En raison de ses farouches immixtions géopolitiques au lendemain du séisme de 2010 qui ont entraîné la chute drastique des institutions sacrées du pays, l’OEA n’a ni qualité ni légitimité pour proposer une feuille de route vers la stabilité et la paix en Haïti. Cela fait des lustres que l’OEA est trempée dans les manipulations du décès prématuré de la République historique. À l’instar d’un loup-garou admis naïvement au chevet d’un bébé capturé par des forces maléfiques, ce serait laisser le champ libre à cette organisation « secrète » pour apporter l’antidote au poison de la stabilité d’Haïti. Sauf si ma génération devient amnésique, sinon elle n’acceptera pas, quinze ans après toutes ces dérives orchestrées par l’OEA, que la traitrise internationale refasse surface dans une récidive conspiratrice pour déposer un dernier clou au cercueil. Dans l’urgence, des réflexions mais surtout un engagement citoyen épris de science et de conscience devraient se déclencher au sommet afin de racheter le pays d’une ultime catastrophe. Cette tâche magnanime d’une quête de regain de confiance nationale ne saurait être dévolue à des ennemis ou pire à de faux-amis qui ont déjà participé activement à la dépression politique et économique du pays.
L’Assemblée générale tenue à Antigua-et-Barbuda aurait confié à l’Organisation des États Américains (OEA) la mission de rétablir la sécurité, la stabilité, la gouvernance et l’ordre constitutionnel en Haïti (OEA, 2025). L’Organisation régionale aurait défini un agenda de sauvetage national fondé sur six principes directeurs dont 1) une action dirigée et contrôlée par Haïti ; 2) un soutien multilatéral et une coordination efficace ; 3) une action séquencée et intégrée ; 4) un accent sur les populations locales ; 5) une action responsable, fondée sur les droits ; 6) la redevabilité. Rien de nouveau sous le soleil.
Point besoin de revisiter les plus illustres paradigmes de la gouvernance pour accoucher ces grandes lignes sur du papier. Ces points essentiels sont constamment relatés même dans les débats politiques les plus superficiels. Ce qu’il faut véritablement pour sortir Haïti du chaos, c’est une nouvelle forme de coopération favorisant un leadership politique basé sur l’honnêteté et la compétence. C’est ce qui devait constituer la toile de fond de toute proposition de sortie de crise en vue d’emprunter la voie du développement.
Cette pilule toxique d’une feuille de route unilatéralement concoctée par cette organisation internationale hypocrite ne doit pas être avalée. Les yeux de lynx connaissent déjà le prétexte théorique classique d’un certain libre arbitre accordé à la victime pour décider de son sort, dans l’autodétermination. En réalité, ces coopérations multilatérales s’opèrent toujours avec tact et perfidie pour briser les sociétés appauvries, comme des mains de fer dans des gants de velours. Haïti ne doit plus se laisser baiser à la Judas Iscariote par ces faux-amis qui la précipitent dans la géhenne. “Fool me once, shame on you; fool me twice, shame on me”.
L’ingérence lucrative
Les contestations et crises postélectorales qui embrasent Haïti émanent fort souvent de ces puissants acteurs de la coopération internationale au service de la flibusterie étrangère qui préfère traiter avec des crapules politiques qui les facilitent dans leur agenda d’une néocolonisation pernicieuse. Si le développement d’Haïti est plombé, ces organisations internationales qui mènent avec maestria le jeu de la conspiration géopolitique en sont les principales responsables. Évidemment, elles recrutent des idiots utiles du terroir qui tôt ou tard finiront en prison ou prématurément au cimetière à cause des fortunes amassées de l’économie criminelle. Au moindre mal, ils seront tourmentés par les sanctions puis dépouillées de leurs richesses mal acquises à travers le gel de leurs comptes et la confiscation de leurs biens.
L’OEA, l’ONU, le BINUH, le Core-Group, il s’agit d’une suite d’acronymes internationaux irritants dans les annales de l’histoire de la stabilité, de la sécurité et des élections des nations souveraines qui provoquent une réminiscence traumatisante. Derrière les connivences avec le banditisme, la promotion du terrorisme et les scandales de crimes de lèse-patrie au sein des territoires du Sud se cache une éminence criminelle grise composée de représentants de coopérations multilatérales, de plénipotentiaires mercantilistes et d’ambassadeurs omnipotents. Depuis la transition politique de 1986 d’une dictature féroce à une démocratie ridicule, les élections de 1990 seraient la seule exception de cette ingérence électoraliste qui dicte les têtes à coiffer à la magistrature suprême du pays.
Ancien diplomate au service de l’OEA, Ricardo Seteinfus a dévoilé avec fracas les mécanismes asymétriques de cette ingérence intéressée de ces organisations internationales dans les scrutins tenus au lendemain du séisme de 2010. L’auteur Brésilien, révolté des pratiques opaques des organisations internationales au service de l’Occident opulent, a baptisé l’immixtion impérialiste des étrangers dans les élections présidentielles post-séisme de stratégie du caméléon.
Mercenariat à col blanc
À dessein, l’OEA n’a indiqué dans sa feuille de route aucune provision d’harmonisation ou de coopération avec la mission voilée de la bande Vectus Global emmenée par Erik Prince. Comment ignorer ce géant éléphant dans la salle s’il y a effectivement une volonté de remettre à l’heure les pendules de l’autorité de l’État ? Le contrat décennal illégitime de restauration de la sécurité et d’une certaine réforme fiscale entre ce gouvernement de facto et ce groupe mercenaire n’aurait pu être paraphé sans l’approbation de l’OEA et consort. Ces mercenaires à col blanc, employeurs des mercenaires à col bleu, continuent de prendre les enfants du Bon Dieu comme des canards sauvages.
Sous les yeux receleurs de l’OEA, les conseillers présidentiels cleptomanes et mégalomanes placés manu militari à la magistrature suprême du pays pillaient les ressources du trésor public, organisaient braquage bancaire, recrutaient des nuls dans la diplomatie. Ils embauchaient des mercenaires étrangers en violation flagrante des références institutionnelles et des normes internationales. Cerise sur le gâteau, l’OEA entend conjuguer avec ces mêmes têtes qui devraient en assurer un rôle de leadership dans l’exécution de sa feuille de route. S’ils laissent leur destin entre les mains de ces traîtres, il faudrait déduire que les onze millions d’habitants du terroir combinés aux plus de quatre millions de la diaspora soient réduits à des zombis ambulants.
Désormais, l’élite probe doit cesser d’afficher ce comportement suicidaire d’une extrême prudence pour soi-disant préserver son prestige tandis que sa liberté et sa créativité sont étouffées. Une masse critique de femmes et d’hommes conscients, épris de la vertu politique (au sens de Montesquieu) doit émerger pour cogiter et proposer une offre politique efficace pour sortir Haïti du gouffre. L’élite haïtienne devrait offrir ce cadeau à Jean Price Mars et à Lesly Manigat en concevant une offre politique qui inclue des stratégies aptes à stimuler l’énergie du désespoir de ce peuple acculé, constamment en quête d’un mieux-être.
Un agenda soufrant de cohérence
Pour accomplir sa mission voilée, l’Organisation hémisphérique prévoit que le leadership de cette feuille de route sera assuré par le même club Corruption, Pillage et Trahison (CPT) qui a davantage enfoncé le pays dans l’abime. D’autre part, l’OEA a déjà présenté son propre algorithme à travers une intervention collective structurée autour de cinq piliers stratégiques : la stabilisation de la sécurité, la recherche du consensus politique, la restauration de la légitimité électorale, la réponse humanitaire et la promotion du développement durable. L’institution régionale plaide en faveur d’une reconstruction de l’État de droit et d’un retour à une légitimité institutionnelle capable de rétablir la confiance entre les citoyens et leurs dirigeants. L’OEA pose comme condition préalable le rétablissement du contrôle territorial et de l’ordre public, estimant que ceux-ci sont indispensables pour répondre efficacement aux urgences humanitaires. Elle insiste sur le fait que la sécurité demeure la priorité absolue, condition sine qua non pour amorcer une véritable stabilisation et ouvrir la voie à la paix. Ce récital est en fait connu de tous.
L’OEA fait un étalage des étapes salvatrices depuis le rétablissement de la sécurité publique jusqu’au développement soutenable du pays. L’organisation hémisphérique souligne la nécessité de réaliser une évaluation préalable de l’état des infrastructures de sécurité en Haïti. Elle recommande également le renforcement des procédures opérationnelles et des ressources humaines de la Police nationale d’Haïti (PNH), ainsi que l’amélioration des capacités de surveillance et de contrôle maritimes. Toutefois, délibérément, une pièce maîtrise de ce puzzle lui aurait échappé, l’existence du groupe mercenaire évoluant sur le territoire sous la direction d’Erick Prince. Elle préconise la sécurisation des zones stratégiques et des infrastructures critiques, en assurant une transition progressive des troupes internationales vers les forces de la PNH. Elle propose également la mise en place d’un mécanisme de supervision en lien avec le système judiciaire afin de garantir l’efficacité et la légitimité du processus. Qu’en est-il de ces mercenaires qui font exploser des drones kamikazes comme des feux d’artifice sans jamais atteindre une cible connue ? Occuperont-ils le territoire ad vitam aeternam ?
L’OEA met également l’accent sur le renforcement des capacités logistiques et opérationnelles des opérations conjointes MMAS-PNH dans les zones à haut risque. Toutefois, sans inclure explicitement le rôle de l’Armée d’Haïti, l’Organisation hémisphérique appelle à une meilleure gestion de la sécurité des sites frontaliers. Or, la plupart des spécialistes en sécurité publique s’accordent à affirmer que le contrôle durable du territoire, en particulier la surveillance des frontières, relève avant tout de la mission de l’institution militaire.
Lâcheté face au trafic illicite
Si l’OEA croit dans la lutte contre le trafic illicite d’armes à feu et le démantèlement des réseaux criminels transfrontaliers, elle ne doit pas compter davantage sur les efforts et l’expertise de la PNH que sur le contrôle depuis les USA et d’autres pays fournisseurs des armes et munitions en Haïti. Un poids substantiel devrait être mis sur la nécessité de bloquer à la source, la prolifération des armes et des munitions. L’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a décrit un cadre efficace pour combattre le détournement et le trafic illicite d’armes à feu, qui devrait inspirer l’OEA.
Ce cadre inclue entre autres la traçabilité des armes à feu saisies, la coopération judiciaire internationale et la poursuite des personnes impliquées dans le détournement ou le trafic d’armes à feu. De multiples rapports techniques ont révélé une complaisance flagrante des autorités américaines vis-à-vis des armes en provenance du territoire américain qui ont causé de nombreux décès en Haïti. L’OEA devrait jouer un rôle clé pour freiner cette dérive tout en sollicitant, suivant le mécanisme pollueur-payeur, de réparer les victimes.
Sans conteste, les initiatives tendant à assurer la sécurité et l’autorité de l’État devraient déboucher à plus long terme sur le développement durable et le progrès économique du pays. Elles auraient contribué à la revitalisation économique en stimulant le développement rural, en créant des emplois et en renforçant les capacités institutionnelles. Cependant, Haïti ne peut plus se permettre le luxe de partir sur le mauvais pied. Quand la politique ne veut, l’économie ne peut. Le véritable nœud gordien à la stabilité et au développement du pays se situe dans la dimension de ses interlocuteurs politiques. Les opportunistes constamment désignés par Washington ne sont pas à la hauteur de la noble tâche de garantir le bien-être collectif.
Si l’OEA s’attèle à changer de paradigme pour véritablement accompagner Haïti dans une nouvelle trajectoire, elle est plutôt conviée à tenir la plaidoirie pour que les interlocuteurs politiques haïtiens soient des personnages intègres et compétents. Haïti en compte de nombreux dans la presse, à l’université, à la diaspora, au niveau de la société civile, etc. De concert avec des esprits avisés, il importe de les identifier, les sécuriser et leur confier la tâche politique d’assainir le terrain et d’organiser des élections crédibles. Ainsi, le destin de la nation pourra être remis entre les mains de la probité et de la dignité. Tel est le point de départ d’une feuille de route qui privilégierait des initiatives salvatrices au profit d’Haïti.
Carly Dollin
Références
- OEA (2025). Organisation des États Américains. Vers une feuille de route dirigée par Haïti pour la stabilité et la paix avec un soutien régional et international.
- ONUDC (2023). Office des Nations Unies contre la drogue et le crime. Trafic illicite d’armes à feu – Aborder l’aspect pénal du détournement. Vienne
- Seitenfus R. (2015). L’échec de l’aide internationale en Haïti : Dilemmes et égarements. C3 Edition.
Haitian Times. Blackwater founder Erik Prince reveals details on 10-year contract with Haitian authorities, by Juhakenson Blaise, Aug. 15, 2025.

