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Renforcement des partis politiques ou perpétuation d’un système corrompu? Clientélisme et mascarade électorale : de l’arnaque de 2018 à l’agenda CPT/Fils-Aimé 2025?
Derrière l’annonce officielle d’un « ambitieux programme de modernisation des partis politiques », dévoilé par le ministre de facto sans ministère réel, M. Gracien Jean, se dessine une perception largement partagée de « manipulation institutionnelle« . Plusieurs voix critiques, dont celle de Josué Renaud, qualifient ces mesures de préparatoires à des « élections mascarade 2025 bouyi vide suivies d’ un referendum-bidon illégal, illégitime », prévu selon ses sources, « pour novembre prochain« , et dénoncent leur programmation comme potentiellement préjudiciable au pays, vu l’état d’insécurité et d’impunité. Cette présentation gouvernementale, qui prétend soutenir la consolidation démocratique, s’oppose à la défiance généralisée envers la gestion des fonds publics et l’opacité des processus décisionnels.
Dans la pratique, Alix Didier Fils-Aimé, « confronté à l’absence de partis réellement indépendants ou structurés prêts à cautionner ses élections-bidon », selon Renaud, entend injecter des ressources publiques dans des formations politiques dites légalement reconnues par le MJSP, sous prétexte de « renforcer leur gestion interne, leurs stratégies électorales et leur présence numérique« . Ce schéma reflète l’expérience de 2018, lorsque quelques 572 millions de gourdes avaient été débloqués pour financer des partis et des élections qui ne se sont jamais concrétisées.
« Il constitue ainsi un modèle récurrent de financement public instrumentalisé à des fins partisanes, détournant des ressources destinées à la démocratisation vers la consolidation d’intérêts politiques particuliers, dans un contexte d’insécurité généralisée et de vulnérabilité institutionnelle« .
La dynamique actuelle du financement public des partis politiques en Haïti révèle une double logique : un dispositif légal présenté comme instrument de démocratisation, mais qui, dans les faits, sert à la captation partisane des ressources publiques. Ce paradoxe structurel oppose le cadre normatif – notamment la loi du 16 janvier 2014 sur la formation, le fonctionnement et le financement des partis politiques, conçu pour garantir pluralité et équité électorale – à son appropriation par un pouvoir central dominé par le clientélisme et des logiques prédatrices.
En août 2018, la mise en œuvre de ce dispositif avait conduit au décaissement de 572 millions de gourdes au profit de 57 formations jugées éligibles. Issue des assises d’El Rancho (2014) pilotées par le cardinal Chibly Langlois, cette opération visait en réalité à diluer l’opposition et renforcer l’emprise du PHTK, favorisant la création de « partis dans les valises » dépourvus de base populaire réelle et destinés à capter les subventions publiques. Fanmi Lavalas et Pitit Dessalines qualifièrent ce financement de « cadeau empoisonné », tandis que des analystes dénonçaient une dérive vers un parti unique d’État sous couvert de pluralisme. Le refus de publier les résultats des élections indirectes et de promouvoir la décentralisation confirmait, selon eux, l’absence de volonté réelle de renforcer le pluralisme.
Sept ans plus tard, en août 2025, dans un contexte d’impunité généralisée et de connivence alléguée entre responsables politiques et réseaux criminels, le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé annoncent un programme intitulé « Renforcement des Capacités des Partis Politiques ». Présenté lors des « Mardis de la Nation », le plan prévoit des formations en gestion financière, recrutement de cadres, stratégie électorale et intégration des technologies numériques. Officiellement, il s’agit de moderniser les structures partisanes en vue des prochaines élections.
Mais plusieurs observateurs critiquent cette initiative comme une opération de communication, déployée dans un pays privé de sécurité et gangrené par les violences armées, où les institutions électorales demeurent inexistantes. La question centrale demeure : peut-on parler de renforcement alors que l’État n’a ni garanti la transparence des financements, ni assuré l’indépendance des partis, ni protégé l’espace public de la mainmise des gangs ? Depuis 2018, les mécanismes de financement ont surtout consolidé un système clientéliste, alimentant des élites politiques accusées de détourner les fonds publics.
Cette contradiction structurelle – financer l’institutionnalisation d’un champ politique délégitimé – met en évidence l’écart entre la communication officielle et la réalité observée sur le terrain. En 2018 comme en 2025, les promesses de stabilité et de développement inclusif apparaissent incongrues dans un pays où la classe politique, loin de se renouveler, reste prisonnière de logiques de rente et de survie institutionnelle.
cba