C’est un événement rare, presque historique : la justice française a osé. Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, a été condamné et incarcéré. Ce geste, inédit sous la Ve République, sonne comme une mise à l’épreuve de l’État de droit. La France rappelle ainsi qu’aucune immunité politique n’est éternelle, qu’un mandat passé ne protège pas d’un jugement présent. Derrière la solennité de la décision, un message : la démocratie n’existe vraiment que lorsqu’elle peut se retourner contre elle-même, sans trembler.
Mais cet acte de justice résonne au-delà de ses frontières. Il agit comme un miroir, parfois cruel, tendu à d’autres nations où la corruption reste un sport de pouvoir. En Haïti, le décalage est vertigineux : Port-au-Prince s’enlise dans ses complicités, ses silences et ses renoncements. Là où Paris rompt l’illusion d’intouchabilité, Haïti conserve une justice aux ordres, hésitante à juger ceux qui la dominent. Ce n’est pas une question de loi — c’est une question de courage politique.
Et pendant ce temps, Paris accueille certains visages haïtiens controversés. L’ancien Premier ministre Claude Joseph, dont la présence en France a suscité la colère d’une partie de la diaspora, symbolise cette zone grise où la diplomatie rencontre l’éthique. Comment comprendre qu’un pays capable d’incarcérer un ancien président ferme les yeux sur des visiteurs soupçonnés, chez eux, de détournement de fonds publics ? À ce niveau, le silence devient un choix, et la tolérance, une compromission.
Alors, la France témoin ou partenaire ?
Sarkozy derrière les barreaux, c’est un signal. Mais un signal pour qui ? Si la France veut donner sens à cette justice exemplaire, elle doit refuser d’être le sanctuaire de ceux que d’autres peuples accusent. Accompagner Haïti dans sa propre quête de vérité serait le prolongement logique de cet État de droit qu’elle célèbre.
Et après le 7 février 2026, date annoncée pour le passage à une nouvelle ère politique en Haïti, une question demeure, suspendue comme une horloge sans aiguilles : les présumés auteurs du braquage de la BNC devront-ils s’inquiéter ? Ou bien l’ambassade de France à Paris prêtera-t-elle main forte aux nouvelles autorités haïtiennes pour remettre la pendule à l’heure, pour que justice se fasse et que les coupables soient jugés avant d’être condamnés ? Car le droit, quand il s’endort, devient un simulacre ; et la justice, quand elle tarde, perd son souffle. Tout pouvoir qui refuse de se confronter à la vérité finit par être jugé par le temps.
La justice, lorsqu’elle retrouve son chemin, ne punit pas : elle rétablit. Elle ne se venge pas : elle libère. Et c’est peut-être là, entre la rigueur du droit et la mémoire du peuple, que se joue l’avenir des deux Républiques « amies ».
cba
