31 octobre 2025
Des intérêts supérieurs d’Haïti 
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Des intérêts supérieurs d’Haïti 

24 octobre 2025, An 219e de l’assassinat de l’Empereur Jacques 1er 

 Pour que simplement nous batissons une grande nation au 21e siecle 

“ Si j’étais un descendant d’esclave, né en Argentine, et que l’on me révélait l’histoire de la  première République noire du monde, même déchue au XXIsiècle, je donnerais tout pour être  de cette nation”  

Polarticle numero II, par Alexandre Telfort Fils 

______________________________________________________________________________ Mesdames, Messieurs, 

Il nous faut un but national clair et partagé, comme l’enseignait Anténor Firmin : le  nôtre ne saurait s’enraciner là où la race noire ne trouve point de bonheur. « Prouver par notre  exemple l’aptitude de toute la race noire à la civilisation », disait-il. Au XIXᵉ siècle déjà, au  cœur de la dérive, il fallait trouver dans le noir cette lumière dont l’affaiblissement, fût-il  passager, pouvait effrayer la nation entière. Sans cette clarté, tout semblait permis — jusqu’à  l’occupation américaine, prédite par le génie de De l’égalité des races humaines, ce classique  qui fonde la légitimité d’Haïti lorsqu’il s’agit de liberté, de dignité et d’autodétermination des  peuples. Firmin voyait dans la politique impie et débilitante de son temps une force de  désorientation de l’âme nationale, pervertissant l’héritage de Dessalines et menaçant l’avenir —  descente aux enfers dont nous portons encore les stigmates. 

Par souci pédagogique, disons-le nettement : l’âme nationale est la conscience vivante qu’un  peuple a de lui-même — souvenirs partagés, valeurs, douleurs et espérances — transformée en  volonté d’agir ensemble. Ce n’est pas mystique : c’est l’énergie morale qui fait tenir une nation  dans l’adversité et oriente ses choix. 

Sans but clair et âme orientée, avec un État défaillant, l’exode des talents et des vices  d’organisation persistants, certains affirment : « Haïti n’est plus une nation. » Mais qu’est-ce  qu’une nation, sinon une communauté politique de femmes et d’hommes qui se reconnaissent  un héritage commun, se projettent vers un avenir partagé et acceptent de se lier par des 

institutions et des règles pour vivre et agir ensemble ? Elle s’enracine dans des faits (langue,  mémoire, territoire) autant que dans une volonté de vivre pour un bien commun. On distingue  classiquement deux conceptions, souvent mêlées : la nation objective (ou culturelle), fondée sur  des traits communs (langue, culture, histoire), et la nation civique (ou politique), fondée sur  l’adhésion à des principes, des droits et un projet commun. Dans la réalité, la plupart des nations  combinent ces deux logiques. Ce qui les fait tenir est connu : mémoire partagée, projet  commun (sécurité, prospérité, justice), solidarité effective (impôt, service, secours),  institutions légitimes (État de droit, procédures, symboles), langage(s) commun(s) et civisme

Pour Firmin, retrouver un but consiste à réordonner l’ensemble des forces du pays — État,  économie, école, mœurs civiques — autour d’un projet de nation mesurable, porté par un  gouvernement responsable. Alors seulement Haïti peut « reprendre la voie » de sa destinée. La  vérité ne se fabrique pas : l’épopée de 1804 l’a forgée. Mais, ayant voulu naviguer sans cap,  aucun vent ne nous a été favorable ; nous avons perdu nos repères, et l’on tente même de nous  ravir histoire et mémoire

L’âme nationale est la mémoire devenue mission, et la mission, actions qui rassemblent. Sans  elle, on subit l’histoire ; avec elle, on la fait. Dès sa naissance, Haïti est une lumière pour les  amants de la liberté. D’où cette conviction : « Il ne peut y avoir de monde meilleur sans une  meilleure Haïti » — non que le destin du monde dépende de nous, mais parce que le monde a  besoin de notre succès, et que la crédibilité morale de la communauté internationale y est, en  partie, engagée. Construire Haïti, c’est construire un monde plus juste. Ce n’est pas une vérité  géopolitique, c’est une exigence morale : certaines nations portent, par leur destin, un jugement  sur notre humanité commune. Haïti est de celles-là. Nul d’entre nous ne dépassera nos pères  fondateurs ; le succès ou l’échec d’Haïti nous jugera tous. Et s’il faut le dire autrement : il est  de l’intérêt supérieur d’Haïti — et de la race noire — que la première République noire soit une  grande nation

Nous en venons au cœur de cette réflexion : les intérêts supérieurs de la nation. Il ne s’agit pas  seulement de réintroduire dans le débat un concept capital, fondement de la Renaissance d’Haïti  au XXIᵉ siècle ; il s’agit d’exposer le noyau dur de finalités non négociables inséparables du  but que nous nous donnons, et de dire, solennellement, ce qui ne peut pas ne pas être en ces  temps de douleur : les intérêts autour desquels rassembler une nation divisée. À celui qui, en  2025, ne trouve plus de motivation à se dire membre à part entière de cette nation, qui désespère  et ne voit plus, en son cœur, considération pour nos tribulations partagées, je dis humblement :  osons créer une communauté de destin autour d’intérêts que nous honorerons, et dont la  menace nous coupera le souffle. 

La succession des crises a relégué l’idée d’intérêts supérieurs au rang de slogan. Or, dans toute  nation moderne, ils désignent un ensemble de priorités non négociables gouvernement  stable, protection de la vie et des libertés, intégrité territoriale, continuité des institutionssécurité publique, prospérité durable et dignité nationale — qui guident l’action au-delà des  alternances et des contingences. Les redonner à la conscience, les hiérarchiser et les rendre  opératoires est une urgence stratégique.

De quoi parlons-nous, très concrètement, pour Haïti ? Des objectifs collectifs qui assurent, sur le  temps long

1. la survie et la souveraineté de la République ; 

2. la stabilité et la légitimité de l’ordre institutionnel ; 

3. la sécurité des personnes et des biens ; 

4. la création de richesses inclusives et résilientes ; 

5. la préservation de l’environnement et du patrimoine ; 

6. l’exercice effectif des droits et des devoirs civiques ; 

7. l’influence internationale d’Haïti comme nation libre et responsable, première  République noire du monde

Ces intérêts priment sur les intérêts partisans, sectoriels ou personnels et imposent à  l’État, comme aux citoyens, des obligations de résultat

Aujourd’hui, nous paraissons une nation incapable de fixer et d’atteindre son but, d’autant plus  que nous manquons d’État, d’élus et de classe politique. Mais la Renaissance d’Haïti est  précisément la renaissance de ces intérêts trop longtemps effacés de la conscience collective. Je  vous invite, au nom de l’Haïti éternelle, à vous engager — avec vos pairs — pour : 

1. Souveraineté et indépendance. Défendre l’intégrité territoriale ; garder la main sur nos  ressources, nos institutions et nos décisions stratégiques. 

2. Patrimoine historique et culturel. Sauvegarder 1804, promouvoir la langue, les traditions et  l’identité comme piliers de cohésion. 

3. Sécurité et stabilité intérieures. Démanteler durablement l’insécurité et les gangs ; instaurer  un État de droit respecté et respectueux. 

4. Dignité de chaque citoyen. Garantir éducation, santé, alimentation et logement décents ;  protéger les libertés

5. Développement endogène et durable. Soutenir l’agriculture vers la souveraineté alimentaire  ; encourager l’industrialisation, le tourisme et l’innovation pour créer des emplois. 6. Environnement et résilience. Stopper la déforestation, restaurer les sols, protéger la  biodiversité ; prévenir et s’adapter aux catastrophes. 

7. Unité et cohésion. Consolider la solidarité entre régions et classes ; rompre avec le cycle des  conflits. 

8. Institutions républicaines. Les rendre indépendantes, efficaces et transparentes ;  promouvoir une gouvernance responsable et participative

Le mouvement que nous nommons, par élan de dignité, Renaissance, refuse l’irresponsabilité et  la honte. Il trouve, dans ces intérêts supérieurs, la boussole stratégique de toute action  politique, économique et diplomatique, en Haïti comme à l’étranger, afin que les choix du 

présent bâtissent un avenir de liberté, de prospérité et de fierté nationale. Ainsi ferons-nous  émerger le Rêve haïtien : la promesse faite à chaque Haïtienne et à chaque Haïtien — au pays et  dans la diaspora — de vivre en sécurité, travailler utilement, élever ses enfants dignement et  transmettre une terre habitable, grâce à un État de droit exemplaire, une économie  productive et une écologie protégée, pour que la liberté conquise devienne prospérité  partagéeBienvenue dans l’Haïti renaissante du XXIsiècle.

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