Par Johnson Vilson
Dans un pays où créer une entreprise relève souvent du parcours du combattant, les programmes d’incubation et d’accélération ouvrent une brèche d’espoir. Leurs résultats, bien que fragiles, montrent qu’un autre avenir est possible pour l’entrepreneuriat haïtien.
C’est dans cette perspective que s’inscrit mon analyse, fondée sur des années de recherche et d’accompagnement auprès de jeunes entrepreneurs haïtiens.
En Haïti, créer et faire grandir une entreprise relève souvent d’un parcours semé d’embûches. Instabilité politique, rareté des financements, fragilité des structures d’accompagnement… tout semble conspirer contre la survie des jeunes pousses. Pourtant, au cœur de ces difficultés, une énergie nouvelle émerge : celle des programmes d’incubation et d’accélération.
À travers mes recherches et mon expérience de terrain, j’ai étudié deux initiatives phares — Haïti Startup Talent et BEL Initiative. Les résultats sont éloquents : malgré un environnement hostile, ces dispositifs apportent un souffle d’espoir et de résilience à toute une génération d’entrepreneurs.
Quand l’accompagnement fait la différence.
J’ai eu l’opportunité de coacher plusieurs jeunes porteurs de projets. Au départ, ils n’avaient qu’une idée, sans savoir comment la transformer en entreprise viable. Grâce à l’incubation, ils ont appris à structurer un plan d’affaires, à pitcher efficacement devant des investisseurs, à formaliser leurs activités et à élaborer une véritable stratégie marketing. Aujourd’hui, certains distribuent déjà leurs produits et services sur le marché haïtien.
Leurs parcours illustrent une réalité plus large : 67 % des start-ups incubées survivent encore, un chiffre impressionnant dans notre contexte. Au-delà de la survie, les entrepreneurs acquièrent des compétences vitales. 74 % savent désormais construire une proposition de valeur, 71 % maîtrisent l’art du pitch, et plus de la moitié ont mis en place des outils de gestion comptable. La formalisation progresse : 54 % sont enregistrées au MCI et une part importante entame des démarches fiscales auprès de la DGI. La digitalisation, pilier incontournable du monde moderne, gagne du terrain avec 83 % des incubés actifs sur les réseaux sociaux et plus de la moitié utilisant des solutions cloud.
Des obstacles qui freinent l’élan.
Mais le tableau reste contrasté. À peine 17,7 % des start-ups accèdent à une subvention. La dépendance aux financements externes demeure forte, et trop d’entrepreneurs se retrouvent livrés à eux-mêmes une fois la phase d’incubation terminée. À cela s’ajoute une instabilité socio-politique chronique qui menace de fragiliser les acquis.
Sans un suivi soutenu et des financements adaptés, beaucoup de ces initiatives prometteuses risquent de s’essouffler.
Construire un écosystème résilient.
Pourtant, les solutions sont à portée de main. Il faut renforcer l’accompagnement juridique et fiscal, spécialiser certains incubateurs par secteur (agriculture, technologie, artisanat, etc.), et surtout, développer des modèles capables d’atteindre une autonomie financière. Ces ajustements donneraient aux incubateurs la stabilité nécessaire pour jouer pleinement leur rôle de catalyseurs.
Un appel à l’action.
L’expérience d’Haïti Startup Talent et de BEL Initiative démontre une vérité essentielle : l’entrepreneuriat haïtien n’est pas condamné, il a seulement besoin d’être soutenu intelligemment. Chaque start-up qui survit, chaque jeune qui transforme une idée en entreprise formelle, c’est une victoire contre le chômage, contre l’exode et contre le découragement.
Il est temps que nos décideurs publics, nos partenaires internationaux, et surtout notre secteur privé s’unissent pour donner un second souffle à ces programmes. Car l’avenir économique d’Haïti ne se jouera pas uniquement dans les discours politiques, mais bien dans les ateliers, les laboratoires et les bureaux de ces jeunes entrepreneurs qui refusent de baisser les bras.
L’espoir est là. Il est fragile, mais il est réel. À nous de le transformer en force durable.
Jhonson Vilson
Consultant Expert en incubation et en accélération d’entreprises
Constructeur d’écosystèmes entrepreneuriaux

