19 novembre 2025
Budget 2025-2026 : une béquille budgétaire pour un État fragile, miné par la corruption
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Budget 2025-2026 : une béquille budgétaire pour un État fragile, miné par la corruption

Ce n’est pas un budget de transformation. Ce n’est même pas un budget de transition.

par Elensky Fragelus

Le budget 2025-2026, fraîchement adopté, se présente comme un exercice de continuité administrative dans un pays qui aurait pourtant besoin d’un acte de rupture. Avec une enveloppe portée à 345,5 milliards de gourdes, le gouvernement affiche l’ambition de stabiliser les finances publiques. Mais une lecture rigoureuse des lignes budgétaires révèle un tableau bien plus sombre : ce budget n’est ni un instrument de relance, ni une stratégie de redressement national. C’est une béquille, un dispositif de survie comptable pour un État affaibli à l’extrême.

Le premier constat est implacable : la machine administrative dévore l’essentiel des ressources. Salaires et fonctionnement absorbent une part écrasante du budget, au détriment des secteurs vitaux. L’État s’entretient, mais il ne se renforce pas. Il maintient ses structures, mais ne modernise rien. Cette hypertrophie bureaucratique, qui ne s’accompagne d’aucune amélioration de services publics, illustre un immobilisme chronique devenu système.

La dépendance aux bailleurs de fonds, elle, reste tout aussi préoccupante. Dons, prêts et emprunts constituent 27 % de l’ensemble budgétaire, rappelant cruellement que la souveraineté financière du pays repose sur des flux extérieurs incertains. L’équilibre budgétaire haïtien n’est pas maîtrisé : il est assisté. Une secousse diplomatique, un changement de priorité d’un partenaire international, et l’édifice vacille.

Pire : les investissements censés soutenir la croissance, moderniser le territoire, créer des emplois ou renforcer les services publics demeurent largement insuffisants. Ils sont fragmentés, timides et, surtout, très rarement porteurs d’une vision structurante. Routes, hôpitaux, infrastructures agricoles, énergie, justice : les besoins sont abyssaux, les montants dérisoires. On ne reconstruit pas un pays en crise profonde avec des lignes d’investissement aussi étriquées.

Les secteurs les plus déterminants pour la stabilité nationale (sécurité, justice, gouvernance, agriculture) sont encore traités comme des postes secondaires. Dans un contexte de violence extrême, d’impunité généralisée, de fragilisation du tissu productif et de dislocation institutionnelle, ces sous-financements répétés relèvent presque de l’irresponsabilité politique.

Mais le véritable angle mort de ce budget, et peut-être le plus dangereux, est ailleurs : aucune réforme n’est prévue pour renforcer les capacités institutionnelles, rationaliser les dépenses, professionnaliser l’administration ou lutter contre le gaspillage. Et dans ce vide de gouvernance, la corruption prospère. Elle mine l’efficacité des dépenses publiques, siphonne les maigres ressources disponibles et transforme chaque augmentation budgétaire en opportunité de prédation.

Dans un État aussi fragile, avec des institutions affaiblies et un contrôle administratif déficient, chaque gourde mal gérée devient un risque sécuritaire supplémentaire, un hôpital qui ne sera pas construit, une route qui s’effondrera à la première pluie, une école qui restera délabrée. Le budget 2025-2026 ne se contente pas de financer un État paralysé : il nourrit malgré lui les circuits opaques qui gangrènent la vie publique.

Au final, ce budget ressemble à un cocktail explosif : un État dépendant de l’aide étrangère, une économie stagnante, des investissements insuffisants, une bureaucratie coûteuse, des secteurs essentiels négligés, et une corruption qui s’infiltre partout où la transparence recule.

Ce n’est pas un budget de transformation. Ce n’est même pas un budget de transition. C’est un budget de survie, déposé sur un socle instable, dirigé par un pouvoir contesté, et mis en œuvre dans un climat où la corruption, loin d’être un accident, est devenue un mode de gouvernance.

Haïti n’a pas besoin d’une béquille supplémentaire. Elle a besoin d’un nouveau modèle.
Et tant que le pays ne sortira pas de cette boucle infernale, les budgets continueront de s’empiler sans jamais changer la trajectoire nationale.

Elensky Fragelus

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