Hara-kiri
Je mange des ronces
Et des écailles de colère
Depuis le retour des maquisards
Qui ont noyé Laforest [1]
Dans le seau de l’indignation
Un nœud croulant de consonnes
Et de voyelles
Resserré inexorablement
Sur la gorge fragile
Des Cendres et flammes
Woodrow Wilson [2]
Le nom de cet animal féroce
Qui a mordu mon peuple
Pendant la nuit
Où l’Europe bouleversée
Frappée par la foudre
De l’hégémonie
Agonisait sur les ruines
De la destruction démentielle
Cette fois encore
Le crépuscule apporte sans pitié
Les mêmes inquiétudes de Cabèche [3]
Les craintes d’une nuit longue
Nuit de cristal
Aux crépitements nourris
Des winchesters 94
Aujourd’hui encore
Camarades
Une fois de plus
Ils ont remitraillé notre pays
Au poteau de l’horreur
Le mal du siècle
Dans les orifices
De l’abjecte division
Par la ruse s’est infiltré
Ma voix se confond
Au milieu des décombres
De ma capitale « nagasakisée »
Hara-kiri
Mot solennel et béni
Je te surprends
Depuis les temps hardis
D’Edmond Laforest
Et de Raymond Cabèche
Tu es devenu
Le requiem des Braves
Seulement
Moi-même
Je serai Pierre Sully [4]
Ou Miguel Hidalgo y Costilla [5]
Aux confins de ma mortification
Robert Lodimus
(Extrait de Couronne d’épines et de ronces, poésie)
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1-Edmond Laforest, intellectuel haïtien, s’est suicidé le 17 octobre 1915, date correspondant à celle de l’assassinat de l’empereur Jean-Jacques Dessalines, fondateur de la patrie, pour protester contre la présence des forces armées étasuniennes sur le territoire national.
2 –Haut gradé de la marine des États-Unis qui dirigea les forces de l’occupation d’Haïti qui dura 19 ans (1915-1934).
3– Brillant député qui arracha sa cocarde en pleine séance parlementaire pour condamner la présence des marines états-uniens en Haïti…
4 – Le soldat Pierre Sully, seul, armé de son fusil, défendit le sol national en marchant à la rencontre des envahisseurs nord-américains. Il tomba sous les balles des occupants.
5 – Père de l’indépendance du Mexique, arrêté et fusillé le 30 juillet 2011.