Ce que je pense
La dose lénifiante de l’OEA
Par Pierre Robert Auguste
La résolution adoptée à la 55e Assemblée générale de l’OEA sur la question haïtienne a l’effet d’un sédatif : une dose lénifiante. Un parquet d’analgésiques enrobés du cynisme. Tous ceux que perturbe cette crise existentielle peuvent se consoler d’un beaume à la tête , bien réparti pour prévenir des plaintes , mais enrobé d’un cynisme et d’un égocentrisme déconcertants et révoltants.
La première tare à relever . La 55e assemblée de l’OEA a évoqué tous ses principaux cardinaux sauf celui de l’autodétermination, qui préserve chaque Etat membre, dont Haiti, contre l’ingérence étrangère. Comme l’OEA tend à incarner,exercer une gouvernance supranationale ,qui se superposerait à un ctp insignifiant et écarterait la CARICOM, une telle évocation aurait réfréné la course à la tutelle non écrite des nouveaux gouverneurs en mal de légitimité et d’identité.
La crise haïtienne n’est pas un simple dysfonctionnement national attribuable uniquement à l’insécurité et à la mauvaise gouvernance. C’est aussi un dossier international marqué par la violation des droits humains universels que subissent les immigrants haitiens aux Etats-Unis sous la coupe de Trump et en République dominicaine sous la férule d’Abinader , deux présidents qui veulent distiller dans l’ordre international civilisé la xénophobie, la haine de l’étranger,le racisme comme un droit souverain discrétionnaire, qui avait été à l’origine de deux guerres mondiales, et qui a causé des dommages meurtiers à l’éclatement de la Yougoslavie et qui ravage la Russie et l’Ukraine, menace encore le Congo et le Rwanda. Logiquement, cette assemblée générale devrait condamner avec la dernière rigueur ces agissements inhumains de Trump et d’ Abinader. Comment tolérer qu’on interdise désormais aux immigrants fichés de transférer leur argent à leur pays d’origine alors qu’il existe une convention internationale accordant le libre droit aux entreprises étrangères de rapatrier leurs bénéfices?
Le Haut commissaire des droits humains de l’ONU n’est-il pas informé d’une des nouvelles les plus répandues à travers le monde?
En outre, est saisissable devant la Cour Internationale de Justice le dossier des haitiens arrivés aux Etats-Unis sous le gouvernement de Biden dans le cadre d’un programme liant l’Etat américain et déclarés manu militari illégaux aujourd’hui par le président Trump? Le respect du droit international et des conventions qui le garantissent n’est-il pas imposable aux plus forts, aux puissants?
A force de maquiller l’hypocrisie, le faux semblant derrière les textes tordus de manière intéressée, on aura provoqué une crise de confiance dans les institutions internationales. L’OEA se fragilise . En acceptant un job noir de Trump de prendre sous sa responsabilité le dossier lourd d’Haiti, alors qu’il n’a pas plus de moyens que l’ONU, il s’expose à une opération qui pourrait devenir un Kamikaze. Tout ce que cherche Trump c’est d’éviter d’être mis sur le banc des accusés au Conseil de Sécurité par la Chine et la Russie qui attribuent aux Etats-Unis la paternité de la crise haitienne et la responsabilité de son aggravation. Pour la première fois dans les relations internationales, celui qui peut plus ne peut moins. Et celui qui peut moins peut paradoxalement plus. Le monde international à l’envers. L’envers du décor c’est Donald Trump, l’insaisissable, le maitre des pirouettes virevoltantes.
Dans ce chassé croisé diplomatique trinitaire entre l’ONU, L’OEA, LA CARICOM, Haiti n’a pas un défenseur de son intérèt national. Le ministre des affaires étrangères n’a été qu’une caisse de résonnance de l’égocentrisme de ces trois entités internationales qui, par orgueil, leur théorie de l’insigifiance ne nous prenant pour rien, veulent à tout prix maintenir ce qu’elles ont créé jusqu’à ce que le peuple exténué descende dans les rues par centaines de milliers, par millions et renverse l’ordre des choses, un ordre inhumain, révoltant, déshumanisant, inégalitaire ,destructeur, oppressif, intolérable. Là oú la souveraineté s’impose en un droit du plus fort, la brutalité des plus faibles se transforme en désastre.
Gonaives le 3 juillet 2025
Pierre Robert Auguste