient que les réseaux sociaux sont plus démocratiques que les médias traditionnels, car ces derniers ont de patrons alors que c’est différent pur les réseaux sociaux. Ces citoyens estiment surtout que leurs opinions passent sur les réseaux sociaux comme ils veulent et quand ils veulent, sans contraintes, ni modification et sans donner de pots de vins à quiconque pour bénéficier d’une faveur. Ils n’ont pas besoin d’un parrain ou d’un intermédiaire pour faire passer leur voix ou leurs opinions dans cet espace public. Ainsi, on s’emballe à mobiliser, à opiner, à tweeter, à commenter et à poster tout type de messages sans peurs ni craintes, car on se croit dans un espace public illimité donc, sans frontières et sans préjugés de couleurs, de races ou d’appartenance de toutes sortes notamment géographique et religieuse… pour lancer des initiatives ou mobilisations de tout type.

Il me semble, en général, que les mobilisations lancées sur les réseaux sociaux contre les gouvernements ont porté leurs fruits et les résultats semblent être souvent au bénéfice de leurs initiateurs. Parfois les mobilisations et sensibilisations prennent la forme de pétitions, d’invitations à manifester pour ou contre un pouvoir en place ou à boycotter certaines décisions gouvernementales. Par exemple, certains gouvernements au Moyen-Orient ont été renversés et d’autres ont été en difficultés suite à des sensibilisations et mobilisations lancées sur les réseaux sociaux, et se concrétisent à travers les rues pour exiger une réponse de l’Etat.

Plusieurs gouvernements, par peur ou par principe de précaution en cherchant à se protéger, décident d’interdire ou de limiter l’accès à certains réseaux sociaux. C’est le cas par exemple de la Corée du Nord, de l’Iran, de l’Arabie saoudite, de Cuba et même de la Russie, autant de pays qui prennent des mesures de blocage ou de restriction contre certaines plateformes d’internet, en dépit du niveau élevé des citoyens de ces pays-là en matière d’éducation. En Haïti, malgré le faible niveau de la population dans le domaine de l’éducation, aucune interdiction, aucune restriction n’est faite, tout est permis. Ainsi, le mensonge, la manipulation (l’intoxication) et la vérité peuvent passer au même niveau et risquent de causer les mêmes dégâts à une même échelle.

L’apport des réseaux dans les sensibilisations et mobilisations populaires en Haïti notamment dans l’affaire PetroCaribe

Les récents soulèvements populaires des 6, 7 et 8 juillet derniers en Haïti, ont été le fruit des sensibilisations et mobilisations contre les actions et inactions gouvernementales effectuées auparavant à travers les réseaux sociaux, suite à l’annonce de l’augmentation du prix des produits pétroliers. En un court laps de temps, la nouvelle s’est rependue et des réactions violentes ont suivi cette décision gouvernementale. Les réseaux sociaux sont alors une arme à double tranchant. Ils permettent de se construire socialement et professionnellement, en même temps qu’ils donnent la possibilité de détruire ou de rivaliser son concurrent ou son adversaire. Certains gouvernements les utilisent comme moyens de propagandes et de promotions de leurs actions.

Conscients de la réussite des résultats des derniers événements de juillet dernier et de la faiblesse ou de la peur de l’Etat haïtien, il me semble, les utilisateurs des réseaux sociaux ont lancé un « challenge » visant à pousser l’Etat à agir à leur cause sur le dossier de PetroCaribe.

“Kot kòb Petwo Karibe a?” (Où est passé l’argent de PetroCaribe) C’est la question posée en créole et c’est aussi le défi lancé depuis le 14 août 2018 par un premier internaute haïtien en l’occurrence le cinéaste Gilbert Mirambeau et repris par de nombreux utilisateurs des réseaux sociaux depuis ce jour-là. Cette initiative est lancée pour exprimer un ras-le-bol contre la corruption notamment contre la « mauvaise gestion » du fonds PetroCaribe.

Je constate comme tout le monde que cette question ou ce défi  prend de plus en plus d’ampleur sur les réseaux sociaux et touche progressivement un grand nombre d’internautes/citoyens haïtiens, qu’ils soient en Haïti ou à l’étranger. Mais il est repris timidement par les medias en Haïti telle que la presse locale qui a relayé la presse internationale. Le « challenge » est un défi lancé sur Internet qui consiste à mobiliser et sensibiliser un nombre important de citoyens autour du dossier PetroCaribe dont l’objectif est de pousser le gouvernement et la justice à agir en faveur d’une enquête et d’un procès sur l’utilisation du fonds PetroCaribe. Cette initiative est prise quelques semaines après les événements des 6, 7 et 8 juillet passés.

Il s’agit d’une démarche de reddition des comptes visant à promouvoir la réalisation d’une enquête suivie d’un procès sur l’utilisation et ou la gestion du fonds PetroCaribe (programme énergétique bilatéral conclu en 2006 entre Haïti et le Venezuela. Il consiste, pour le Venezuela, à fournir du carburant à des pays caribéens dont Haïti avec le même prix sur le marché international et dont le paiement se fait sur une période de vingt-cinq ans moyennant qu’une partie soit utilisée pour effectuer des investissements publics au développement par exemple dans les programmes sociaux.)




On n’est pas sans savoir que depuis quelque temps la problématique d’un procès sur la gestion du fonds PetroCaribe est posée et a occasionné beaucoup de remous au niveau national notamment dans la classe politique. Et au niveau international où une diplomate onusienne en fonction en Haïti a perdu son poste par le simple fait qu’elle a souhaité voir un procès du dossier PetroCaribe.

Certes, la problématique de ce dossier ne s’est pas posée aujourd’hui, car elle a été déjà abordée à la fois par le Parlement haïtien, à travers deux rapports successifs et complémentaires réalisés par le Sénat, par des organismes de droits humains, des avocats militants ainsi que par des femmes et des hommes politiques, mais son rebondissement paraît plus que jamais important vu qu’il n’est plus prôné uniquement par les mêmes acteurs traditionnellement connus.

Il paraît que cette question n’a jamais intéressé autant les haïtiens malgré les tentatives de sensibilisation et de vulgarisation opérées par certains éléments de la classe politique, par des parlementaires de l’opposition, des avocats engagés et certains autres entrepreneurs de cause de tout acabit intéressés par cette question. Point besoin de rappeler tout ce qui s’est passé et toutes les agitations, toutes les accusations, toutes les contre-accusations opérées en lien avec le dossier procès PetroCaribe qui s’étale de 2006 à 2016 particulièrement sur les éventuelles possibilités d’avoir une enquête indépendante suivie d’un procès juste et équitable.

Cependant, plus d’un peut constater ou plus précisément toutes celles et tous ceux qui utilisent les réseaux sociaux peuvent constater sinon témoigner qu’il y a un engouement, une attente pour un procès PetroCaribe compte tenu d’une reprise en main du dossier par le citoyen haïtien lui-même à travers le challenge « Kot kòb Petwo Karibe a ? »

Autrement dit, il y a une sorte de prise de conscience du citoyen haïtien se trouvant tant sur le sol national qu’à l’étranger autour de cette simple et brève question. C’est la question qui peut fâcher pour certains, mais en même temps qui peut fédérer pour d’autres dans la mesure où une grande partie de la population se sent endettée hormis les concernés, les présumés dilapidateurs.

En répondant ou en participant à la vulgarisation de ce défi sur les réseaux sociaux, on peut y constater des gens qui n’ont pas peur de s’afficher ou de s’assumer. Ils écrivent un message ou se prennent en photo pour poster sur leur page personnelle ainsi que dans des groupes où ils sont abonnés. Dans ces nombreuses photos postées, on peut voir la question inscrite au stylo ou au marqueur sur un morceau de carton.

Parmi ces internautes, on voit des inconnus issus du grand public. De même, on voit de plus en plus des visages connus tels que des artistes, des gens engagés, des professionnels et mêmes des hommes politiques. D’autres n’ont pas peur d’afficher leurs enfants avec le même message, la même question qui fâche et qui fédère simultanément. On dirait que le paiement de la dette laissée par « la mauvaise utilisation » du fonds PetroCaribe, concerne tout le monde : toutes générations confondues, tout âge, toutes catégories sociales, enfants, adultes, jeunes. Bref, des citoyens valides comme des invalides.

Le « challenge » autour du PetroCaribe : des questions pour les initiateurs et les autorités haïtiennes

Mais arrêtons-nous un peu pour poser ces questions : À qui adresse-t-on cette question? Est-elle adressée à l’Etat, à la justice ou aux accusés de dilapidation eux-mêmes ?

A quand une réponse à cette question ? Comment ? Où ?

Qui répondra à cette question ? Et que répondra-t-on à cette question ?

À qui répondra-t-on : aux initiateurs du défi ? À la population toute entière ou à la justice ? Et si jamais cette question n’obtient pas de réponse, les initiateurs continueront-ils à poser la même question ou une autre ou encore passeront-ils à une nouvelle étape ? Quelle sera cette nouvelle étape ?

À partir de cette initiative, peut-on se dire qu’il y a une récupération générale ou totale du dossier PetroCaribe par les citoyens eux-mêmes ? Les initiateurs ou les « challengeurs » n’ont-ils pas peur d’une récupération politique de leur initiative ? S’achemine-t-on vers un vrai procès sous la pression populaire enclenchée en partie sur les réseaux sociaux ?
Ces internautes sont-ils tous prêts à investir les rues pour marcher et manifester en vue de forcer l’Etat à inscrire le procès PetroCaribe dans son agenda public ?

D’autres exemples de ce genre existent déjà. Si l’on prend le cas de la Roumanie où la diaspora roumaine est consciente du niveau de corruption qui gangrène son pays, elle a accepté de voyager au pays natal pour investir la rue afin de manifester contre la corruption depuis quelques jours.

En revanche, la diaspora haïtienne serait-elle prête à faire de même ? Voudra-t-elle réellement se joindre à la population locale sur le macadam en vue de forcer l’Etat haïtien à s’engager dans un procès PetroCaribe ?

Le président de la république, Jovenel Moise, a fait un revirement spectaculaire après avoir annoncé en France qu’il a lui-même bloqué toute démarche visant à la réalisation d’un procès PetroCaribe sous peine d’empêcher toute poursuite politique contre quiconque, a-t-il dit. Or, lors de la présentation officielle de son nouveau premier ministre nommé le notaire Jean Henry Céant, le Président a lui-même dit être en faveur d’un procès PetroCaribe. Peut-être qu’il est conscient qu’il y a quelque chose à montrer sur la gestion du fonds PetroCaribe.

L’on peut se demander alors, quels sont les enjeux pour le pouvoir en place dans la réalisation d’un procès PetroCaribe ?

Compte tenu du revirement du Président, peut-on dire que l’Etat se sent victime par « le gaspillage ou la mauvaise utilisation » du fonds PetroCaribe ?

Le dossier du PetroCaribe, est-il une démarche technico-légale ou un dossier juridico- politique ?

Le juriste/avocat Sonet Saint-Louis, sur les ondes la radio et télé métropole le 27 juillet 2018 dernier, a déclaré que « le dossier PetroCaribe c’est un non-dossier ». En d’autres termes, il n’y a plus de question de dossier PetroCaribe. Pour l’avocat, le dossier PetroCaribe, c’est mort, fini. Il soutient que le Parlement a pêché dès lors qu’il a décidé de transférer le rapport parlementaire sur l’utilisation des fonds PetroCaribe à la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC/CA). C’est fini. Le Parlement n’est pas une direction dépendante de la CSC/CA. Selon lui, « le Parlement ne peut pas enquêter pour la CSC/CA, mais c’est la CSC/CA qui peut enquêter pour le Parlement ».

Pour l’homme de loi, la CSC/CA n’a pas les compétences ni les responsabilités légales pour se prononcer sur les faits de corruption, mais de préférence sur des faits de détournements de fonds. Aussi, la Cour des comptes ne doit pas légalement se plancher sur le dossier PetroCaribe, car il est déjà saisi par le Parlement.

L’avocat a aussi soutenu que c’est l’Etat qui est la principale victime et c’est à lui de porter plainte personnellement et non une tierce personne. Autrement dit, personne d’autre n’a ce droit sur le plan pénal. Rappelons que plusieurs plaintes sont déjà déposées au Cabinet d’instruction à Port-au-Prince sous la direction de Me André Michel, avocat militant et homme politique considéré comme l’un des opposants farouches aux régimes des « Tèt Kale 1 et 2 ».

La démarche de cet avocat militant est-elle foncièrement technique, politique, juridico-politique, intéressée ou désintéressée ? Est-elle nulle et non avenue si l’on en croit son collègue avocat Me Sonet Saint-Louis ? Qui dit la vérité juridique dans ce dossier ? Quelle voie entreprendre pour un procès juridique du dossier PetroCaribe ?

Si l’on tient compte de l’avis de Me Saint-Louis, l’important sit-in qui a eu lieu le vendredi 24 août 2018 par devant la CSC/CA ne devrait pas y avoir lieu. Un tel rassemblement populaire ferait plus sens s’il avait été réalisé devant le Palais national où loge le premier citoyen de la Nation ou devant le Palais de justice.

N’étant pas juriste de formation ni de profession, je n’ai pas les compétences techniques pour apporter les réponses juridiques et légales à certaines questions ne relevant pas de ma formation. Par contre, étant doctorant en Science Politique, j’essaie d’analyser, de questionner et d’attirer l’attention de toutes et tous sur certains points que j’estime nécessaires de clarifier et d’anticiper pour la compréhension de toutes et tous.

Si l’on revient sur les déclarations du Me Saint-Louis estimant qu’il n’existe plus aucune possibilité juridique pour que le procès PetroCaribe voie le jour tandis que les citoyens demandent des comptes aux autorités établies, que fera-t-on dans ce cas de figure ? Se croiser les bras ou affronter les initiateurs du « challenge » en apportant les réponses nécessaires à leur question ?

Oublie-t-on qu’en démocratie le peuple est souverain, c’est-à-dire au-delà de toutes règles, toutes lois, toutes institutions et toute constitution, il a toujours un dernier mot à dire ?

Pour mieux expliciter ma question, on peut se référer à la situation en France en 2006 plus précisément sous le gouvernement de Dominique De Villepin lorsqu’un important mouvement d’étudiants et de lycéens soutenus par les partis politiques de gauche et les Syndicats, a éclaté. Le Parlement français a adopté une loi sur le contrat première embauche (CPE). Les jeunes ont estimé que cette loi n’était pas favorable à leur avenir. En réaction, ils ont investi les rues violemment et ont exigé le retrait de cette loi votée par le Parlement et validée par la Cour constitutionnelle française. Suite aux manifestations violentes des jeunes, l’Etat français a été obligé de retirer cette loi alors que tous les parcours institutionnels et toutes les démarches constitutionnelles ont été respectés et épuisés, mais la pression populaire a gagné. Donc, compte tenu de la souveraineté que détient le peuple, ne peut-il pas dire « point à la ligne » même lorsqu’on dit « point final » pour lui ?

Le dossier PetroCaribe, est-il vraiment mort ou fini pour le peule haïtien ? Et s’il décide de dire réellement « point à la ligne » à travers son défi « Kot kòb Petwo Karibe a ? », on fera quoi ? La sourde oreille ? Ou devra-t-on emboiter le pas selon ses revendications et sous sa pression ?

Le procès PetroCaribe : Entre la difficile inscription dans l’agenda public volontairement et la décision imposée par la pression populaire.

Aujourd’hui le pouvoir « Tèt kale 2 » mené par le président Jovenel Moise est à un carrefour où lui seul peut décider quelle direction prendre en attendant la pression populaire en faveur du procès PetroCaribe.

Il faut se rappeler que l’Etat a une mission: la recherche du bien-être pour son peule. En la réalisant il faut qu’il respecte, entre autres, le principe de la reddition des comptes. Et les gouvernements ont des objectifs : des programmes à réaliser, des politiques publiques à élaborer, des dossiers à aborder, des réponses à apporter aux préoccupations des citoyens en étroit lien avec la mission de l’Etat, etc. Et si un gouvernement déciderait de ne pas toucher tels ou tels dossiers pour des raisons que j’ignore, le peuple peut-il le forcer à le faire ? Faut-il laisser certains dossiers pour le prochain gouvernement ?

Le président Moise, paraît-il, ne veut pas ou ne souhaite pas ou encore ne peut pas se tirer une balle au pied en réalisant le procès PetroCaribe dans la mesure où certains de ses proches et collaborateurs-trices seraient impliqué.es dans le gaspillage et le détournement du fonds PetroCaribe. Il ne peut pas non plus faire un re-revirement en se prononçant à nouveau contre le procès PetroCaribe. Alors on avance ou on s’arrête là ?

Entre ces deux voies, existe une troisième voie que le président empruntera obligatoirement : c’est celle qui lui sera imposée par la pression populaire dans la mesure où le « challenge » lancé par les internautes se transformerait en de véritables manifestations populaires dans tout le pays suivies de violence plus graves que celles des 6, 7 et 8 juillet 2018. Personne ne souhaiterait revivre de tels événements, mais en même temps il faut poser des actes pour les éviter.
Pour voir venir cette injonction populaire, il suffit juste de regarder vers l’horizon non lointain et on verra venir ces événements.

Le samedi 24 août, soit le même jour où beaucoup de citoyens se sont donné rendez-vous devant la CSC/CA en vue de faire pression sur cette dernière pour prendre ses responsabilités dans le dossier PetroCaribe, le président Moise a parlé en répondant aux assoiffés de justice et « challengeurs » du dossier PetroCaribe. Il a dit que « la lumière doit être faite sur le dossier PetroCaribe, mais personne ne pourra utiliser ce dossier pour faire des persécutions politiques… ». Et il poursuit : « Le moment est révolu. Plus que dix ans après, un dossier si important traîne… nous le ramassons… » Entre « dire » et « acter » par rapport aux déclarations du Président, il reste l’« action ». Dire = parler et acter = agir. Il reste donc l’action de la part de l’Etat mené par le Président Moise, car il a déjà dit et parlé.

Rappelons que l’on s’achemine vers une période électorale où d’éventuelles planifications seront faites pour l’avènement ou non d’un pouvoir « Tèt kale 3 ».

Va-t-on choisir le verdict populaire par les urnes ou le verdict populaire par la violence et la colère dont les conséquences économiques et sociales risquent d’être incommensurables pour le pays ? Entre ces deux maux, le Président devra choisir le moindre.

En tout cas, il y a une demande formulée par les citoyens, il reste à savoir si les autorités y répondront réellement ou non.

La question est posée et nécessite une réponse. Le meilleur interlocuteur du citoyen c’est l’Etat à travers les institutions et les autorités établies. Dans ce cas, c’est la Constitution et les lois de la république qui définissent et donnent à l’Etat les moyens et la manière pour répondre aux citoyens.

Il n’est pas nécessaire d’évoquer ici, les grandes théories sur la politique ou sur l’Etat pour comprendre et faire comprendre ce qui est en train de se préparer en filigrane compte tenu de l’ampleur qui se fait actuellement sur les réseaux sociaux où une démonstration populaire a été donnée dans les rues le 24 août passé.

Mais, on peut toutefois se référer au « contrat social » de Jean Jacques Rousseau pour comprendre que c’est à l’Etat de répondre à la question posée par les citoyens. Pour cela, il suffit juste de mettre en évidence le rapport gouvernants-gouvernés dans une perspective historique, sociologique et juridique basée sur le contrat social qui lie l’Etat à ses citoyens.

De même, on peut se référer aux travaux de John Locke et de Montesquieu sur la séparation et la complémentarité des pouvoirs dans un système démocratique suivant les principes régis par la « loi » pour comprendre que le Législatif et le Judiciaire ont leur rôle à jouer aussi, aux côtés de l’Exécutif dans toute démarche visant le bien être des gouvernés.

Mais il faut signaler que, même si le Législatif et le Judiciaire veulent travailler en vue de répondre à la question posée par les internautes haïtiens, l’Exécutif doit envoyer le premier signal en inscrivant le procès PetroCaribe dans son agenda public s’il souhaite réellement répondre à la question.

En d’autres termes, c’est l’Exécutif, l’Etat au sens restreint, qui détient l’appareil répressif et les moyens appropriés. C’est lui qui peut bloquer et débloquer toute démarche visant le procès PetroCaribe. Donc, c’est lui qui doit prendre les engagements envers les citoyens d’abord. Ce n’est ni le Judiciaire ni le Législatif qui doivent s’aligner au premier plan même s’ils ont en réalité leur partition à jouer dans la réalisation d’un vrai procès sur la gestion et l’utilisation du fonds PetroCaribe.

Le défi « Kot kòb Petwo Karibe a ? » sera-t-il suffisant ou capable pour forcer l’Etat à réaliser le procès PetroCaribe en l’inscrivant à son agenda ?

Attendons voir ! Il paraît que dans le dossier PetroCaribe, qui vivra, verra.

Francilien BIEN AIME
Doctorant Science Politique
Sciences Po Bordeaux

fbienaimeht@gmail.com

francilien.bienaime@scpobx.fr

https://durkheim.u-bordeaux.fr/Notre-equipe/Doctorant-e-s/CV/Francilien-Bien-Aime

http://www.theses.fr/s151537

 

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