Dangereux précédent : la Primature présente Laurent Saint-Cyr comme chef de l’État, une fonction pourtant clairement définie par la Constitution. Depuis le XIXᵉ siècle, tous les titulaires de cette charge, d’Alexandre Pétion à Jovenel Moïse, qu’ils soient civils ou militaires, reçoivent, lors de leur prestation de serment, l’écharpe présidentielle portée en sautoir. Cela a-t-il été le cas pour Laurent Saint-Cyr, le 7 août dernier ?
Article 217 du Code pénal haïtien
Article 217 CP – « Quiconque, sans titre, se sera immiscé dans les fonctions publiques, civiles ou militaires, ou aura fait les actes d’une de ces fonctions, sera puni d’un emprisonnement d’un an à trois ans, sans préjudice de la peine de faux, si l’acte porte le caractère de crime. »
Le communiqué officiel de la Primature, daté du vendredi 8 août 2025, présente Laurent Saint-Cyr, coordonnateur du Conseil présidentiel de transition (CPT) désigné conformément à l’accord du 3 avril, comme « Chef de l’État » — usurpant ainsi une appellation qui, selon l’article 133 de la Constitution de 1987, ne peut désigner que le président de la République, élu et investi dans les formes prévues par la Loi fondamentale. L’arrêté portant sur l’avant-projet constitutionnel, publié par le CPT, ne fait d’ailleurs aucune référence à la Constitution et ne confère nullement à Saint-Cyr, pas plus qu’à ses trois prédécesseurs, un tel statut.
Une telle formulation traduit un excès de pouvoir et ouvre la voie à un précédent périlleux. Laurent Saint-Cyr demeure le simple coordonnateur d’une structure créée ex nihilo, sans légitimité constitutionnelle clairement établie. Une telle dérive compromet la séparation des pouvoirs et l’ordre républicain, en brouillant la distinction entre autorité transitoire ou de fait et institutions permanentes de l’État.
L’emploi de l’expression « Chef de l’État » dans un communiqué officiel alimente ainsi une confusion institutionnelle susceptible d’éroder les bases juridiques de la République et d’accentuer la fragilité de l’État.
cba