25 octobre 2025
Le projet qui peut sauver Haïti : apprendre enfin à agir ensemble
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Le projet qui peut sauver Haïti : apprendre enfin à agir ensemble

Par Ralf Dieudonné JN MARY

 Haïti est riche de talents et de potentiels.

Nul ne peut nier que le peuple haïtien est un peuple exceptionnel. Partout où nous allons, nous réussissons. À New York, Montréal, Paris, Santiago ou Miami, des Haïtiens se distinguent comme médecins, ingénieurs, artistes, entrepreneurs. Nous avons la créativité, la résilience, la capacité d’innover et de briller.

Notre sol est fertile, notre culture est immense, notre jeunesse est ardente. En théorie, Haïti a tout pour redevenir un phare dans la Caraïbe.

Alors pourquoi, malgré ces richesses humaines et naturelles, restons-nous si faibles collectivement ? Pourquoi, alors que nous sommes capables individuellement de gravir des montagnes, sommes-nous incapables de bâtir ensemble une maison solide pour nos enfants ?

Les freins de notre esprit collectif.

La vérité est dure, mais il faut la dire : notre plus grande pauvreté n’est pas matérielle, elle est psychologique et collective.

Nous échouons à nous unir autour d’un projet commun.

Cinq poisons nous paralysent :

1. L’orgueil individuel : si l’idée ne vient pas de moi, je ne la soutiendrai pas.

2. La soif de pouvoir : si je ne peux pas être le chef, je me retire.

3. La méfiance maladive : nous soupçonnons toujours l’autre de vouloir s’enrichir à nos dépens.

4. La jalousie et la suspicion : « Ce projet est-il une manière pour lui d’être vu, d’être applaudi ? »

5. L’illusion de l’exil : « Pourquoi m’engager ici, alors que je peux partir à Saint-Domingue, au Chili, au Canada ou aux États-Unis ? »

Et pendant que nous nourrissons ces poisons, le bateau Haïti continue de couler.

Le plus tragique, c’est que nous refusons même de nous sauver ensemble, car se sauver est un projet collectif, et nous avons horreur du collectif.

Pire encore, certains n’hésitent pas à salir leur propre peuple devant des étrangers, expliquant pourquoi « on ne peut rien faire avec des Haïtiens ». Comment espérer que le monde nous respecte, si nous-mêmes nous nous dénigrons ainsi ?

Oser enfin le projet commun.

Mais l’histoire n’est pas finie. Si nous avons la lucidité de reconnaître ces freins, nous avons aussi la responsabilité de les dépasser. L’heure n’est plus aux plaintes ni aux fuites, mais à l’action collective.

Regardons autour de nous :

La sécurité : trop souvent, nous attendons que d’autres viennent garantir notre tranquillité. Nous préférons que le monde dise que nous sommes incapables de nous protéger nous-mêmes. Pourtant, nous savons que notre armée et même notre force de police ont le potentiel de faire beaucoup plus. Ce n’est pas un manque de capacité, mais un manque d’unité. Si nous acceptions de travailler ensemble, de soutenir ces institutions, de leur faire confiance et de les accompagner, alors le rétablissement de la sécurité serait possible. La paix publique n’est pas seulement l’affaire des autorités, elle est aussi un projet collectif auquel chaque citoyen doit contribuer.

  Et il faut le dire avec courage : si beaucoup ont choisi la voie des armes et de la peur, c’est aussi parce que le projet collectif a trop souvent été absent dans notre pays. Cela n’efface en rien les souffrances qu’ils ont causées ni la gravité de leurs actes. Mais cela nous rappelle une vérité : quand une nation ne laisse pas de place à l’espérance partagée, certains finissent par se tourner vers la destruction. Plus nous construirons ensemble des projets solides, plus nous réduirons l’espace de la violence. Car dans un pays où chacun trouve sa dignité dans l’effort commun, la peur cesse d’être une arme.

L’agriculture : seul, un cultivateur peut nourrir sa famille. Ensemble, une coopérative peut nourrir une ville entière, créer des emplois, stabiliser les prix et réduire la dépendance alimentaire.

L’éducation : seul, un citoyen peut aider deux ou trois enfants. Ensemble, une communauté peut bâtir une école, équiper une bibliothèque, former une génération.

Les infrastructures : seul, un entrepreneur peut réparer un tronçon de route. Ensemble, nous pouvons réhabiliter un quartier, relier des villes, redonner souffle au commerce.

La diaspora : seule, une famille envoie un transfert. Ensemble, des milliers de compatriotes à l’étranger peuvent créer un fonds d’investissement pour financer des projets durables au pays.

Voilà ce que nous pouvons réaliser si nous choisissons de dépasser nos rancunes, nos jalousies, nos méfiances.

Car la véritable richesse d’un peuple ne réside pas dans ses individus brillants, mais dans sa capacité à faire corps autour d’un même idéal.

Aujourd’hui, Haïti n’a pas besoin de spectateurs, mais de bâtisseurs.

Nous ne pouvons plus rester divisés. Nous ne pouvons plus attendre que l’État vienne tout résoudre. Nous devons être l’État en action, l’intelligence en marche, la solidarité incarnée.

Chacun de nous a une pierre à poser. Le projet commun n’est pas celui d’un homme, il est celui d’un peuple qui se sauve lui-même.

Alors je vous lance cet appel : mettons de côté nos orgueils, nos méfiances, nos illusions d’ailleurs. Osons bâtir ensemble. Car le jour où les Haïtiens apprendront enfin à agir en commun, ce jour-là, le monde entier changera de regard sur Haïti.

Et ce jour-là n’est pas demain.

Ce jour-là commence aujourd’hui.
Ralf Dieudonné JN MARY, dit Lysius Salomon Jeune.

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