FLASHBACK — Un arrêté signé par Jonas Cofy et Enold Joseph autorise Dimitri Hérard à créer une compagnie de fabrication et de commerce d’armes en Haïti
Port-au-Prince, janvier 2020 — Le Palais national s’aventure dans un terrain explosif : l’armement local. Sous la présidence de Jovenel Moïse, un arrêté cosigné par le ministre de la Justice Jonas Cofy et le ministre de la Défense Enold Joseph accorde à l’officier Dimitri Hérard, chef de l’USGPN, l’autorisation de constituer la société Haïti Ordnance Factory S.A. (HOFSA), officiellement destinée à « l’acquisition, la distribution et la vente d’équipements de sécurité ». Mais selon plusieurs sources, la mission réelle concernait la fabrication et le commerce d’armes et de munitions sur le territoire national.
Quelques mois plus tard, Tradex Haïti S.A. prend la relève, avec les mêmes actionnaires et le même objet social, simple changement de façade après la polémique publique. Les deux sociétés, inscrites au Moniteur, portent la trace d’une même stratégie : privatiser une fonction régalienne — la gestion de l’armement — sous le couvert d’initiatives commerciales.
Des observateurs y voient le signe d’un glissement institutionnel : un appareil de sécurité présidentielle cherchant à s’auto-équiper, sans supervision parlementaire ni contrôle du ministère des Finances. Dans un pays saturé par la circulation d’armes illégales, la manœuvre prend la dimension d’un paradoxe : fabriquer l’insécurité au nom de la sécurité.
Rezo Nòdwès parlait à l’époque d’un « virage dangereux du Palais national ». Trois ans plus tard, les noms demeurent : Dimitri Hérard, cité dans l’enquête sur l’assassinat de Jovenel Moïse ; Jonas Cofy, discret ex-ministre de la Justice ; Enold Joseph, ancien titulaire de la Défense. Aucun n’a été entendu publiquement sur cette autorisation qui, selon les termes mêmes de la presse, plaçait l’État haïtien à la frontière du mercenariat d’État.