Dr Arnousse Beaulière, Economiste, Analyste politique,
auteur de « Haïti : Changer d’ère (L’Harmattan, 2016) »
Le budget de la loi de finances 2017-2018 (144 milliards de gourdes) qui fait la part belle aux pouvoirs exécutif et législatif au détriment des secteurs vitaux de la vie nationale, continue de remuer l’opinion publique.
Paris, dimanche 24 septembre 2017 ((rezonodwes.com)).- La grogne monte dans le pays. Mais, Jovenel Moïse n’en a cure. Il a promulgué cette loi, le 19 septembre 2017, telle qu’elle a été votée par les deux Chambres composées majoritairement de parlementaires godillots. C’est-à-dire sans presqu’aucune modification. Ce malgré les observations plus que pertinentes des parlementaires de l’opposition, des économistes de diverses obédiences, des représentants des organisations de défense des droits humains, etc., contre certaines rubriques jugées délétères voire inconstitutionnelles de ce budget.
Quand on lui reproche de s’être entêté dans cette affaire, au risque de mener le pays à sa perte, le président Tèt Kale 2 qui se croit tout puissant, rétorque, droit dans ses bottes, d’une voix menaçante : Mwen pibliye bidjè a, e mwen pral aplike tout sa ki gen nan bidjè a ! Autrement dit : « Le président a parlé, point barre ! » Quelle suffisance ! Quelle arrogance ! Quel autoritarisme !
C’est dans cette posture qu’il prétend défendre la cause du peuple qui l’a élu, aime-t-il à préciser, démocratiquement dès le premier tour, le 20 novembre 2016. Faut-il le rappeler, il a été déclaré vainqueur de ce scrutin très controversé à 55,67% des suffrages exprimés (environ 600 000 voix), avec un taux de participation de près de 21% seulement ! Un président légal certes, mais loin d’être légitime. Il fait penser à ces petits potentats qui n’ont pas peur du ridicule en ayant le mot démocratie à la bouche en permanence alors qu’ils en sont de véritables fossoyeurs.
Sourd aux souffrances du peuple, l’occupant du Palais national se raidit de plus en plus et entend employer la manière forte pour mater ses opposants. En bon réactionnaire, et néo-duvaliériste notoire, il répète à tue-tête qu’il veut faire régner l’ordre et la discipline, tout en dénonçant une soi-disant «
Notons au passage que l’expression «
Se croyant invincible, comme ses prédécesseurs, au lieu de jouer l’apaisement, le poulain de Martelly excelle dans les effets de manche et s’engage dans un bras de fer avec cette nouvelle opposition qui semble se dessiner dans le paysage sociopolitique. Atteint de myopie politique sévère, il préfère les petites combines entre amis aux intérêts supérieurs de la nation.
De fait, pour Me Elco Saint-Amand, avocat, ancien chef du Parquet de Port-au-Prince, « Jovenel Moïse sacrifie son quinquennat » (Haïti Observateur/Rezonòdwès, 20 septembre 2017). Mais, à bien y regarder, c’est surtout le pays qu’il sacrifie. Sa « politique coup de poing » dans le débat sur le budget va, en effet, exacerber les inégalités économiques et sociales déjà très prégnantes dans le pays et retarder encore son développement. Frédéric Thomas, spécialiste du développement, l’avait prédit : ce nouveau président des nantis, ex-patron d’Agritrans « à la carrière opaque » est « une catastrophe pour Haïti » (Libération, 29 novembre 2016).
Une catastrophe sociopolitique en plus des catastrophes naturelles à répétition qui frappent durement le pays depuis des décennies. Un président inflexible qui se met en mode autocratique au service d’une minorité de possédants et des bandi legal, au détriment des masses défavorisées et des classes moyennes appauvries.
Dr Arnousse Beaulière,
Economiste, Analyste politique
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