En Haïti, après le passage de l’ouragan Melissa, des familles apprennent à survivre sans rien, entre douleur, culpabilité et espoir d’un nouveau départ.
Par Gessika Thomas
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10 novembre 2025
Petit-Goâve – Le jour s’est levé sur un paysage de désolation. Dans le Grand Sud d’Haïti, au lendemain du passage de l’ouragan Melissa, le silence du matin n’est troublé que par le bruit des pas dans la boue et le clapotement des flaques.
L’odeur de la terre mouillée se mêle à celle des débris. Les routes autrefois animées sont désormais recouvertes d’alluvions et de décombres qui ensevelissent les maisons et parfois les voitures emportées par la tempête. On y aperçoit des livres d’école gonflés d’eau, des uniformes trempés, des jouets d’enfants et des casseroles tordues. Tout a été emporté en quelques heures, dans la nuit, quand la pluie et le vent se sont déchaînés.
« L’eau est montée à une heure du matin, quand tout le monde dormait. On n’a rien eu le temps de sauver », raconte Viguens, 35 ans, habitant de Petit-Goâve. « J’ai perdu mon père, mon frère et trois de mes nièces. J’ai survécu en passant par une fenêtre. Je me sens coupable d’être encore là. »
L’ouragan Melissa a traversé la mer des Caraïbes avant de déverser des pluies torrentielles sur Haïti. Il a dévasté plusieurs régions du Sud déjà fragilisées par les catastrophes précédentes. En quelques heures, des rivières entières sont sorties de leur lit, transformant des quartiers entiers en torrents de boue.
Dans les départements du Sud, des Nippes, de la Grand’Anse et du Sud-Est, des quartiers entiers sont encore isolés. À Petit-Goâve, la crue de la rivière La Digue a emporté les maisons et les ponts, a fait 43 morts, dont plusieurs enfants, et a laissé des dizaines de personnes portées disparues.
La vie suspendue entre la peur et le vide
Partout, les visages racontent une histoire de culpabilité et de traumatisme. Dans les abris improvisés, les familles s’abritent sur des matelas humides, les yeux fixés vers le vide.
« J’ai perdu trois de mes enfants », confie Marie-Rose, 59 ans, mère de quatre enfants, qui a été affecté par le passage de Melissa. « Ma fille blessée au pied est à l’hôpital, mais je n’ai même pas de quoi aller la voir. J’ai tout perdu… ma maison, mon commerce, mes vêtements… et peut-être aussi une part de moi-même… »
Des mesures de prévention pour limiter les dégâts
Avant même l’arrivée de la tempête, l’UNICEF, avec l’appui financier du Fonds central d’intervention d’urgence (CERF) et en collaboration avec la Direction générale de la Protection civile (DGPC), avait pris des mesures préventives pour limiter les impacts sur les enfants et leurs familles.
Plus de 2 900 kits d’hygiène, des dispositifs de purification d’eau et des kits médicaux avaient été prépositionnés pour répondre aux besoins de 14 500 personnes dans les zones les plus exposées.
Parallèlement, l’UNICEF a fourni une aide en espèces à 7 455 ménages vulnérables, en coordination avec le PAM, afin d’assurer la complémentarité des interventions et renforcer la résilience des communautés avant la tempête.
L’UNICEF a également approvisionné 176 établissements de santé en aliments thérapeutiques prêts à l’emploi (ATPE) et autres fournitures nutritionnelles, couvrant les besoins de 4 175 enfants.
Des kits de santé d’urgence, incluant des kits de prise en charge de la diarrhée aqueuse aiguë et des kits obstétricaux, ont été déployés pour répondre aux besoins sanitaires de 20 000 personnes, soutenir environ 500 accouchements et assurer le traitement de 400 cas de diarrhée aqueuse aiguë.
L’UNICEF a également temporairement déployé du personnel supplémentaire depuis Port-au-Prince afin de renforcer les équipes présentes dans les zones affectés au Sud.
Une course contre la montre pour sauver ce qui peut l’être
Le travail de l’UNICEF ne s’est pas arrêté au prépositionnement avant la tempête. Alors que le cyclone Melissa traversait le pays, l’UNICEF est resté mobilisé aux côtés du gouvernement haïtien et du secteur humanitaire pour évaluer rapidement les besoins les plus urgents et préparer une réponse coordonnée dans les domaines de l’eau, de la santé, de l’hygiène, de la nutrition et de la protection de l’enfance.
Des formations et sessions de renforcement de capacités sont actuellement menées avec les autorités locales et les partenaires pour appuyer la planification et la mise en œuvre des activités à venir. Ces formations portent notamment sur la gestion des urgences sanitaires, la prévention du choléra, l’appui psychosocial, ainsi que la coordination des évaluations rapides des besoins au niveau communautaire.
« Le fardeau devient de plus en plus lourd pour les enfants en Haïti. L’ouragan Melissa est venu aggraver une situation déjà extrêmement fragile, où des millions d’enfants vivent depuis trop longtemps dans la peur, le déplacement et le manque », déclare Mme Geeta Narayan, Représentante de l’UNICEF en Haïti.
« Alors que les familles tentent de se reconstruire, nous devons agir avec urgence et solidarité pour leur offrir protection, réconfort et accès aux services essentiels. L’UNICEF restera sur le terrain, aux côtés du peuple haïtien, pour aider les enfants à surmonter cette épreuve et retrouver la force d’avancer. »