Pierre Denizé, décédé le dimanche 1er octobre 2017, est inhumé en Floride, le lieu même où il a rendu son dernier soupir. Pour un ancien cadre de haut rang de l’Etat haïtien, il est vraiment regrettable que ce soit à l’extérieur du pays que reposent ses restes et ceux de tant d’autres officiels de son état. Encore une pièce manquante au musée du Panthéon National, pour un éventuel hommage aux anciens hommes et femmes d’Etat ayant honorablement et valablement servi leur pays. M. Michel-Ange Gédéon, dans une démonstration de leadership et d’harmonie, a pu réunir en un même endroit tous les anciens et hauts cadres de la PNH pour rendre un dernier et digne hommage à Pierrot Denizé qui a dirigé la PNH de 1996 à 2001.
« Dis-leur que le combat est encore rude, le pays reste difficile, mais tu avais bien semé, la PNH est en mode progression… » Gédéon
Miami, dimanche 8 octobre 2017 ((rezonodwes.com)).-Pour les funérailles de Pierre Denizé, ancien Directeur Général de la Police Nationale d’Haiti (PNH), qui ont eu lieu samedi à Miami, tout d’abord, il convient de signaler la présence de plusieurs dirigeants et anciens hauts cadres de cette institution policière. Michel-Ange Gédéon, l’actuel DG en fonction jusqu’en 2019, était à la tête d’une délégation composée de plusieurs personnalités dont les anciens DG Mario Andrésol et Godson Orélus. Dans l’assistance, la présence de Max Antoine, ancien ministre de la Justice, était remarquable, à l’instar de Robert Manuel, ancien Secrétaire d’Etat de la Sécurité Publique et de Gerry Jabon, un ancien Inspecteur de la PNH.
Rezo Nòdwès reproduit ci-dessous in-extenso le texte de l’oraison funèbre prononcé par le Directeur-Général de la PNH, M. Michel-Ange Gédéon.
Parents et amis éplorés,
La vie a de ces fatalités qui nous secouent, nous ébranlent et nous dérangent. L’instant présent en est un. Comment comprendre en effet que Pierre Denizé nous invite à une scène aussi macabre où les pleurs retenus se mêlent aux cris contenus pour enfanter une atmosphère lourde, triste et de profond chagrin? C’est la vie.
La présence de cette délégation composée d’anciens collaborateurs de Pierrot et des membres de l’état-major de la Police nationale d’Haïti se veut une marque de sympathie, un témoignage d’amitié et de fraternité de toute une institution à l’endroit de la famille de l’illustre disparu. Nous entendons rendre un hommage bien mérité à celui qui est considéré comme l’une des figures de proue de la période de gestation de la police Nationale d’Haïti. Avec le cœur étreint d’une douloureuse émotion, j’adresse mes sympathies personnelles à la famille.
Qui était-il cet homme?
La famille voudra bien parler de son enfance et d’autres parties de sa vie, mais nous, nous avons surtout retenu ceci :
M. Pierre Denizé a dirigé la PNH pendant 5 ans, soit de 1996 à 2001. Il a été le fer de lance du processus de professionnalisation de l’institution dans un contexte socio-politique difficile coïncidant avec les balbutiements de la nouvelle force. Il était d’un calme olympien et cela avait contribué à la neutralisation de certaines passions. Il a traîné ses bottes un peu partout à travers le pays pour s’enquérir lui-même des conditions de travail des policiers et avait tenté de colmater les brèches avec les maigres moyens qu’il avait à sa disposition. On retiendra qu’il était celui qui a véritablement structuré la PNH avec la création de la quasi totalité des unités spécialisées.
Membres de la PNH,
Parents et amis éplorés,
Pierre Denizé est à la PNH ce que fut Adams Smith pour le management et les sciences économiques, ce que fut Frederick Winslow Taylor pour l’étude des organisations, c’est à dire un pionnier, une référence de qui on parlera toujours au-delà du temps, au delà de l’espace. Il est le Robert Peel de notre cru. Sa signature reste apposée sur presque tous les documents normatifs en particulier les directives qui régissent aujourd’hui encore le fonctionnement de la police Nationale d’Haïti.
M. Denizé n’était pas un théoricien, un philosophe mû par des idées générales et des principes rationnels. C’était au contraire un esprit vif, essentiellement pratique, critique même avec des idées géniales et une grandeur d’âme comme on en voit que rarement. Il prenait le soin de consulter à chaque pas les faits comme le navigateur consulte l’état du ciel, avant d’inscrire son azimut et sa distance. Il aimait demander conseil. Il avait le mérite de se faire entourer de gens capables qu’il valorisait. Il avait le sens des relations humaines avec l’ardeur et l’humour d’un homme qui aimait la vie. Chacun était gratifié du petit surnom fraternel passe-partout de « djab » qui voulait dire tout simplement frérot, frangin, mon ami.
Voilà l’homme qui nous a quittés, voilà l’homme qui nous vaut le déplacement d’Haïti au Sunshine State. Le deuxième déplacement du genre dans un court laps de temps puisque, étant informé de sa santé un peu chancelante, il n’y a pas longtemps, j’avais envoyé une délégation à son chevet pour m’enquérir de son état. Sur les photos et à travers les vidéos, il avait encore un sourire qui inspirait la vie. J’avais vu un visage plein de joie et de vitalité et on s’était parlés plus d’une fois. Rien ne nous préparait donc à une mort aussi prématurée.
C’est là la perfidie de la mort. Et c’est là aussi qu’elle nous invite à la réflexion.
En effet, Sénèque nous dit que: «
Parents et amis attristés,
Le destin se trompe d’heure parfois, mais il ne rate aucune cible. Donc, on meurt de sa mort comme il a été écrit dans le cosmos. Va où tu veux, meurs où tu dois. Pierrot est parti comme il a vécu, en toute simplicité. Il est parti à son heure selon la volonté du maître des vies. Il est comme cet ouvrier noble et digne qui a fait sa tâche avant la fin du jour, et qui va recevoir sa récompense suprême du maître qu’il a bien servi.
Il est passé sous l’arc de triomphe de la renommée, a gravi le capitole de la gloire, a porté jusque-là la couronne de la réussite, a largement contribué à la construction d’une institution républicaine avec des missions régaliennes bien accomplies. Il s’est enfui dans la vague du temps sans faire de bruit. Mais il nous laisse l’écho de ses oeuvres et de ses réflexions. Il a gagné sa place au panthéon des serviteurs passionnés de l’idéal républicain.
Je me découvre devant ce géant, cet aîné que je ne verrai plus. Je dis courage à ses enfants et aux membres de sa famille. Je dis courage également aux membres de la PNH qui pleurent un frère, un père et un ami. Je salue la présence des membres de la délégation d’Haïti composée d’anciens collaborateurs du défunt qui ont bien voulu faire le voyage avec nous pour rendre un dernier hommage à M. Denizé.
Mon cher Pierrot,
Tu seras toujours parmi nous; la PNH te pleurera longtemps encore. Il y a de hauts faits de l’institution policière qu’on ne saurait revivre sans évoquer tes souvenirs, sans citer ton nom. Si cela est permis là-haut, tu voudras bien saluer ceux qui nous ont devancés, ceux qui ont fait don de leur sang et de leur vie pour faire de la PNH ce qu’elle est aujourd’hui.
Dis-leur que le combat est encore rude, le pays reste difficile, mais tu avais bien semé, la PNH est en mode progression, nous avons plus de bras, nous en aurons davantage et notre détermination reste intacte. Dis-leur également que nous allons continuer ton œuvre.
Dis-leur enfin que la PNH survivra.
Léonard de Vinci a dit : « comme une journée bien remplie nous donne un bon sommeil, une vie bien vécue nous mène à une mort paisible » .
Pars en paix, grand frère, tu as bien rempli ta journée.
Que la terre te soit légère !
Michel-Ange Gédéon
Directeur Général de la PNH
