Par Patrick Prézeau Stephenson
Dans une démonstration remarquable de solidarité régionale, le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva s’est imposé comme un ardent défenseur de l’avenir d’Haïti. Lors du tout premier Sommet Brésil-Caraïbes tenu à Brasília, Lula n’a pas seulement promis une aide concrète en matière de sécurité et de développement économique à la nation caribéenne en détresse ; il a également ravivé l’une des blessures les plus profondes de l’histoire postcoloniale : la “rançon de l’indépendance” imposée à Haïti par la France en 1825.
« Haïti ne peut pas être éternellement puni pour avoir conquis son indépendance », a lancé Lula devant un parterre de dirigeants de la CARICOM, de responsables latino-américains et de représentants d’institutions de développement international. Cette formule forte, répétée à plusieurs reprises, s’est imposée comme le socle d’une doctrine géopolitique nouvelle : obtenir justice pour la première république noire du monde, non par charité, mais au nom de la réparation historique.
Un tournant dans les relations Brésil-Haïti
L’appel de Lula à un règlement mondial de la dette coloniale haïtienne marque un profond tournant. Pendant des décennies, la plus grande puissance économique d’Amérique latine s’est limitée à une coopération technique avec Haïti, par l’intermédiaire d’organismes multilatéraux. Aujourd’hui, Lula change de ton. Il annonce non seulement que le Brésil soutiendra la campagne de restitution à la France, mais il engage aussi des ressources pour la sécurité publique et la reconstruction haïtienne.
Dans un contexte de paralysie étatique, de violences extrêmes et de déplacements de plus de 1,3 million de personnes, cette initiative représente bien plus qu’un simple geste diplomatique.
Investissements et reconstruction institutionnelle
Profitant de l’élan du sommet, la Banque interaméricaine de développement (BID) a confirmé une enveloppe supplémentaire de 290 millions de dollars pour Haïti. Ces fonds cibleront la santé, l’éducation, les infrastructures et le développement numérique.
Une part importante—85 millions de dollars—sera consacrée à la réhabilitation de l’Hôpital universitaire Justinien du Cap-Haïtien, deuxième plus grand centre hospitalier du pays. La BID ouvrira également un bureau permanent dans la ville du Nord, symbole d’un soutien à la décentralisation.
En parallèle, Lula a annoncé la formation de 400 agents de la Police nationale d’Haïti. Si ce chiffre est modeste, il représente un geste symbolique fort : professionnaliser la sécurité haïtienne et rompre avec les interventions étrangères dominantes.
Souveraineté, sécurité et Sud global
Lula s’est également démarqué par son rejet d’un modèle occidental de “sauvetage humanitaire”. Il a réaffirmé son appui à la mission multinationale de sécurité dirigée par le Kenya, tout en appelant à un mandat élargi et un financement renforcé, dans le respect de la souveraineté régionale.
La CARICOM a salué l’initiative et confirmé qu’Haïti serait le premier pays à bénéficier du nouveau Fonds mondial pour la paix et la sécurité, mécanisme multilatéral destiné à stabiliser les États fragiles.
Une reconnaissance symbolique
Dans sa déclaration officielle, le président du Conseil présidentiel de transition, Fritz Alphonse Jean, a exprimé sa gratitude envers le Brésil : « Nous remercions le président Lula pour son accueil chaleureux et son engagement inébranlable. »
Alors que le pays est confronté à une fragmentation de l’État, à la fuite des capitaux et à une chute dramatique des investissements étrangers, ce sommet apparaît comme une tentative coordonnée de relance régionale et de reconstruction durable.
Retour sur la rançon de l’indépendance
La prise de position de Lula sur la dette imposée en 1825 par la France pourrait ouvrir un précédent international. Le président brésilien n’a pas hésité à qualifier cette dette de « saignée historique » et s’est engagé à porter la bataille devant les instances internationales.
Ce soutien pourrait relancer une dynamique mondiale en faveur de réparations pour les crimes économiques coloniaux. Pour Haïti, cela représenterait bien plus qu’un gain financier : ce serait une reconnaissance symbolique de son rôle pionnier dans l’histoire universelle de l’émancipation.
Entre promesses et réalités
Reste une question cruciale : ces déclarations seront-elles suivies d’effets ? Haïti a trop souvent été victime de promesses non tenues. Des milliards ont été annoncés depuis le séisme de 2010, sans résultats durables.
Mais cette fois, l’élan semble différent. Le Brésil, avec son poids régional et idéologique, entraîne avec lui d’autres partenaires du Sud global. Si cette solidarité se traduit en actions concrètes, le sommet de Brasília pourrait devenir un jalon dans l’histoire des relations Sud-Sud.
« Si Haïti échoue encore, ce ne sera pas par manque de courage, mais par défaut d’imagination du monde qui prétend la soutenir. »
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