20 septembre 2025
Elsie Haas et l’art de critiquer sans détruire
Actualités Société

Elsie Haas et l’art de critiquer sans détruire

Par Ralf Dieudonné JN MARY 

Madame Haas,

En Haïti, il y a une habitude qui nous ronge : celle de lire un texte, d’écouter une idée, de repérer la faille et de s’arrêter là. Nous dénonçons, nous dénigrons, nous détruisons. Trop souvent, nous devenons prisonniers de ces cinq poisons : l’orgueil qui refuse de soutenir une idée venue d’un autre ; la soif de pouvoir qui rejette toute collaboration sans couronne à la clé ; la méfiance maladive qui soupçonne toujours une manœuvre cachée ; la jalousie qui croit voir derrière chaque projet une quête de gloire ; et enfin, l’illusion de l’exil qui nous pousse à détourner le regard de ce qui doit être réparé ici, chez nous.

Or, vous, vous avez choisi une autre voie.

Vous auriez pu vous arrêter à relever ce qui manquait dans mon texte . Vous auriez pu dire : « Voici ses faiblesses », et tourner la page. Mais vous avez fait plus. Vous avez transformé ces manques en pistes, en ouvertures, en leviers pour que mon propos aille plus loin, touche plus de monde, gagne en justesse et en portée. Vous avez démontré qu’il existe encore, dans ce pays, des voix qui savent critiquer sans détruire, corriger sans écraser, éclairer sans étouffer.

Et cela, je veux le saluer.

Vous avez rappelé avec force une vérité que je ne dois jamais perdre de vue : si chacun de nous fait partie du système, nous n’y jouons pas tous le même rôle, nous n’avons pas tous le même poids. Un simple citoyen qui survit au jour le jour ne peut porter la même part de responsabilité qu’un dirigeant qui concentre pouvoir et ressources. Cette nuance est essentielle pour que mon appel à la responsabilité ne devienne pas une culpabilisation aveugle. Merci d’avoir mis le doigt là-dessus.

Vous avez souligné aussi l’importance de l’exemplarité des élites. Comment demander au peuple de changer quand ceux qui gouvernent affichent l’impunité comme règle et la corruption comme art de vivre ? Le vrai changement exige que les dirigeants montrent le chemin, car leur influence irrigue la société entière. Là encore, votre rappel est précieux : le peuple peut être le système, mais le sommet façonne le climat dans lequel il respire.

Enfin, vous avez pointé un angle mort qui me touche particulièrement : l’accessibilité du message. J’ai écrit en français, mais comment toucher ceux qui vivent en créole, ceux qui n’ont pas le loisir de lire de longs textes, ceux pour qui un podcast ou une vidéo vaudrait mille éditoriaux ? Vous avez raison, Madame Haas : si nous voulons que les idées circulent vraiment, il faut qu’elles soient traduites dans la langue du cœur et portées par les médias que le peuple utilise au quotidien. C’est une invitation à élargir ma manière de dire, pas seulement ce que je dis.

En lisant votre réaction, j’ai senti ce que devrait être le débat en Haïti : un laboratoire commun de vérité, où chacun vient avec ses forces, ses doutes, ses manques, et trouve en face de lui non pas un adversaire à écraser, mais un partenaire pour aller plus loin.

Madame Haas, vous avez montré que la critique peut être un acte d’amour. Et c’est cela dont notre pays a soif.

Je veux que ce moment ne passe pas inaperçu. Qu’il serve d’exemple à d’autres. Qu’il inspire à dépasser les poisons qui nous paralysent pour entrer dans une nouvelle culture : celle de la collaboration lucide, exigeante, mais féconde.

Merci d’avoir lu, merci d’avoir vu, merci d’avoir répondu avec cette profondeur qui vous honore et qui m’honore.

Nous avons besoin de plus de voix comme la vôtre. Et nous avons besoin d’apprendre, tous, à écouter comme vous savez écouter. Car un pays ne se reconstruit pas seulement avec des pierres, mais avec des paroles vraies, des critiques justes et des gestes d’amour.

Avec respect et gratitude,
Ralf Dieudonné JN Mary
Engagé à semer des mots qui réveillent les consciences et à bâtir, pas à abattre.

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