Leblanc 2024, Saint-Cyr 2025 : Haïti aura-t-il en 2026 un président de la République à la tribune, regardant enfin dans la même direction que son peuple ?
En 2026, aurons-nous enfin un président de la République à la tribune des Nations Unies, capable d’avancer dans la même direction que le peuple haïtien ? Un peuple assoiffé de justice sociale, avide de voir l’impunité attaquée et les redditions de comptes instaurées comme règle, et non comme exception. Verrions-nous alors un président capable d’accoucher un discours porteur de vision, et non une simple récitation diplomatique ?
La scène diplomatique mondiale a vu défiler, en l’espace de deux ans, deux représentants différents d’Haïti à la tribune des Nations Unies : Edgard Leblanc en septembre 2024 et Laurent Saint-Cyr, « haïtien authentique », en septembre 2025. Cette alternance rapide démontre moins la vitalité institutionnelle que l’absence d’une figure présidentielle depuis juillet 2021, date du vide constitutionnel laissé par l’assassinat de Jovenel Moïse. Ariel Henry, en s’accrochant à une primature sans légitimité électorale, a fait perdre trois années entières au pays, tandis que le Conseil présidentiel de transition (CPT) qui lui a succédé se trouve désormais discrédité par la présence en son sein de trois membres accusés d’implication dans un « braquage de la BNC ».
Comme l’a formulé le colonel retraité Himmler Rébu, Saint-Cyr, investi le 7 août 2025 comme coordonnateur du CPT, anticipe déjà la prolongation d’un statu quo : aucun scrutin avant le 7 février 2026, ce qui condamne Haïti à six mois supplémentaires d’impasse politique. Ainsi, un État fondateur des Nations Unies se retrouve paradoxalement placé sous le Chapitre VII de la Charte onusienne, disposition exceptionnelle destinée aux situations de menace contre la paix et la sécurité internationales. Cette ironie de l’histoire fait naitre la fragilité d’un pays jadis pionnier de l’émancipation universelle, désormais otage d’un système politique fragmenté et gangrené, incapable d’assurer la moindre transition démocratique ordonnée.
La question devient inévitable : en septembre 2026, qui représentera Haïti à la tribune de New York ? Portera-t-il le titre de « président du Conseil présidentiel de transition » ou, enfin, celui de « président de la République d’Haïti » ? La réponse ne dépend pas uniquement des tractations diplomatiques, ni des missions armées sous mandat international, mais du peuple haïtien lui-même — martyrisé, humilié, exploité, refoulé comme des pestiférés par la police nationale lorsqu’il revendique ses droits, ou encore lorsqu’il traverse des mers démontées au péril de sa vie à la recherche d’un mieux-être que son pays n’a su lui offrir, corruption et impunité oblige. C’est lui, en ultime recours, qui conférera ou refusera la légitimité. Car au-delà des orateurs successifs, l’enjeu n’est pas la voix à New York, mais le silence de millions d’Haïtiens privés de citoyenneté effective.
