2 octobre 2025
Boulos revient, Saint-Cyr avance : la boucle est presque bouclée
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Boulos revient, Saint-Cyr avance : la boucle est presque bouclée

Le bal des revenants : quand l’histoire s’écrit entre amis, cocktails et kalachnikovs.Les anciens compagnons de route ne se jugent pas : ils s’entraident, se couvrent, s’invitent aux cocktails.

Il existe des photos qui documentent l’histoire, d’autres qui la préfigurent. Celle-ci fait les deux. En son centre, un président déjà mort. Autour de lui, des hommes bien vivants, mais que la République est incapable d’enterrer politiquement, malgré les accusations, les mandats, les rapports, les soupçons, les murmures, les kout ba. Nous y retrouvons Réginald Boulos, pharmacien devenu banquier, puis banquier devenu politicien, puis politicien devenu fugitif mondain, aujourd’hui épinglé dans une enquête fédérale pour financement présumé de gangs armés — rien que cela. À sa gauche (photographiquement et probablement aussi idéologiquement), Laurent Saint-Cyr, ironie de l’histoire, – paseke Aysyen manje manje bliye – futur possible président du Conseil présidentiel de transition (CPT), bras managérial d’une république aux mains blanches mais aux poches pleines.

On aurait pu croire à une scène d’enterrement : celui de la souveraineté nationale. Mais c’était un jour d’unité, un jour de pacte silencieux, un jour où l’élite économique, las des scrupules démocratiques, venait prendre une photo souvenir. Pas de constitution, pas de mandat du peuple, mais un plan d’affaires bien ficelé. C’est que la démocratie haïtienne, dans sa déclinaison 2025, a ceci de particulier : elle ressemble à une assemblée générale d’actionnaires. Les bulletins de vote sont remplacés par des bulletins de change ; les partis politiques, par des pactes d’actionnaires ; et les électeurs, par des captifs.

Réginald Boulos, sous la menace d’une procédure judiciaire aux États-Unis, pourrait rentrer bientôt à Port-au-Prince. Un retour non pas en accusé, mais en stratège. Car dans ce pays, l’impunité n’est pas un accident de procédure : elle est la norme, le logiciel, le contrat social implicite. À l’abri des tribunaux, Boulos pourra toujours compter sur ses anciens collègues du « club Moïse », dont presque tous tiennent aujourd’hui les leviers de la transition qui n’en finit pas. Et si l’un d’eux s’appelle student Laurent Saint-Cyr, c’est tant mieux : l’alliance n’en sera que plus fluide. Les anciens compagnons de route ne se jugent pas : ils s’entraident, se couvrent, s’invitent aux cocktails.

Dans ce contexte, faut-il s’étonner que l’insécurité ne recule pas ? Le chaos est rentable. Il justifie les budgets exceptionnels, il légitime la militarisation, il concentre le pouvoir entre les mains de ceux qui savent « gérer la crise » — expression édulcorée pour dire « maintenir la population dans l’effroi ». Les gangs prospèrent, les zones rouges s’étendent, et les avions privés atterrissent. Chacun à sa place. Le peuple dans les ruines, les élites dans les salons climatisés.

Le CPT, ayant horreur de la rupture, devient le prolongement d’une farce funèbre, où l’État n’est plus qu’un théâtre d’ombres pour oligarques amnésiques. Le retour de Boulos sur la scène nationale, combiné à l’ascension de Saint-Cyr, signe non pas une transition, mais une restauration. Une monarchie entrepreneuriale sans couronne, sans drapeau, mais avec des tableaux Excel.

Ainsi va Haïti : la République de la boucle. Ceux qui créent le désordre proposent la transition. Ceux qui financent les gangs promettent la sécurité. Ceux qui fuient la justice veulent la diriger. Et ceux qui posaient, un jour d’ennui, pour une photo de groupe, finissent par gouverner à tour de rôle. Rien ne se perd, rien ne se transforme — tout se retrouve.

cba

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