Chaque fois que le peuple haïtien réalise un exploit qui émerveille le monde, un obstacle surgit pour tenter d’assombrir sa victoire. L’histoire d’Haïti semble écrite dans un paradoxe permanent : des triomphes éclatants suivis, presque mécaniquement, par une volonté internationale d’humiliation.
Après notre indépendance de 1804, Haïti devint la première nation noire libre du monde, un modèle pour tous les peuples en lutte contre l’oppression. Pourtant, quelques années plus tard, lors du Congrès de Panama, convoqué par Simón Bolívar et tenu du 22 juin au 15 juillet 1826, réunion historique destinée à rassembler les jeunes républiques américaines, Haïti — qui avait pourtant aidé à libérer plusieurs d’entre elles — fut exclue.
Pourquoi Haïti n’a-t-elle pas été invitée au Congrès de Panama ?
L’exclusion d’Haïti reposait sur trois raisons fondamentales :
1. La pression des États esclavagistes, notamment les États-Unis.
Puissance déjà influente dans la région, Washington voyait en Haïti une menace idéologique : une république noire et souveraine risquait d’enflammer l’imaginaire des millions de personnes réduites en esclavage. Les États-Unis firent clairement savoir qu’ils considéraient la présence d’Haïti comme inacceptable.
2. Les préjugés raciaux des élites latino-américaines.
Bien que Bolívar ait bénéficié d’un soutien militaire, politique et logistique décisif d’Haïti, plusieurs représentants latino-américains refusaient de s’asseoir aux côtés d’un État gouverné par des “anciens esclaves”. Le racisme diplomatique a pesé lourd dans la balance.
3. L’isolement diplomatique d’Haïti.
À cette époque, Haïti n’était reconnue par aucune grande puissance. Le pays subissait un blocus diplomatique orchestré, conséquence directe de son audace révolutionnaire et de son affirmation d’égalité universelle.
Ainsi, le pays qui avait semé la liberté sur le continent fut exclu du plus important rassemblement des nations indépendantes des Amériques. Une humiliation politique qui révèle la fragilité de la diplomatie haïtienne depuis plus de deux siècles.
Une autre page d’humiliation internationale dans la qualification de l’équipe nationale pour la coupe du monde.Aujourd’hui encore, malgré la qualification historique de notre équipe nationale après plus de 51 ans d’absence en Coupe du Monde, un exploit salué dans le monde entier, une nouvelle humiliation frappe Haïti.
Plusieurs Haïtiens, faute de visa, ne pourront pas se rendre aux États-Unis pour soutenir leur équipe. Une interdiction qui choque, d’autant que la qualification elle-même aurait dû être un motif d’ouverture, de flexibilité ou au moins de négociations diplomatiques.
Et ce qui blesse encore davantage, c’est le silence assourdissant des autorités haïtiennes.
Aucune protestation officielle, aucun communiqué, aucune démarche publique. Rien.
Comme si Haïti n’était représentée à l’international que par des silhouettes fantomatiques, des diplomates invisibles, incapables de défendre l’honneur du pays.
Pendant ce temps, les grands médias internationaux s’étonnent, dénoncent, attirent l’attention sur ce traitement inexplicable envers une nation qui devrait célébrer sa renaissance footballistique.
La question fondamentale demeure : où est la diplomatie haïtienne ?
Depuis 1826 jusqu’à aujourd’hui, Haïti navigue dans les mêmes eaux troubles :
• marginalisation internationale,
• absence de stratégie diplomatique,
• incapacité à transformer ses exploits en influence,
• silence des dirigeants lorsque la nation est humiliée.
Si nous voulons changer ce cycle historique, il faut rompre avec la diplomatie passive, improvisée, spectrale. Une nation ne peut être respectée à l’étranger que si elle se respecte elle-même, si elle exige le respect, si elle parle avec force, et surtout si elle se défend.
Alceus Dilson, Communicologue, Juriste,