Alix Didier Fils-Aimé, le candidat malheureux aux dernières sénatoriales, couronne ce 15 juillet sa fulgurante carrière « politique » Il a été reçu à la Maison Blanche. L’information est exacte, confirmée par lui-même avec enthousiasme sur les réseaux.
L’homme fort de la transition Saint-Cyr-secteur privé et l’Etat privatisé — sans élection, sans mandat, sans consultation populaire — a foulé les couloirs bien gardé du pouvoir exécutif américain. Et par qui a-t-il été reçu ? Par Michael Jensen, éminent directeur pour l’hémisphère occidental au Conseil national de sécurité (NSC), structure stratégique centrale dans l’élaboration de la politique étrangère américaine qui devrait etre mis en place egalement par l’Accord mort-né du 3 Avril.
Une rencontre importante donc, mais qui ne fait que souligner l’abîme entre les préoccupations diplomatiques de Washington et la vacuité politique de Port-au-Prince. Selon ses déclarations publiques, Fils-Aimé a abordé avec ses interlocuteurs le grand chantier de l’organisation d’élections « crédibles » en Haïti.
Le mot est lâché, comme un talisman : « élections crédibles ». Mais à peine prononcé, le terme se délite sous le poids des contradictions. Car M. Fils-Aimé est précisément soupconne, au pays, d’avoir signé des contrats engageant les finances publiques jusqu’en 2049, en l’absence de tout mécanisme de reddition de comptes. Même Fritz Alphonse Jean, président du Conseil présidentiel de transition, s’est senti contraint de lui écrire pour s’alarmer de la nature de ces engagements.
Or, celui-là même qui ne peut rendre compte de ses actes devant une législature inexistante prétend garantir un avenir électoral transparent. La Constitution haïtienne de 1987, dans son article 98.3, impose pourtant que tout contrat engageant l’État au-delà de cinq ans reçoive l’aval du Parlement. Mais il est vrai qu’en Haïti, on gouverne aujourd’hui dans l’hypothèse du droit.
Le plus savoureux, c’est l’omission. Ooops. Dans son tweet triomphal, Fils-Aimé a oublié d’évoquer le référendum constitutionnel PHTK-CPT en « préparation » avec PNUD — pourtant au cœur des controverses nationales. Il a aussi soigneusement évité de mentionner le sort de plus de 500 000 Haïtiens menacés d’expulsion des États-Unis. Ces familles, ces exilés, ces travailleurs invisibles que la politique migratoire américaine s’apprête à rejeter vers un pays en guerre. Pas un mot. Ni prière, ni intercession, ni compassion. Il faut croire que dans les hautes sphères où il évolue désormais, le peuple est devenu une abstraction diplomatique.
Enfin, Fils-Aimé a “renouvelé ses engagements pour un avenir démocratique et stable”. Mais pour qui ? Pour quel pays ? Quelle société démocratique peut naître d’un processus opaque, orchestré par un homme rejeté dans les urnes, et dont les décisions actuelles ne reposent sur aucun fondement institutionnel ? Le paradoxe est complet : tandis que l’architecture constitutionnelle de la République est démontée pièce par pièce, l’envoyé du pouvoir s’en va rassurer Washington. La Maison Blanche, elle, écoute poliment, analyse stratégiquement, mais ne s’y trompe pas. Elle connaît la différence entre la diplomatie et l’illusion de la légitimité.
cba
