Du jamais vu dans l’histoire contemporaine du pays : l’assassinat d’un président élu démocratiquement, un Conseil présidentiel de neuf membres sombrant dans le tâtonnement malgré leurs doctorats, maîtrises et licences. Malgré ces titres, la société reste bloquée. L’État s’effondre : le pays fonctionne sans président élu, sans parlement, sans véritable direction politique.
Haïti ne contrôle plus ses territoires. La jeunesse est abandonnée, livrée au désespoir et à l’exil. La majorité des intellectuels et des professionnels quittent le pays, fuyant l’instabilité et l’absence d’avenir.
Selon l’historien britannique Arnold Toynbee, la survie d’une civilisation dépend de la capacité de ses élites à relever les défis qui se dressent devant elle. En Haïti, au contraire, l’élite a échoué à répondre à ces défis : au lieu d’innover et d’inspirer, elle s’est complu dans la médiocrité, l’égoïsme et la dépendance.
Le philosophe allemand Oswald Spengler, dans Le Déclin de l’Occident, affirmait que les civilisations meurent non pas sous la force des ennemis extérieurs, mais de la décadence interne de leurs élites. Cette théorie s’applique tristement à Haïti : notre déclin est d’abord moral et intellectuel.
Enfin, Samuel Huntington, dans Le Choc des civilisations, rappelait que chaque société se construit ou s’effondre selon la force de ses institutions et la conscience de ses élites. Haïti, privée de cette conscience nationale, dérive entre anarchie et résignation.
Ainsi, l’élite haïtienne — censée être le moteur de la renaissance — est devenue le cœur même de la faillite nationale. Elle incarne la rupture entre le peuple et l’État, entre la culture et la conscience historique. Plus qu’un simple échec politique, c’est une crise de civilisation
Alceus Dilson- Communicologue, Juriste

