L’Edito du Rezo
Le Conseil présidentiel de transition (CPT) est, de jure comme de facto, une création ex nihilo, une figure juridique sans corpus, un ectoplasme institutionnel sans ancrage ni dans la Constitution de 1987, ni dans aucun acte solennel publié au Journal officiel de la République. Cette entité a été profoquée – pour ne pas dire invoquée – par des puissances étrangères désireuses de préserver un simulacre d’ordre dans un État en dissolution. Le CPT ne relève d’aucun jus cogens national : il n’a ni légitimité populaire, ni base légale. Son existence tient d’une forme de thaumaturgie diplomatique, ou d’un contrat moral passé entre ambassadeurs et notables désignés, hors de toute procédure républicaine.
L’accession de M. Saint-Cyr – quatrième président en quinze mois – marque ainsi l’Acte IV d’une farce constitutionnelle, et le deuxième mouvement d’une transition interminable dont la logique échappe à la raison d’État. Acte II, scène IV : le rideau se lève sur un homme qui n’a pas été élu, n’a jamais représenté le peuple, et qui n’assume ni l’illégitimité de sa charge, ni la vanité de son programme. Qu’un dirigeant non assermenté selon les formes constitutionnelles vienne aujourd’hui faire la leçon à la presse relève du grotesque théâtral ; un mélange de jésuitisme managérial et de messianisme en cravate. L’homme issu du secteur privé, promu par les cercles patronaux, parle de la presse comme d’un obstacle, oubliant que la République ne lui appartient pas.
Son discours est un florilège de stéréotypes transitionnels : référendum, élections, sécurité, refondation… À quatre mois de la fin de l’année, la proposition d’une réforme constitutionnelle par décret relève du nihilisme juridique. Aucun membre du CPT, pas même le susnommé Saint-Cyr, ne dispose de la compétence législative pour convoquer un corps constituant. La Constitution est claire in claris non fit interpretatio : la réforme de la Loi-mère suppose des organes établis, un vote populaire, et non une décision d’un aréopage sans mandat. Que l’on cesse de profaner les normes au nom de l’urgence politique. La légitimité ne se décrète pas à l’hôtel Montana, elle s’obtient dans les urnes.
Que l’Église catholique, déjà meurtrie par les violences, choisisse de s’acoquiner à cette aventure politique incertaine relèverait d’un renoncement éthique. Le dernier message des évêques semblait pourtant lucide. Mais si l’Église – dont le rôle prophétique n’est plus à démontrer – veut désormais prêter son autorité morale à une opération de blanchiment institutionnel, alors fiat voluntas sua. Le référendum en six mois, avec élections générales dans le même délai, est un oxymore administratif qui, dans tout État fonctionnel, ferait sourire les constitutionnalistes les plus indulgents.
Quant à Laurent Saint-Cyr, qu’il se souvienne de sa trajectoire. L’homme du secteur privé, toujours mandaté, jamais élu. L’homme du HCT, qui n’a rien produit. L’homme de la diaspora en mission étudiante pendant qu’il siégeait dans un gouvernement – aberration qui ne scandalise plus que les naïfs. Aujourd’hui, il s’avance sur la scène, costume sombre, mine grave, ton professoral. Il parle de refondation comme on parle de bilan trimestriel. Mais res publica non est une entreprise.