La pseudo-allégresse du Premier ministre Fils-Aimé, telle que caricaturée dans le sketch, constitue l’illustration d’une pathologie récurrente des organismes électoraux sous tutelle : la réduction du suffrage universel à une mécanique d’« enrôlement compensatoire » plutôt qu’à un exercice de souveraineté populaire. Derrière la jubilation feinte se profile un rituel politique vidé de substance, où la citoyenneté se consume dans une liturgie administrative sans transcendance. Le discours officiel, en exaltant la multiplication de « partis partenaires », ne traduit pas l’ouverture pluraliste, mais la prolifération d’organismes fantoches destinés à simuler la vitalité démocratique.
Cette rhétorique d’« inclusion » trahit en réalité une conception utilitariste de la démocratie, réduite à une scène où des comparses rémunérés consentent à légitimer un dispositif déjà verrouillé. Le sketch met en lumière ce paradoxe : la célébration de la diversité partisane se double d’un cynisme foncier, puisque cette diversité n’est pas la résultante d’une effervescence civique, mais le produit d’une ingénierie financière qui transforme les formations politiques en succursales du pouvoir. La logique du « partenaire docile » remplace ainsi l’autonomie critique et condamne le champ politique à une vassalisation systématique.
À l’échelle comparative, de telles pratiques évoquent ce que Samuel Huntington appelait une « fausse consolidation démocratique » : la multiplication d’élections sans démocratie, où l’urne devient une icône creuse. L’expérience haïtienne, dans cette perspective, se situe dans la continuité des mascarades électorales latino-américaines des années 1970, organisées pour satisfaire la rhétorique internationale de la « transition », mais déconnectées de toute redistribution réelle du pouvoir. La mise en scène électorale se mue alors en rituel performatif, où l’État ne cherche pas à construire une légitimité interne, mais à exhiber une conformité externe.
La question demeure entière : que vaut un scrutin lorsque les institutions censées en garantir la probité sont minées par la cooptation et l’absence d’indépendance fonctionnelle ? Le sketch suggère que la véritable masturbation électorale ne réside pas dans l’acte de voter lui-même, mais dans l’autosatisfaction d’un régime qui confond la répétition des procédures avec l’authenticité démocratique. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’un processus visant l’émancipation du citoyen, mais d’une liturgie visant à rassurer les parrains internationaux et à prolonger l’agonie d’un système captif de ses propres simulacres.
[Scène : Bureau du Conseil Électoral Provisoire. Le Premier ministre Fils-Aimé s’avance, sourire large, saluant le Président du CEP.]
Fils-Aimé : Mon cher, je te remercie… je te remercie pour ton courage !
Président du CEP : PM, ce n’est pas à moi de remercier… c’est l’Église catholique qui m’a envoyé ici.
Fils-Aimé : Oui, je sais… l’Église catholique est d’accord pour donner aux gens… organiser nos élections et nos référendums. Sinon, elle t’aurait déjà retiré du CEP, non ?
Président du CEP : Cela ne dépend pas de l’Église catholique… Moi, en tant qu’homme doté d’une bonne formation morale et académique, si les choses tournent mal, je pourrais me retirer.
Fils-Aimé (souriant ironiquement) : Te retirer ? Mon cher… il est déjà trop tard. Tu vas nous donner les élections comme Saint-Cyr et moi, nous le voulons… en commençant par le référendum-bidon version 1918. Tu n’as pas le choix : l’engrenage t’a déjà avalé.
Président du CEP : Non, non… loin de là… je ne suis pas là pour cautionner des dérives. On a assez critiqué ceux qui sont passés avant moi. Vous voyez comment ils ont fini… dans la poubelle de l’histoire et de la honte ?
Fils-Aimé : Mais qu’avez-vous à sauvegarder ? Vous étiez au service du régime PHTK, Jovenel Moïse… un diplomate… et qu’est-ce qui change aujourd’hui ?
Président du CEP : Ah bon ? Vous vous basez sur ça pour croire que je suis des vôtres ? Vous vous trompez… je suis un technicien.
Fils-Aimé : Arrêtez avec cette histoire de technicien ! Nous voulons des élections, un référendum… avec des listes ou sans listes, peu importe. Et cette obsession de l’Église… ses évêques parlent selon le Vatican. Jusqu’ici, le représentant du Vatican n’a rien dit sur le terrain. Donc pas besoin de leurs déclarations. As-tu compris ?
[Silence ironique. Les deux se regardent, sourire forcé. Chacun sait que le théâtre est monté.]
Fils-Aimé (enthousiaste, presque triomphant) : Parfait ! Alors c’est décidé… moins de quatre mois pour organiser nos élections ! Les partis politiques ? Peu importe leur programme, ils seront payés, installés en poste comme de fidèles alliés… de véritables marionnettes sur notre scène. Et le peuple ? Eh bien, il applaudira ou s’indignera… mais les élections auront lieu !
Président du CEP (murmure, résigné) : Si c’est ça la démocratie… alors le spectacle peut commencer.
Fils-Aimé (souriant largement) : Exactement ! Rideau sur le chaos… et place au théâtre officiel des urnes.
