3 décembre 2025
Haïti | ‘Election’: Haïti : dix centres de tabulation extralégaux prévus par Saint-Cyr/Fils-Aimé pour choisir leur vainqueur et perpétuer le système
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Haïti | ‘Election’: Haïti : dix centres de tabulation extralégaux prévus par Saint-Cyr/Fils-Aimé pour choisir leur vainqueur et perpétuer le système

« La souveraineté du vote avec les 10 CTV ne se jouera plus à l’urne mais dans des salles informatiques échappant au regard citoyen« 

Le Centre de Tabulation des votes (CTV), institué durant la transition Boniface Alexandre – Gérard Latortue (2005-2006), incarne l’un des mécanismes les plus contestés et les plus sujets à suspicion au sein du système électoral haïtien. Son introduction n’a reposé sur aucune norme constitutionnelle, ni sur une loi organique adoptée par le Parlement. Il s’agit d’un dispositif créé par voie administrative, en marge des prescriptions de la Constitution de 1987, laquelle attribue au législateur la compétence exclusive de définir l’organisation, la composition et le fonctionnement des organes électoraux. Ce caractère extralégal constitue l’un des foyers majeurs d’inquiétude : un mécanisme déterminant dans la production des résultats fonctionne hors de l’écosystème de légalité publique de l’État

Présenté à l’origine comme une modernisation technique destinée à sécuriser la compilation nationale des résultats, le CTV s’est transformé, dès le scrutin de février 2006, en source de contestation et de manipulation du scrutin. Les critiques adressées aux équipes techniques de l’époque, ont inauguré un cycle durable de suspicion institutionnelle. Ce malaise s’est consolidé lors des élections 2010-2011, moment charnière de l’histoire électorale récente du pays : l’intervention externe modifiant l’ordre d’arrivée des candidats a illustré de manière spectaculaire la vulnérabilité de la tabulation. Un candidat classé en troisième position selon les procès-verbaux initialement acheminés fut projeté en deuxième position à l’issue du processus de tabulation, ouvrant la voie à un second tour auquel il n’aurait pas accédé selon les données issues des bureaux de vote. Ce renversement – résumé par l’expression « le dernier devenu le premier » – a cimenté la perception que la tabulation est désormais un espace décisionnel, et non une étape neutre de consolidation.

Les élections de 2016 ont prolongé cette dynamique. Les allégations de manipulations numériques, les limitations d’accès imposées aux mandataires dans les salles de vérification et les divergences entre procès-verbaux physiques et données compilées ont accentué la conviction que le CTV constitue un pivot où s’opère la déformation potentielle du suffrage. Ainsi, pour une part importante de la population, la souveraineté du vote ne se joue plus à l’urne mais dans des salles informatiques échappant au regard citoyen.

La situation actuelle renforce ces inquiétudes. Le dernier décret électoral, dépourvu lui aussi d’assise légale, prévoit la création de dix centres de tabulation départementaux, a appris Rezo Nòdwès. Cette multiplication des structures fragmente davantage la chaîne de custody électorale, multiplie les nœuds de décision et élargit le spectre des interventions possibles durant la compilation. D’un point de vue juridique, la prolifération de centres non encadrés par une loi formelle complique l’identification des responsabilités, ouvre des zones grises en matière de contrôle juridictionnel et augmente les risques de divergences méthodologiques entre centres.

À cette expansion contestée s’ajoute l’insertion mécanique d’un quota de 30 % de comptables féminins, mesure présentée comme innovante mais qui n’aborde aucun des enjeux normatifs fondamentaux : absence de loi établissant la tabulation, déficit de contrôle externe, opacité des algorithmes et impossibilité pour les partis politiques d’exercer un audit indépendant des données tabulaires. L’annonce du binôme Laurent Saint-Cyr – Alix Didier Fils-Aimé, visant à implanter 10 centres de tabulation, amplifie encore la crainte d’un dispositif où l’accumulation de points de compilation remplace la garantie d’intégrité.

L’idée d’un sondage national sur la légitimité du CTV, évoquée par le Dr Josué Renaud, un responsable de droits humains, conduirait à un résultat sans ambiguïté : une majorité d’Haïtiens rejette un système qui constitue, depuis près de vingt ans, la matrice de la manipulation électorale. Loin d’être un instrument technique neutre, la tabulation occupe désormais une fonction quasi-constitutive dans la production des résultats, au point de supplanter la volonté exprimée dans les bureaux de vote.

Ainsi, l’évolution du CTV révèle une dérive structurelle où un dispositif introduit sans base légale s’est imposé comme le véritable centre de gravité du cycle électoral, reléguant au second plan la transparence, la supervision juridictionnelle et la souveraineté du suffrage. L’annonce de dix centres de tabulation additionnels par le tandem Saint-Cyr/Fils-Aimé prolonge cette dynamique en promettant, sous couvert d’élections « honnêtes, libres et démocratiques », un horizon électoral renvoyé aux calendes grecques, relevé davantage du conte que de la gouvernance. Cette inflation de structures accentue un modèle déjà contesté, éprouvé en 2011 et 2016, où la compilation supplante la volonté exprimée dans les urnes. Dans ce schéma, il ne reste qu’à attendre que le meilleur candidat disposé à perpétuer le système l’emporte.

cba

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