25 octobre 2025
Kenya – Ruto défie l’opposition et reste engagé dans la « stabilisation » d’Haïti
Actualités Diplomatie Insécurité|Kidnapping Protéger et Servir

Kenya – Ruto défie l’opposition et reste engagé dans la « stabilisation » d’Haïti

Nairobi–Port-au-Prince, 25 octobre 2025 – (Rezo Nòdwès)

Selon les données d’organismes de défense de droits humains couvrant la période d’avril 2024 à septembre 2025, près d’une vingtaine de massacres ont été enregistrés — de Pont‑Sondé à Labodrie en passant par Kenscoff et Mirebalais — impliquant les principaux groupes criminels haïtiens. À Mirebalais notamment, des gangs ont saccagé l’hôpital régional et tué des religieuses, tandis qu’à Kenscoff les bilans atteignaient plus de 130 morts lors d’attaques coordonnées. Cette situation laisse apparaître une multiplication des « territoires perdus », sans que l’État haïtien ne parvienne à en reconquérir de manière visible ou durable après l’arrivée des forces kényanes.

Le Kenya maintiendra son soutien à la nouvelle mission en Haïti aux côtés des États-Unis, malgré une opposition intérieure de plus en plus virulente. Cette position a été confirmée par le secrétaire permanent aux Affaires étrangères, Korir Sing’oei, qui a assuré que son pays continuera à travailler avec Washington et les autres partenaires du Groupe permanent sur Haïti pour appuyer la Gang Suppression Force et la Police nationale haïtienne dans les efforts de stabilisation du pays.

Cette déclaration intervient au moment où les critiques se multiplient à Nairobi. Plusieurs figures de l’opposition, dont l’ancien vice-président et ministre des Affaires étrangères Kalonzo Musyoka, estiment que la mission kényane en Haïti a été mal conçue et déployée sans mandat clair du Conseil de sécurité des Nations unies. Pour Musyoka, il s’agit d’une « mission impossible » qui a mis inutilement en danger la vie de jeunes policiers kényans. Trois d’entre eux sont morts depuis le début de l’engagement de Nairobi dans cette opération internationale.

Eugene Wamalwa, ancien ministre de la Défense, a également dénoncé le déploiement comme « inconstitutionnel », rappelant que la justice kényane avait statué contre l’envoi de troupes sans l’aval du Parlement. Selon lui, ces officiers devraient être rapatriés pour renforcer la lutte contre l’insécurité intérieure, marquée par les enlèvements, les féminicides et les exécutions extrajudiciaires.

Malgré ces critiques, le gouvernement kényan affirme que son engagement relève de ses obligations internationales en matière de maintien de la paix. Le ministère des Affaires étrangères insiste sur le fait que les décisions de redéploiement ou d’ajustement du contingent seront prises en temps voulu. Cette position est soutenue par les États-Unis, dont l’ambassadeur auprès de l’ONU, Mike Waltz, a salué « le rôle constant et courageux du Kenya » dans la stabilisation d’Haïti.

La nouvelle Gang Suppression Force, issue du mandat expiré de la Mission multinationale de soutien à la sécurité le 2 octobre, comptera jusqu’à 5 500 agents autorisés à recourir à la force et à procéder à des arrestations. Le passage de relais a été approuvé au Conseil de sécurité après de longues discussions sur le financement et la supervision de cette opération.

Les critiques internes ne désarment pas. Le sénateur Boni Khalwale a qualifié la mission d’« ego trip coûteux », tandis que l’ancien ministre Moses Kuria l’a décrite comme une « aventure diplomatique imposée au Kenya sous influence étrangère ». Kuria a même accusé l’ancienne ambassadrice américaine Meg Whitman d’avoir « gouverné le Kenya par procuration », faisant du dossier haïtien une « erreur stratégique dont Nairobi paiera le prix pendant longtemps ».

Malgré cette tempête politique, le gouvernement kényan reste ferme. Pour Nairobi, soutenir Haïti est un devoir de solidarité internationale, et un engagement qui, selon ses diplomates, renforcera à terme la stature du Kenya comme acteur majeur du maintien de la paix dans le monde. Reste que, dans un climat politique tendu et à la veille d’échéances électorales, ce déploiement lointain demeure une source de division nationale et un test politique délicat pour le président William Ruto.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.