L’ancien président provisoire d’Haïti, Jocelerme Privert, s’est exprimé lundi sur les ondes de Radio Magik 9, avertissant que l’imposition de l’avant-projet de Constitution actuellement porté par le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), son ancien Premier ministre Enex Jean Charles – tout joyeux, tout heureux -, les Tet Kale et le PM de facto Fils Aime, ouvrirait une séquence d’instabilité politique profonde dans le pays.
Selon ses propos relayés dans l’émission PanelMagik, la menace n’est pas seulement institutionnelle : « si yo fòse popilasyon an pran konstitisyon sa, se kounya pral gen enstabilite politik nan peyi a ». Ce diagnostic sévère fait écho aux vives critiques formulées depuis plusieurs mois à l’encontre du processus opaque ayant conduit à la rédaction de ce texte constitutionnel controversé.
L’avant-projet de Constitution, tel que révélé, semble renforcer de manière significative les pouvoirs de l’Exécutif, affaiblir les contre-pouvoirs et instaurer une structure institutionnelle favorable à une présidence forte, voire autoritaire. L’effacement de certains acquis de 1987 suscitent de vives inquiétudes. Ces dérives potentielles alimentent la thèse de M. Privert selon laquelle le pays pourrait « retounen nan yon rejim bout di », un régime autoritaire ou dictatorial.
Privert, qui se positionne clairement en désaccord avec son ancien Premier ministre, l’intellectuel et professeur Enex Jean-Charles, qui agit en tant que « serviteur talentueux », et certaines personnalités politiques proches du processus constitutionnel actuel, se présente ainsi comme un acteur lucide face à une refonte institutionnelle jugée « dangereuse ». Un projet tout aussi « humiliant » que celui de juin 1918, qui remet totalement en cause la séparation des pouvoirs après le premier référendum constitutionnel imposé au pays après la dissolution formelle du Parlement.
Sa prise de position rejoint plusieurs analyses doctrinales et éditoriales qui estiment que toute réforme constitutionnelle, pour être légitime, doit résulter d’un consensus national, d’un processus participatif transparent, et non d’une manœuvre imposée par un organe de transition dépourvu de base populaire élue.
L’écho de cette alerte est d’autant plus fort qu’il vient d’un ancien chef d’État, dépositaire d’une mémoire de crise institutionnelle récente, qui a su conduire un compromis difficile en 2016. Alors que le CPT continue de promouvoir ce texte, en dépit des rejets populaires et du silence embarrassé de plusieurs partenaires internationaux, les propos de Jocelerme Privert constituent un signal d’alarme à ne pas négliger : un avant-projet sans légitimité réelle, porté par un exécutif transitoire sans mandat électif, pourrait inaugurer une nouvelle ère d’instabilité et de rejet populaire.
