7 octobre 2025
WSJ | Fils-Aimé justifie le recours aux mercenaires : 233 membres de gangs tués pour moins de 1 % du milliard dépensé en vain par l’ONU
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WSJ | Fils-Aimé justifie le recours aux mercenaires : 233 membres de gangs tués pour moins de 1 % du milliard dépensé en vain par l’ONU

Ce qu’Alix Didier Fils-Aimé n’a pas dit : combien de “territoires perdus” ont réellement été libérés depuis novembre 2024 ? Parmi les 233 membres de gangs annoncés comme tués, combien figuraient parmi les principaux meneurs qui continuent encore aujourd’hui de terroriser les habitants ? Et combien de véhicules de transport en commun ont pu, sans entrave, traverser Martissant en direction des Cayes, ou encore relier Port-au-Prince aux Gonaïves sans qu’on ait à verser des frais de passage aux gangs ?

Le fondateur de Blackwater, Erik Prince, poursuit son retour dans l’arène sécuritaire internationale en multipliant les contrats privés en Amérique latine et dans les Caraïbes. Selon le Wall Street Journal, ses initiatives se déploient dans un contexte de recul de l’influence directe des États-Unis, créant un espace où les gouvernements fragiles recherchent des solutions rapides contre les gangs et les narcotrafiquants.

En Amérique centrale, le président Donald Trump avait déjà encouragé la coopération entre Prince et Nayib Bukele, chef de l’État salvadorien. En 2020, un accord avait permis le transfert de plus de 250 migrants en détention dans la prison de haute sécurité d’El Salvador, au prix de 20 000 dollars par détenu, débouchant sur une rencontre officielle avec Trump à la Maison-Blanche. Dans le même temps, le Département d’État avait considérablement atténué ses critiques à l’égard du régime Bukele dans son rapport sur les droits humains.

Prince a également cultivé des liens avec Daniel Noboa, président de l’Équateur, où il a proposé une coopération militaire et policière pour lutter contre les narcogangs. Une vidéo du ministère de la Défense équatorien montre Prince promettant d’apporter « les outils et les tactiques » nécessaires pour renforcer les forces locales. Toutefois, cette présence est perçue par certains militaires équatoriens comme une humiliation. Washington, tout en affirmant ne pas être impliqué dans ces opérations, n’a pas formellement désavoué les initiatives de Prince.

La tentative la plus risquée demeure toutefois celle menée en Haïti. Dans le cadre d’un contrat d’un an signé avec le gouvernement du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, Prince a recruté des mercenaires salvadoriens afin d’appuyer la police nationale. Ceux-ci ont employé des drones armés, inspirés des techniques de guerre en Ukraine, pour cibler les gangs. Selon un rapport de l’ONU, ces attaques auraient entraîné la mort d’au moins 233 membres de gangs, mais également trois civils, dont une femme tuée après l’explosion d’un drone poursuivant deux fugitifs.

Le chef du gouvernement haïtien affirme que ces opérations ont « stoppé l’hémorragie », notant que les chefs de gangs, autrefois visibles et actifs sur les réseaux sociaux, se cachent désormais. Le contrat, estimé à environ 1 % du milliard de dollars dépensés en vain par l’ONU et d’anciens gouvernements pour la sécurité, inclut aussi un engagement de dix ans : Prince percevra une part des taxes douanières afin de financer la stabilisation des recettes publiques.

Cette privatisation de la sécurité suscite toutefois de vives critiques. L’ancien envoyé spécial américain pour Haïti, Dan Foote, estime que de telles initiatives « échoueront si elles sont dirigées par des étrangers qui n’ont pas de comptes à rendre aux lois haïtiennes ». Le gouvernement canadien a exprimé ses inquiétudes concernant des « exécutions extrajudiciaires » liées à l’usage des drones. Aux États-Unis, plusieurs sénateurs démocrates exigent plus de transparence sur ces opérations.

Prince demeure néanmoins confiant, affirmant que ses services offrent une « solution de comblement » dans les zones où la capacité des États s’est effondrée. Le 7 août dernier, ses hommes, aux côtés de la police haïtienne, ont participé à la défense du palais présidentiel contre une offensive armée d’une intensité décrite par un diplomate américain comme comparable aux combats de Falloujah en 2004.

À travers ces initiatives, se dessine un modèle controversé : celui d’une délégation de la souveraineté sécuritaire à des acteurs privés, opérant dans une zone où les lignes entre coopération internationale, mercenariat et diplomatie parallèle deviennent de plus en plus floues.

sources: The Wall Street Journal

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