« Nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants » (Antoine de Saint-Exupéry).
La COP30, la 30ᵉ Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), s’est tenue du 6 au 21 novembre 2025 à Belém, au cœur de l’Amazonie brésilienne. Un lieu symbolique, choisi pour rappeler au monde que les forêts, les peuples autochtones et les écosystèmes fragiles sont au-devant de la lutte climatique. Près de 200 États, incluant toutes les parties à la CCNUCC et l’Union européenne, se sont réunis. On a pu observer des représentants des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre comme les États-Unis, la Chine, l’Inde et l’Union européenne, aux pays les plus vulnérables tels que les petits États insulaires du Pacifique, les Caraïbes, des nations africaines et Haïti. La PROMODEV salue cette belle initiative qui pourrait faciliter des échanges constructifs entre les décideurs mondiaux et renforcer la coopération internationale en matière de lutte contre les changements climatiques.
Dans cette mosaïque de réalités et d’intérêts divergents, les attentes étaient immenses. Pourtant, l’accord final adopté à Belém, malgré quelques avancées sur le financement de l’adaptation, laisse planer une grande inquiétude : aucune feuille de route précise pour la sortie des énergies fossiles n’y figure. Pour Haïti, un pays classé parmi les plus vulnérables au monde face aux impacts climatiques, cette absence est lourde de conséquences. Elle révèle les limites du multilatéralisme climatique actuel tout en soulignant l’urgence pour les États les plus fragiles de développer leur propre stratégie de résilience.
C’est dans cette perspective que la PROMODEV organisation à but non lucratif de la société civile engagée dans le développement rural, la production nationale, la souveraineté alimentaire et la justice climatique, prend position. Elle analyse les insuffisances de l’accord, les risques pour Haïti, et appelle à un sursaut collectif pour construire une transition énergétique nationale viable, juste et souveraine.
Beaucoup espéraient que la COP30 marque une rupture historique, celle où la communauté internationale s’accorderait enfin sur une stratégie planifiée pour réduire la dépendance mondiale aux énergies fossiles. Pourtant, l’accord final adopté reste limité et il se contente d’engagements généraux, sans calendrier précis, sans obligations contraignantes et sans mécanisme de suivi solide. Cette absence de vision ambitieuse laisse planer un doute sur la capacité réelle des États à engager une transition énergétique coordonnée à l’échelle mondiale.
Pour Haïti, cette insuffisance représente un danger majeur. Le pays subit déjà les impacts climatiques avec une intensité disproportionnée : cyclones, inondations, sécheresses prolongées, érosion massive des sols agricoles, avancée de la mer dans plusieurs zones côtières, perte de biodiversité et dégradation accélérée des écosystèmes. Ces phénomènes menacent directement la sécurité alimentaire, les infrastructures essentielles et le tissu socio-économique déjà fragile du pays.
Sans réduction rapide et structurée des émissions mondiales, ces impacts iront en s’aggravant. L’adaptation deviendra non seulement plus coûteuse, mais parfois insuffisante pour protéger durablement les communautés. De plus, l’absence de stratégie mondiale pour la sortie des énergies fossiles retarde la transition énergétique globale et maintient Haïti dans une dépendance quasi totale aux importations pétrolières. Les fluctuations du prix du carburant, les ruptures d’approvisionnement et la faiblesse des infrastructures énergétiques continueront d’étouffer l’économie nationale, compromettant sa souveraineté et son développement durable.
Les autorités haïtiennes actuelles ne devaient se contenter de participer aux conférences internationales pour y occuper un siège symbolique. Dans un contexte de crise climatique mondiale, leur rôle devrait être actif, stratégique et mobilisateur, tant sur la scène diplomatique qu’au niveau interne. Haïti doit faire entendre sa voix avec clarté et fermeté, en rappelant son extrême vulnérabilité et en appelant à des engagements concrets et ambitieux de la part des grandes puissances.
D’abord, il est essentiel que le pays défende une véritable justice climatique. Haïti n’est responsable que d’une infime portion des émissions mondiales, mais en subit les impacts parmi les plus sévères. À Belém, et au-delà de la COP30, les autorités haïtiennes devraient adopter un discours cohérent sur la responsabilité historique des pays industrialisés, plaider pour une réduction rapide des énergies fossiles, renforcer leurs alliances avec les pays vulnérables, notamment dans les Caraïbes, en Afrique subsaharienne et parmi les petits États insulaires du Pacifique, et réclamer un mécanisme international dédié aux États en crise multidimensionnelle.
Ensuite, Haïti doit exiger des financements climatiques réellement adaptés à ses réalités et son contexte socio-économique. Les promesses internationales restent vaines si les fonds demeurent inaccessibles. Le pays doit revendiquer des subventions pour l’adaptation agricole, hydrologique et forestière, des financements directs pour les communautés et les collectivités locales, un accès simplifié et transparent aux fonds climat, ainsi qu’une coopération technique visant à renforcer ses institutions dans la gestion du climat et de l’énergie.
Enfin, Haïti doit impérativement construire son propre plan national de transition énergétique. Cela implique de réduire progressivement sa dépendance au pétrole, de développer massivement l’énergie solaire, éolienne et la biomasse, de créer des mini-centrales énergétiques communautaires, de renforcer le cadre juridique lié aux énergies renouvelables et de planifier le développement énergétique sur le long terme. Haïti ne peut attendre que le monde lui dicte son futur énergétique, elle doit agir et agir maintenant.
Dans un pays où l’État demeure fragile et où de nombreuses communautés sont souvent livrées à elles-mêmes, la société civile constitue l’un des moteurs essentiels de la transformation climatique. La PROMODEV rappelle que les organisations citoyennes jouent un rôle déterminant dans la défense de l’intérêt public, la mobilisation communautaire et l’accompagnement de la transition écologique. Elles portent la voix des communautés, des agriculteurs, des femmes, des jeunes et de toutes les catégories sociales directement touchées par les impacts du dérèglement climatique.
La première responsabilité de la société civile consiste à exiger davantage d’ambition et de transparence. Elle doit dénoncer les insuffisances des accords internationaux, interpeller les autorités haïtiennes sur la nécessité d’élaborer une stratégie climatique claire et cohérente, et assurer un suivi rigoureux de l’utilisation des fonds liés au climat. Les organisations citoyennes doivent aussi participer activement à l’élaboration des politiques publiques afin de garantir qu’elles répondent véritablement aux besoins des communautés les plus vulnérables.
La deuxième responsabilité repose sur le développement et le soutien des initiatives communautaires. Malgré le manque de cadre international solide, les communautés rurales peuvent devenir les pionnières d’une transition énergétique endogène. La PROMODEV encourage des actions telles que l’installation de systèmes solaires dans les zones isolées, la mise en œuvre de projets agroécologiques résilients, la création de coopératives agricoles utilisant les énergies propres, ou encore les programmes de reboisement durable et les innovations locales en gestion de l’eau et des sols. C’est dans les sections communales que se construisent les fondations d’une transformation durable.
Enfin, la société civile a pour mission d’éduquer et de sensibiliser la population. La transition énergétique n’est pas uniquement un processus technique, elle est également culturelle et sociale. Il est donc indispensable d’investir dans la formation des jeunes aux métiers verts, d’intégrer l’éducation climatique dans les écoles, d’organiser des espaces d’échange comme l’Université du samedi Soir (Forum Agricole) et de diffuser des informations accessibles via les radios communautaires, les réseaux sociaux et d’autres plateformes médiatiques. Car c’est en mobilisant les consciences que l’on mobilise les changements nécessaires.
La PROMODEV exprime une profonde préoccupation face à un accord mondial qui omet de façon alarmante la nécessité urgente de sortir progressivement des combustibles fossiles. Pour l’organisation, une telle omission constitue une menace directe pour les pays vulnérables comme Haïti, déjà exposés à des catastrophes climatiques répétées. En négligeant la transition énergétique mondiale, la communauté internationale compromet la stabilité environnementale et socio-économique des nations les plus fragiles, laissant peser sur elles les conséquences les plus lourdes du dérèglement global.
Face à ces insuffisances, la PROMODEV refuse toute posture de résignation et affirme son engagement à agir concrètement. Elle promeut un modèle énergétique décentralisé basé sur des énergies propres, soutient les producteurs agricoles dans leurs efforts d’adaptation climatique, accompagne les communautés rurales dans la construction d’un développement durable, influence les politiques publiques par sa participation active dans les espaces de dialogue et mobilise la jeunesse rurale autour d’un projet de souveraineté énergétique et alimentaire. Par ces actions, l’organisation contribue à renforcer les capacités du pays à résister aux chocs climatiques tout en bâtissant un avenir plus juste et plus durable.
Dans cette dynamique, la PROMODEV réaffirme également sa disponibilité à accompagner un nouveau leadership à la tête du secteur de l’environnement afin de faciliter la tâche aux décideurs légitimes et de soutenir l’élaboration de politiques ambitieuses et cohérentes. L’organisation croit fermement que la résilience d’Haïti dépendra de sa capacité collective à dépasser les divisions politiques, territoriales et institutionnelles. C’est en unissant les forces du pays et en collaborant étroitement avec les institutions, les communautés et les experts que nous pourrons mettre Haïti sur la voie du progrès, dans le respect des défis climatiques et des impératifs de souveraineté nationale.
La COP30 a mis en lumière un monde profondément divisé entre des ambitions climatiques souvent déclarées et des actions concrètes largement insuffisantes. Pour Haïti, cette contradiction mondiale ne doit pas être perçue comme une fatalité, mais comme un appel urgent à l’action et à la reconstruction. Dans ce contexte, la PROMODEV estime qu’il est indispensable d’adopter une vision nationale forte, cohérente et portée par un leadership renouvelé afin de répondre efficacement aux défis climatiques majeurs auxquels le pays est confronté.
La PROMODEV recommande que l’État haïtien adopte une diplomatie climatique offensive, en exigeant à l’échelle internationale une sortie progressive mais structurée des énergies fossiles, ainsi que des financements réellement adaptés aux besoins des pays vulnérables. Elle préconise également la mise en place d’une transition énergétique nationale fondée sur le solaire, l’éolien, la biomasse et les solutions communautaires, tout en intégrant la résilience climatique dans toutes les politiques publiques : agriculture, ressources hydrologiques, éducation, aménagement du territoire et gestion des risques. L’organisation insiste sur l’importance de renforcer les capacités institutionnelles et techniques du pays, de soutenir les initiatives communautaires qui constituent de véritables laboratoires d’innovation rurale, d’encourager la participation citoyenne, particulièrement celle des jeunes, des femmes et des collectivités, et de promouvoir la souveraineté alimentaire comme pilier central de la résilience nationale.
Dans cette démarche, la PROMODEV réclame explicitement l’arrivée de nouveaux visages à la tête du ministère de l’Environnement, estimant que le pays a besoin d’un gouvernement de consensus, capable de rassembler les forces vives de la nation autour d’un projet climatique et écologique ambitieux. Selon l’organisation, le ministère de l’Environnement doit impérativement être dirigé par un ministre compétent, intègre et entouré de cadres qualifiés, patriotes et visionnaires, capables de reconstruire un secteur qui est, par essence, transversal et stratégique pour l’avenir du pays. La PROMODEV souligne que seule une équipe renouvelée et crédible pourra donner l’impulsion nécessaire à une gouvernance environnementale moderne, efficace et tournée vers l’intérêt général.
Haïti ne peut attendre que la communauté internationale résolve ses contradictions internes. Elle doit construire, par elle-même et avec l’appui de ses organisations locales, une transition climatique qui lui ressemble, fondée sur la dignité, l’autonomie et la solidarité. La PROMODEV réaffirme son engagement total à accompagner cette transformation historique, convaincue qu’un autre avenir est possible, un avenir où les communes et les sections rurales deviennent les actrices de leur propre résilience et les gardiennes de leur souveraineté environnementale et énergétique.
Talot Bertrand, Ing-Agr. /MSc.
Spécialiste en Éducation relative à l`Environnement
Secrétaire général de la PROMODEV

