Cobayes humains : le scandale des afro-américains atteints de syphilis

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L’étude de «Tuskegee» est devenue un puissant symbole du racisme dans le domaine de la médecine. Derrière elle se cache aussi l’un des pires scandales sanitaires de l’histoire des Etats-Unis et la plus longue expérience non thérapeutique sur des humains dans l’histoire de la médecine

Mercredi 20 juin 2018 ((rezonodwes.com))– En 1997, le président Bill Clinton a présenté ses excuses aux survivants d’un groupe composé de quelque 400 Noirs, tous des hommes, travailleurs saisonniers de l’Alabama, recrutés par les autorités médicales dans le cadre d’une recherche au cours de laquelle tout traitement contre la syphilis leur avait été refusé afin d’étudier l’évolution de la maladie.




En effet, en 1932  l’Etat  a mené une expérience sur 399 noirs d’une commune rurale d’Alabama. Illettrés, ces « patients » avaient juste connaissance d’être suivis pour leur « mauvais sang » et n’ont pas vraiment donné leur consentement. De plus, personne ne leur avait vraiment dit en quoi consistait l’étude en question.

Régulièrement, ils étaient conduits à la clinique dans des véhicules gouvernementaux. Sur place, ils recevaient des « traitements » gratuits ; il s’agissait en réalité d’examens, notamment des ponctions lombaires, destinés à suivre l’évolution de leur maladie, la syphilis.

En plus des repas gratuits distribués à chaque consultation, l’Etat promettait à chaque participant de financer ses funérailles, s’il mourrait au cours de l’étude. De maigres compensations qui, en ces périodes de crise a séduit beaucoup de participants.

A l’origine, le suivi ne devait être que de huit mois. Seulement, très vite, les chercheurs ont décidé de prolonger l’expérience et donc de maintenir la surveillance jusqu’à la mort de tous les patients. Et lorsque les Etats-Unis sont entrés dans le conflit de la Seconde Guerre Mondiale, le PHS a réussi à faire exempter 250 hommes qui souhaitaient s’enrôler. On s’assurait ainsi que les médecins militaires ne découvrent pas le non-traitement des malades. Pendant 40 années, cinq universités prestigieuses américaines ont travaillé sur ce projet et les résultats ont été régulièrement publiés dans des revues scientifiques.




C’est à partir du milieu des années 40 que l’étude de Tuskegee prend une tournure éthique des plus discutables. Les travaux de Flemming sur la pénicilline et ses effets connaissent un fort retentissement. Les Etats-Unis commencent la production industrielle de ce traitement révolutionnaire. En 1943, John Mahoney, directeur de l’hôpital des Marines, teste la pénicilline sur un agent de la syphilis, avec succès. Les américains malades, surtout des soldats, sont traités. Pas les syphilitiques de Tuskegee. Le PHS ne voulait pas ruiner une étude déjà mise en place depuis des années.

En 1966, un chercheur du service de Santé publique, Peter Buxtun, alerte ses supérieurs sur l’éthique de cette expérimentation. Face au silence, il se décide à faire éclater l’affaire. Le 26 juillet 1972, le New York Times titre en Une « L’étude de Tuskegee de la syphilis non traitée chez l’homme de race noire ».

Quand l’affaire a été révélée par la presse en 1972, elle a profondément choqué les Américains et des comparaisons avec les expériences médicales menées par les nazis avaient alors été évoquées.

Une commission d’enquête a été mise en place au Sénat. Ses conclusions sont sans appel : il faut cesser cette expérimentation éthiquement injustifiable.




Seuls 74 des sujets enrôlés étaient alors encore en vie. 128 personnes étaient mortes de la syphilis ou de ses complications. D’autre part, 40 des conjointes des sujets de l’étude avaient été infectées et avaient donné naissance à 19 enfants atteints de syphilis congénitale.

En 1974, la somme de dix millions de dollars est débloquée pour les survivants et les familles des personnes décédées. Et, en 1997, le président des Etats-Unis, Bill Clinton a présenté, au nom du pays, des excuses publiques.

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