21 novembre 2025
Le jeu du signifié et des figures de discours dans l’œuvre de Roosevelt Saillant
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Le jeu du signifié et des figures de discours dans l’œuvre de Roosevelt Saillant

Saussure et l’école structuraliste à la suite, ont pensé le signe comme un univers de composantes complémentaires réunissant le signifiant et le signifié. Celui-ci désigne alors la représentation mentale du concept associé au signe. Ainsi le signifié se distingue-t-il par ce binaire:  dénotation et connotation ? Dans le cadre du présent article, l’on s’attèlera à retrouver l’utilisation plus ou moins consciente du signifié dans ses deux composantes et le jeu des figures de rhétorique dans l’œuvre de B.I.C.

Rappelez-vous que le sens dénoté s’attache à l’étymon et le connoté renvoie aux différentes significations prises par le mot en fonction de sa contextualisation. À travers les chansons « Nou byen mal », « Eske tèt nou drèt », « Yon ti kalkil »,  » Pòtoprens tèt fè mal » de Roosevelt Saillant, on formulera des pistes d’analyses textuelles. Ces dernières constitueront ainsi le lieu fondamental de notre travail.

Évidence 

Les textes de Roosevelt Saillant repose, en effet, sur  un enchaînement d’interrogations révélant ses préoccupations les plus générales:  la ville, la vie, le destin national, une philosophie de la vie. Le signifié tient une place capitale dans son œuvre. En témoignent ces expressions:  » Madan Kolo/ la statue », « ti farinay/ la pluie, « kwaze lepe/ inceste (Pòtoprens), “bere mouche intèl », « ti nèg ki panse lè l gran l t ap gran nèg » sont des syntagmes employés dans le sens connoté. Néanmoins, dans la dernière expression, le terme « gran » est utilisé dans le sens premier ou dénoté. Le terme créole « gran» peut être traduit par le mot correspondant “adulte » en français, alors que le second adjectif « gran » mis en rapport à « nèg » ( gran nèg ) signifie  » homme riche. »

Bref, ces termes ou expressions ci-dessus sont à classer dans la catégorie étymologique des termes usités.

La même démarche peut aussi être appliqué à d’autres expressions tirés des différents textes, notamment :  » chwal mwen ann ale/ ici il ne s’agit pas du cheval utilisé comme monture, au contraire, il s’agit plutôt de l’ auteur que la vie chevauche, comme lors d’une crise de possession ( emploi du sens connoté).  » Gen s ak viv pou anpeche  lòt viv »/ le premier phonème  » viv » est dénoté alors que  » anpeche lòt viv  » est connoté, et fait référence à la mise à mort de l’autre par son prochain ! Le même processus dupliqué à d’autres expressions tirées du texte «Nou byen mal»  telles « sorry « piti »/ homme modeste » et  » w ap piti piti » / sens « insignifiant » renvoie à la démarche structuraliste qui voit dans le signifié, un microcosme réunissant le connoté et le dénoté. 

Il appert chez B.I.C, certains termes, tel un contraste voulu, sont employés dans le sens connoté que dénoté.

Les figures discours chez BIC 

L’auteur fait aussi un usage abondant des figures de discours dans ses textes. Cela renforce la poéticité de son œuvre. L’anaphore relevée dans  » Pòtoprens kapital/ Pòtoprens tèt fè mal ; ou “ Konbyen/ konbyen »… etc. 

Le paradoxe ( Konbyen nan nou k ap etidye pou al grate santi, konbyen moun k ap ekri règ ki deregle, pa gen lopital pou doktè ki malad  ). 

Les antithèses ( n ap vann jaden pou achte moto/ n ap koule beton san met poto ), l’antiphrase (  avoka nou yo pa gen yon zabèlbòk pou defann yo ).

Le chiasme

 (  Viktwa san defèt

              A     B

                 \ /

                 / \

    Jwa san detrès )

          B’         A’

 ou   « Malfini pou poul

                 A            B

                       \ /

                       / \

Pou malfini chasè ak fistibal ».

                B’         A’

L’ oxymore ( rich/ pòv, dwèd/ chòv), ces figures d’opposition, de contradiction constituent l’un des fondements de sa production musicale et littéraire.  On a relevé des figures d’analogie telles que la personnification ( lavi (li) kwaze pye l sou do m ), la métaphore et la métaphore filée ( yon fanfa/ vyolans sèl maestro/ Fizi ap chante/ refren Dolby stereo),  ( tout rèv yo rève). 

L’asyndète ( Lavi banm yon woulib/ Li pase pye l sou do m/ Li galope m), le parallélisme ( Nou byen nou mal/ nou byen mal, Papa ki pa ka gade pitit yo nan je/ manman te akouche nan raje), l’épanalepse ( piti piti), l’épanadiplose ( kalkile pou n kalkile pou n kalkile pou n kalkile ), des paronymes ( espere/ ekspire, kosyan/ konsyan)  et le titre  d’un de ses  albums ( Bicsyonè) constitue  par ailleurs un mot-valise. Le mot-valise  est un terme créé par l’auteur, à partir d’autres mots pré-existants. On repère également dans les textes des chansons des vers assonancés et allitérés.

L’œuvre musicale et littéraire de B.I.C demeure une mine riche, inaltérable de créativité. Elle transpire une fraîcheur inégalée, sinon par le poète Georges Castera ou l’éternel souffle de l’écrivain célèbre haïtien Jean-Pierre Dantor Franckétienne d’Argent.

James Stanley Jean-Simon

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