L’Edito du Rezo
Quand l’école a sa date, mais la République reste suspendue
Il est de notoriété publique que le ministre de l’Éducation nationale a, ex officio, fixé la rentrée scolaire au 1er octobre prochain, précisant même le nombre de jours de l’année académique 2025-2026. Tempus fugit, certes, mais le temps éducatif ne saurait occulter l’autre calendrier, celui de la vie républicaine. Mutatis mutandis, à quand le Conseil Électoral Provisoire Saint-Cyr/Fils-Aimé et secteur privé au pouvoir fixera-t-il la date du référendum et des élections ? Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus : le gouvernement de doublure ne peut s’autoriser à planifier l’instruction tout en laissant l’architecture institutionnelle dans l’incertitude.
Or, ce que le ministre ne dit pas, c’est qu’aucune université haïtienne en 2024-2025 ne figure dans le classement caribéen qui recense plus de 1 500 institutions d’enseignement supérieur. Depuis 2011, avec l’ascension du régime PHTK, le système éducatif a connu une pente descendante, accélérée par la gestion controversée de Nesmy Manigat — salué pourtant par certains comme un acteur « récompensé » à l’international. Ici, quid juris ? Le ministre actuel, M. Bien-Aimé, devrait s’interroger sur le sort réel réservé à l’éducation : quelle image les pays voisins se font-ils de la formation dispensée en Haïti ? Et surtout, quel avenir préparons-nous pour les enfants, alors que nombre d’écoles et de lycées restent physiquement inadaptés, parfois encore occupés par des déplacés internes sans materiels didactiues ?
Pendant ce temps, du côté du CEP, M. Laurent Saint-Cyr, jeudi dernier, ne tarit pas d’éloges sur le « travail extraordinaire » de l’institution. Fiat lux : encore faudrait-il que la lumière éclaire ce bilan. Depuis 1806, Haïti n’a connu qu’une seule élection unanimement reconnue comme libre et honnête, en 1990. L’histoire politique récente enseigne que l’expression « élection crédible » relève plus de l’oxymore que de la norme. Croire que 2025 ou 2026 avek Kat Dermalog échapperont à cette fatalité sans réforme profonde relève de la pura illusio.
En définitive, gouverner, c’est prévoir : praemonere est regere. Or, les responsables électoraux de facto se gardent bien d’annoncer le calendrier politique qui devrait pourtant structurer la vie nationale. Voltaire — non le philosophe, mais le grand architecte de l’aeroport international des Cayes — avait, en mai 2025, évoqué une date. Fritz Alphonse Jean, lui, n’a pas eu l’occasion de le faire meme avec un budget de guerre. Alors, messieurs du CEP, nap make pa sou plas, quo usque tandem ? À quand votre référendum-bidon ? À quand vos élections-sélections bouyi vide ? Un pays ne peut pas vivre éternellement dans l’attente de la date butoir qui établit sa légitimité démocratique, à moins que vous ne vous satisfassiez de la crise d’insécurité et des « territoires perdus » qui en résultent.