2 octobre 2025
Danse macabre sur les cendres de 1991 : quand Lavalas pactise, tout sourire, avec ses fossoyeurs. Qui l’eût cru ?
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Danse macabre sur les cendres de 1991 : quand Lavalas pactise, tout sourire, avec ses fossoyeurs. Qui l’eût cru ?

La mémoire politique devient labile lorsque l’opportunisme occupe le siège du jugement. L’ossature du pouvoir est complète : le bras économique et le verbe de Lavalas – transformé en simulacre de résistance réunis dans une même structure de façade

À contempler ce cliché démagogique où Leslie Voltaire, figure historique du mouvement Lavalas, apparaît confortablement installé aux côtés d’Alix Didier Fils-Aimé — l’un des relais opératifs du secteur privé, acteur central des chapitres les plus ténébreux de l’histoire politique haïtienne —, l’indignation cesse d’être un réflexe : elle devient obligation morale. Comment ne pas convoquer le souvenir du sinistre 30 septembre 1991, date à laquelle un coup d’État sanglant déchira le tissu institutionnel déjà précaire d’un pays en quête de souveraineté ? M. Fils-Aimé, lié aux conglomérats oligarchiques qui appuyèrent cette entreprise de renversement, se retrouve aujourd’hui en coéquipier assumé d’un homme qui incarna, naguère, les espérances d’un peuple brisé.

La scène dépasse la compromission circonstancielle : elle s’inscrit dans un registre plus grave, celui d’une transmutation stratégique en trahison historique. Le pacte ainsi exhibé n’est pas neutre ; il dit l’effondrement d’une mémoire collective, la désertion d’un engagement fondateur. L’image, glaciale dans sa mise en scène, trahit une inversion des repères : l’ancien ministre de la démocratie assis à la table des fossoyeurs de cette même démocratie. Pauvre Leslie, en effet — ou plutôt, pauvre République trahie.

Il y a à peine trois décennies, M. Voltaire incarnait l’espoir d’une éducation pour tous. Ministre de l’Éducation nationale Lavalas, il défendait, du moins en parole, la dignité du savoir et sa démocratisation. Aujourd’hui, il siège dans un régime qui a désacralisé l’école, où le professeur mendie, où l’élève s’enfuit sous la rafale des gangs, et où les manuels sont remplacés par les armes. La mémoire politique devient labile lorsque l’opportunisme occupe le siège du jugement. L’homme de Lavalas pactise avec ceux qui ont jadis massacré le rêve d’un État populaire. On appelle cela non pas stratégie, mais trahison — non pas réconciliation, mais reniement.

Ce même jour où l’on annonçait la soi-disant « relance économique » à la Primature, les Nations Unies publiaient un rapport glaçant : plus de 5 000 personnes assassinées entre janvier et juin 2025. Le gouvernement, émanation d’un Conseil Présidentiel de Transition (CPT) improvisé, bénéficie pourtant de l’appui diplomatique onusien. L’État n’assure ni la sécurité des vies ni celle des biens, et pourtant il planifie des investissements, brandit des promesses de croissance dans un pays où le cadavre précède la parole publique. Ce paradoxe funèbre fait éclater l’illusion d’une quelconque relance : on ne bâtit pas l’économie sur les charniers.

Et voilà que Laurent Saint-Cyr, l’une des têtes « pensantes » du secteur privé, s’apprête à prendre le commandement du CPT. Ti rès gato a kontinye separe toujou entre les ennemis intimes de la République. Lui aussi avait ses entrées dans les cercles ayant soutenu la chute de la démocratie en 1991. S’il y accède, l’ossature du pouvoir sera complète : le bras économique et le verbe de Lavalas réunis dans une même structure de façade.

La suite est écrite d’avance : un référendum-bidon, destiné à imposer une Constitution sans légitimité populaire et des élections-sélections. En d’autres termes, le retour en force de l’autoritarisme maquillé en réforme institutionnelle. Qui aurait cru que Leslie Voltaire prêterait main forte à un tel bal des traîtres ? Que l’ancien défenseur du peuple danserait ainsi, sourire aux lèvres, sur les cendres encore fumantes de l’histoire ?

cba

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