Le capital politique haïtien est construit à partir du malheur des autres

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par Me Endy Frédéric
Port-au-Prince, mercredi 7 février 2018 ((rezonodwes.com))– Voulant rester au cœur de l’actualité, recevoir des messages et des mots de remerciements particuliers, être éternellement vénérés, être des héros (des faux) et qu’on leur soit toujours reconnaissant, les politiciens haïtiens omettent et même refusent systématiquement de travailler pour le développement durable du pays. En grande partie, ils agissent de la sorte pour avoir toujours la possibilité de construire leur capital politique au détriment de la postérité.




Maintes fois, des malades haïtiens « gaillards » écrivent ou prennent le micro pour remercier un politicien d’avoir fait diligence pour les avoir tirés d`un état sanitaire critiques dans lesquel ils se trouvaient. D’un côté, les politiciens octroient à des souffrants dont le cas nécessite une opération chirurgicale par exemple, quelques gourdes et entreprennent des démarches pour le transport d’une ville de province au chef-lieu du département et/ou à la capitale. D’autre part, ils donnent un chèque important pour faciliter l’opération d’un compatriote soit en République voisine (un pays sous notre protection pendant 21 ans), soit à Cuba, soit chez Tonton Sam.

Malheureusement, dans le malheur des autres, ils construisent ou augmentent leur capital politique. Ah! Député X a fait don d’un chèque de telle somme au fils de monsieur B pour des soins de santé. La première dame a sauvé une fille d’une tumeur grâce à un chèque. Sénateur Y a fait les démarches d’un hélicoptère pour transporter madame Z à Port-au-Prince. Le malade redevenu gaillard va se transformer, sans considération aucune, partisan, propagandiste de ce politicien qui préfère tout garder en poche, agir sur le conjoncturel que sur le structurel.

Le chèque octroyé pourrait acheter cet appareil manquant à l’hôpital X pour réaliser l’opération de plusieurs personnes mais le zoom conjoncturel compte davantage pour le politicien. Il ne s’investit pas, ni n’investit dans un plan global de développement d’infrastructures. On ne lui sera plus reconnaissant car à l’île de la Tortue, il y aurait un hôpital moderne et qu’il ne pourrait plus s’en servir pour augmenter sa cote de popularité.




Quand les politiciens établissent un système pareil, la population va toujours mourir d’un manque de soins, sera toujours à leurs pieds et ne pourra jamais jouir librement de ses droits civils et politiques. Implicitement, elle est achetée. Ses droits sont involontairement aliénés.

Cette analyse est valable pour les autres secteurs infrastructurels et d’activité du pays. De toute façon, le bénéficiaire s’en souviendra, vu sa situation antérieure. Pa koupe dwèt k’ap ba w manje a. Sonje grenn lapli ki te fè mayi w pouse a. On ne trahit pas son patron. C’est la situation actuelle du pays. Et ce système est loin d’être éradiqué. Il est construit tel qu’on soit toujours à la merci d’un autre qui était lui aussi un temps à la merci.

Vous croyez que Roody RoodBoy ne se souviendra pas de ceux qui lui ont permis d’être sur le parcours du carnaval, qu’il leur doit reconnaissance, alors qu’il est évident que le type est un talent confirmé ;  que sa meringue est top et populaire ; qu’il était champion sur le même parcours en 2017 ; que BigO n’a pas tiré ou voulu tirer gloire et reconnaissances du fait qu’il ait offert son char au talentueux Roody. C’est notre pays. On construit son capital politique et même social dans le malheur des autres.




Mais il est scientifique que le développement global et durable d’Haïti ne peut se faire par des actions politiciennes. Il se fait par le vote et l’adoption des politiques publiques, en matière de santé, pour le cas précis.

On dira toujours merci pour un chèque, pour un job qui a permis de te garder en vie ou pour une démarche quelconque tant qu’il n’y ait pas un pays développé. Certes, dans un pays sérieux, on dira toujours merci mais aux ancêtres et aux grands hommes politiques qui ont su camper un système intégré et durable mais non aux politiciens malhonnêtes qui n’ont rien fait construire, ni rien penser de structurel.

Il est inconcevable qu’on n’ait pas, au moins par département, une infrastructure sanitaire moderne ki ka byen retire yon pichpich nan je yon poul.

Endy Frédéric, Av.

Île de la Tortue, Haïti, Nord-Ouest, West Indies.-

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