23 septembre 2025
L’ambassadrice à l’OEA, Myrtha Désulmé, dans le ventre pourri de la bête
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L’ambassadrice à l’OEA, Myrtha Désulmé, dans le ventre pourri de la bête

Au cœur des arcanes de la diplomatie internationale à titre de Représentante d’Haïti auprès de l’OEA, Myrtha Désulmé s’est heurtée aux pratiques d’indignité et de trahison fécondées par les spermes de l’ingérence internationale croisés aux gênes de la flagornerie locale. L’ambassadrice persécutée en raison de sa franchise et de son intégrité imperturbable a été témoin oculaire et auriculaire de la courbette d’un leadership local, incapable donc d’exhiber une posture idoine devant le « blanc ». Au sein de tels cercles dominés par le mensonge et la corruption, diplomatie et sincérité ne feraient pas bon ménage. Dotée d’une force de caractère qui s’appuie sur le cadre de référence qui définit ses droits et devoirs, Myrtha a défié cette maxime. Elle prend du recul par rapport aux attitudes conformistes qui invitent à faire aveuglément à Rome comme font les Romains. Myrtha ne faisait pas à la diplomatie comme font ces diplomates mesquins motivés par des intérêts personnels, au détriment de la noble mission de rehausser l’image de leur pays. Elle y travaille sans relâche ; elle inspire aux bonnes actions ; elle dénonce les immixtions irrégulières.

L’expérience ambivalente de l’ambassadrice, à la fois éclairante et problématique, s’apparente à celle vécue par Ginette Chérubin au CEP sismique ayant conduit à l’investiture officielle du « bandit légal » à la présidence d’Haïti. Armée de la lampe de Diogène dans le ventre pourri de la bête, Myrtha Désulmé s’acharnait à plonger au fond du puits pour rechercher et exposer cette denrée rare dans la diplomatie : la vérité. À ce prestigieux siège influent depuis Washington, elle poursuivait le noble objectif de voir Haïti renouer avec la justice, le rétablissement de la sécurité et la restauration de l’autorité de l’État. 

Les embûches sur son chemin surgissaient aussi bien des représentants de la communauté internationale que des gouvernants locaux. Ces jouisseurs locaux qui galvaudent la chancellerie haïtienne en y plébiscitant des tricheurs et des incompétents de leur chapelle – dans un copinage et un concubinage malsains – sont les véritables artisans de la souillure de l’image d’Haïti sur la scène internationale. De cette aventure douce-amère, Myrtha Désulmé est sortie grandie, énergisée de plus de vigueur pour poursuivre la lutte de contribuer à libérer Haïti des griffes cyniques de ses traîtres fils et de ses faux-amis.  

Myrtha et Ginette, de la même lignée

À l’instar de Ginette Chérubin, dont la voix s’est élevée pour dénoncer l’ingérence étrangère, Myrtha Désulmé s’inscrit dans cette dynamique de refus de compromettre sa personnalité. Pour exprimer ses douleurs, guérir de ses traumatismes politiques et lever le voile sur les collusions opaques des acteurs locaux serviles aux caprices des plénipotentiaires de la communauté internationale, Ginette Chérubin nous a livré en 2014 son ouvrage au titre épique et évocateur « Dans le ventre pourri de la bête ». Un livre riche en anecdotes où l’ancienne conseillère électorale de 2009 à 2011 dénonce les dérives manipulatrices de la communauté internationale, en particulier les États-Unis et l’Union Européenne, dans l’organisation des élections en Haïti. 

Pointant à l’index l’ingérence internationale depuis l’inscription des candidats jusqu’à la publication des résultats des scrutins, Ginette Chérubin avait refusé de cautionner les dérives électorales imposant arbitrairement le choix de Michel Martelly à la magistrature suprême du pays. Faisant cavalière seule par opposition à ses collègues poltrons du CEP pour plutôt emprunter le chemin de l’intégrité avec tous les risques que comportait cette option, Ginette n’avait pas signé les résultats frauduleux. Un geste héroïque qui lui a certainement coûté des menaces de morsures mortelles en provenance des serpents venimeux et des Mulet au service de l’ONU et de l’OEA. 

Refusant de s’aligner tête baissée avec les coordinations asymétriques occidentales qui ont asphyxié la stabilité et le développement d’Haïti, l’ambassadrice Myrtha Désulmé marche sur les mêmes traces minées qu’a empruntées Ginette Chérubin.

Une voix dissonante face aux diktats 

Ce n’était pas une partie de plaisir pour la nouvelle ambassadrice dans les allées de cette sphère diplomatique insalubre. Myrtha faisait face d’une part à la traitrise du bercail et d’autre part à l’hypocrisie de l’étranger. Cependant, la fameuse feuille de route rédigée unilatéralement par l’OEA, dont la trame de fond devait être la sécurité multidimensionnelle, est la dernière goutte qui a fait déborder le vase de son indignation. 

Motivée par la nécessité de trouver des solutions concrètes pour résoudre la grave crise institutionnelle et sécuritaire en Haïti, une Assemblée générale de l’OEA a été tenue le 27 juin à Antigua et Barbuda. À l’issue de cette séance plénière, il a été accordé 45 jours au Secrétariat général de l’OEA pour élaborer de concert avec le gouvernement haïtien, le BINUH et le MMAS, une feuille de route pour juguler la crise haïtienne. En plus de la sécurité, soulignée à l’encre forte, les sous-thématiques aide humanitaire, consensus politique et organisation des élections étaient intégrées dans cet agenda pour le sauvetage d’Haïti. Il incombait à la Mission Permanente d’Haïti (MPH-OEA) qui représente le gouvernement haïtien à l’OEA de jouer un rôle de leadership dans la rédaction de ce document. 

Malheureusement, cette mission pilotée par madame Désulmé a été mise à l’écart. Le Secrétaire général de l’OEA, monsieur Albert Ramdin, esquivait toutes les initiatives de la Représentante à apporter sa contribution dans la rédaction de ce plan crucial pour Haïti. À la surprise générale, les membres de MPH-OEA avaient reçu au même titre que tout quidam ce plan d’action intitulé : « Vers une feuille de route dirigée par Haïti pour la stabilité et la paix avec un soutien régional et international ». Cet itinéraire présenté au Groupe des Amis d’Haïti, incluant les Pays membres et Observateurs de l’OEA, les Nations-Unies, la BID, la Banque mondiale, l’OPS, l’Institut Interaméricain de Coopération sur l’Agriculture et la Fondation Panaméricaine de Développement, a été élaboré sans aucune consultation du gouvernement haïtien. Ainsi, ce plan stratégique ne reflétait nullement la priorité des priorités haïtiennes qui consiste à rétablir la sécurité. 

Jouant son rôle de Représentante avec dextérité, l’ambassadrice Myrtha Désulmé a rappelé au Secrétaire général que cette feuille de route souffrait de vice de fond et de forme. Primo, sa rédaction n’a pas impliqué le gouvernement haïtien. Secundo, son contenu se détachait de la réalité actuelle. Le budget précaire alloué à la sécurité constituait la plus grande faiblesse de cet agenda qui privilégiait dix fois plus l’action humanitaire. Pourtant, dans son discours d’ouverture à la séance du Groupe des Amis d’Haïti, l’ambassadrice avait bien martelé : « Sans le rétablissement de la sécurité, il ne peut pas y avoir de bonnes élections.  Sans le rétablissement de la sécurité, ce ne sera pas possible de distribuer l’aide humanitaire à ceux qui en ont le plus besoin sans se faire racketter, enlever ou même tuer par les gangs.  Sans le rétablissement de la sécurité, il n’y aura ni investissements, ni relance de l’économie, ni création d’emplois durables ». 

Triomphe de la dialectique face à sa « majesté »

Myrtha Désulmé n’est pas dans le « Business as usual ». Elle avait objecté non seulement au fait que la sécurité – urgence du moment – n’avait pas été priorisée, mais que le Secrétaire général avait évincé la mission d’Haïti qui avait proposé de collaborer dans la rédaction de la feuille de route. Quand l’ambassadrice demanda une explication, Monsieur Ramdin lui lança « I like to get things done », autrement dit, qu’il aime faire avancer les choses. Donc, selon lui, associer les membres de la Mission d’Haïti à la rédaction d’une feuille de route concernant leur propre pays aurait été une perte de temps qui aurait handicapé le processus.

L’ambassadrice s’insurgea contre cette réponse offensante en notifiant au Secrétaire général que le temps des solutions dites haïtiennes qui sont des diktats déguisés de l’International était révolu. L’ambassadrice qui préconise un nouveau paradigme : « Rien pour Haïti sans Haïti », exigea que les initiatives concernant Haïti soient désormais conçues et conduites par les Haïtiens eux-mêmes. Cette affirmation stupéfia le Secrétaire Général, peu habitué à entendre des diplomates haïtiens revendiquer avec autant de fermeté la souveraineté d’Haïti. Monsieur Ramdin s’empressa alors de contacter le gouvernement croupion dont il était sûr d’une allégeance servile pour faire solidarité avec lui. 

Le ministre des Affaires étrangères, qui cherchait à déloger l’ambassadrice pour placer l’un de ses acolytes dans ce poste stratégique et convoité depuis avant sa nomination, sauta sur l’occasion pour exploiter ce contentieux et tenter en vain de discréditer Madame Désulmé. Au contraire, l’épée de la dialectique finit par percer les murailles de la fausse suprématie. L’ambassadrice eut gain de cause car le Secrétaire général, conscient de son tort, révisa la feuille de route en profondeur, doublant le budget et multipliant par quatorze les fonds initialement prévus pour la sécurité. Néanmoins, le ministre persévéra dans la conspiration jusqu’à arriver à satisfaire son ego surdimensionné pour écarter Madame Désulmé de la mission. Victoire éphémère de la perfidie, car la défaite de la droiture est toujours provisoire. 

Défendre l’honneur et les intérêts d’Haïti, telle a été la responsabilité que s’assignait la nouvelle ambassadrice au sein de l’OEA. Sans surprise, Myrtha Désulmé est restée fidèle à elle-même ; elle n’a pas flanché devant les menaces de la mafia diplomatique. Avec la même fougue de servir la cause d’Haïti, elle a pénétré le cercle diplomatique en demeurant attachée à ses valeurs. Elle a triomphé de cette pratique trop répandue consistant à courber l’échine devant le “blanc”, ce qui finit par convaincre même les plus sceptiques quant à sa capacité de préserver son intégrité à tous les niveaux de la diplomatie internationale.

Dans l’intérêt supérieur d’Haïti, lorsque les circonstances l’exigent, Myrtha regarde le blanc dans le blanc des yeux pour exprimer clairement ses idées et dire la vérité en face. En dépit des tentatives de marginalisation et des manœuvres perfides, Myrtha n’a pas plié ; elle demeure une femme d’honneur. 

Dans leur courageuse dissidence, ces fières compatriotes ramant à contre-courant dans le secret des diables maintiennent allumé le flambeau de la probité. Pour assurer sa gouvernance, Haïti a besoin de mobiliser dans sa sphère politique et dans sa diplomatie des personnalités de la trempe de Ginette et Myrtha qui réunissent science et conscience. Ainsi, elle saura restaurer son prestige sur l’échiquier international et galvaniser les générations présentes et futures en leur montrant la voix salutaire des valeurs intrinsèques. 

Puissent la compétence et la bravoure qui habitent ces femmes servir d’exemples aux jeunes, particulièrement aux serviteurs publics qui doivent s’accrocher au principe de la primauté des intérêts de la collectivité sur les intérêts personnels. Par sa perspicacité couplée du bouclier de la grâce divine, les adeptes des valeurs morales ont déjà certifié que Myrtha est sortie triomphatrice de ce baptême de feu. 

Carly Dollin

carlydollin@gmail.com

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