29 septembre 2025
Duckens Nazon : « Je serais prêt à tout pour Haïti »
Actualités Pages d'Histoire d'Haiti Russie-Ukraine Sport

Duckens Nazon : « Je serais prêt à tout pour Haïti »

Entretien exclusif – FIFA, 29 septembre 2025

À 31 ans, l’attaquant haïtien Duckens Nazon est devenu bien plus qu’un joueur : il incarne une figure tutélaire pour les Grenadiers. Avec 43 réalisations en sélection, il n’est plus qu’à quelques buts du légendaire Emmanuel Sanon. Son triplé face au Costa Rica, en qualifications pour la Coupe du Monde 2026, a redonné espoir à toute une nation. Mais derrière l’exploit se cache une décision intime : celle de rester au service du drapeau alors que sa femme s’apprêtait à donner naissance à leur enfant.

FIFA : Comment jugez-vous les performances de la sélection dans ce troisième tour ?
Duckens Nazon : C’est frustrant, car nous aurions pu avoir six points. Jouer à Curaçao n’est pas facile pour beaucoup d’équipes, mais nous y sommes habitués. Le nul contre le Honduras (0-0) est un moindre mal. En revanche, face au Costa Rica, revenir de 0-2 à 3-3, c’est un signe fort. Nous avons montré que notre groupe a du caractère et que nous possédons cette force intérieure indispensable pour avancer.

FIFA : Vous parlez d’un moment “magique” à San José. Que s’est-il passé dans le vestiaire ?
D. N. : À la mi-temps, l’ambiance était lourde. Je suis allé vers les coéquipiers, je leur ai répété qu’à 2-0, rien n’était perdu. Il restait 45 minutes pour tout donner. Entrer sur le terrain, affronter Keylor Navas et marquer dans ces conditions, c’est indescriptible. Le retourné acrobatique ? C’est l’instinct. Quand j’ai vu les supporters se lever, je n’ai même pas réalisé tout de suite que le ballon avait franchi la ligne.

FIFA : Cette performance est d’autant plus marquante que vous étiez dans une situation familiale délicate.
D. N. : Exactement. Ma femme devait accoucher par césarienne, et le timing faisait que je pouvais rater ce moment. J’ai eu ce dilemme terrible : rentrer ou jouer. Finalement, j’ai choisi de rester. J’ai dit à l’entraîneur que ce serait une erreur de me laisser sur le banc. Je savais que je pouvais débloquer la rencontre. Ma femme a accepté ce choix avec courage, même dans les larmes. Dieu a permis que tout s’aligne : j’ai joué, j’ai marqué, et je suis arrivé à temps pour la naissance.

FIFA : Que représente ce rôle d’attaquant pour vous ?
D. N. : Marquer, c’est ma raison de vivre. Un attaquant sans but est malheureux. Je peux être de très mauvaise humeur si je reste deux semaines sans scorer. Mais avec Haïti, je me transcende, car je sais que mes buts portent une charge symbolique. Ils donnent de l’espérance à un peuple.

FIFA : La suite ?
D. N. : Nous devons battre le Nicaragua en octobre. Chaque point compte désormais. Nous avons le droit de rêver et la qualification est possible. Pour moi, une Coupe du Monde avec Haïti serait l’accomplissement de tous mes sacrifices. Je serais prêt à tout pour ce pays. Les critiques ne m’ont jamais arrêté. Le peuple haïtien mérite un moment de bonheur collectif. Une qualification apporterait une onde positive qui dépasserait le football.

Entre devoir familial et engagement national, Duckens Nazon illustre à la perfection la dialectique du sacrifice et de la fidélité au maillot. Dans un pays meurtri par l’instabilité politique et sociale, le football devient une respiration, un espace où l’exploit sportif se mue en symbole de résistance et d’espérance. Nazon, par ses mots et ses buts, porte cette charge historique.

(Source : FIFA / Photos Concacaf)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.