par Jonel Juste
SPRINGFIELD, OHIO — Le journaliste et communicateur haïtien Wilner Jean-Louis affirme que le paysage musical du pays connaît un tournant historique, avec des artistes féminines qui mènent désormais l’industrie et imposent le rythme des succès populaires.
« Il faut reconnaître que ce sont les femmes qui mènent la danse en ce moment », déclare Jean-Louis. « Tout artiste masculin qui veut réaliser un tube, même s’il a du talent, doit s’associer à une artiste féminine telle que Bedjine, Rutshelle Guillaume, Anie Alerte, Vanessa Désiré, Esther Surpris ou Darline Desca. »
L’ancien rédacteur de Haiti Press Network (HPN) estime que l’ascension des femmes dans l’industrie est indéniable. « En tant qu’homme, je connais la plupart de ces artistes féminines, car ce sont elles qui occupent le devant de la scène aujourd’hui », ajoute-t-il.
Le communicateur soutient que la tension et les rivalités souvent entretenues dans l’industrie sont enracinées dans le machisme. « Les hommes ont toujours pensé que c’étaient eux qui devaient jouer de la bonne musique, en particulier le konpa. Ils croyaient que si ce n’étaient pas des hommes qui faisaient du konpa, c’était forcément mauvais », dit-il.
Jean-Louis fait référence au groupe pionnier entièrement féminin Riské, qui a émergé dans les années 90 comme l’un des premiers à placer les femmes à l’avant-plan en tant que chanteuses et instrumentistes. Malgré leur audace, souligne-t-il, elles ont dû affronter des obstacles dans une industrie dominée par les hommes.
Jean-Louis appelle les principales chanteuses haïtiennes à mettre de côté leurs rivalités et à privilégier des projets communs. « Si les femmes prenaient le temps de travailler ensemble sur un projet, ce serait quelque chose de magnifique », dit-il. « Les hommes ne cherchent les femmes que lorsqu’ils veulent un featuring. Voilà pourquoi il est important que les femmes prennent l’initiative de former leurs propres groupes. »
Le journaliste rend hommage à une génération de femmes qui s’imposent dans la musique haïtienne, des légendes comme Emmeline Michel aux voix contemporaines telles que Mia et Misty Jean, qui brisent les barrières dans le konpa. « Les femmes doivent réaliser maintenant que ce sont elles qui font les tubes », insiste Jean-Louis. « Je parle de cette façon en partie pour les encourager à travailler ensemble. Ne tombez pas dans le piège des zizanies », poursuit-il, affirmant que les hommes cherchent à semer la division entre elles pour garder le contrôle, en utilisant la tactique machiavélienne du “diviser pour régner”.
Jean-Louis imagine un mouvement collaboratif parmi les principales artistes féminines haïtiennes, susceptible de transformer l’industrie musicale. « Imaginez une collaboration entre Bedjine, Rutshelle, Darline Desca, Anie Alerte, Esther Surpris, Vanessa Désiré, Fatima et d’autres », dit-il. « Ce serait quelque chose d’énorme. »
Les propos du journaliste rejoignent ceux du pianiste, producteur et entrepreneur haïtien Fabrice Rouzier qui, en 2023, a attribué aux femmes le mérite d’avoir maintenu le konpa en vie.

