19 octobre 2025
Moïse Jean-Charles : le révolutionnaire en location
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Moïse Jean-Charles : le révolutionnaire en location

Par Reynoldson MOMPOINT

Port-au-Prince, le 12 juin 2025

Si la politique haïtienne était une foire aux masques, Moïse Jean-Charles serait l’artiste maquilleur attitré. L’ancien sénateur, proclamé héritier de Dessalines, qui se disait prêt à manger des clous pour les masses défavorisées, a fini par s’asseoir à la table des oligarques, un bavoir autour du cou, quémandant son plat du jour.

Autrefois bouillant tribun populaire, le même qui criait ABA MARTELLY, ABA LAVALAS, ABA L’IMPÉRIALISME, est aujourd’hui pris en flagrant délit de valse politique, avec des pas de danse qui ne suivent plus aucun rythme révolutionnaire. Ce Moïse-là n’a pas ouvert la mer rouge pour son peuple ; il l’a noyé dedans.

Où est passé ce Moïse qui jurait de ne jamais pactiser avec les « bourgeois corrompus » ni avec « l’impérialisme Yankee ». Celui qui brandissait Dessalines comme un talisman contre les puissants ? Aujourd’hui, il est vu dans des hôtels cinq étoiles, tenant conciliabules secrets avec les mêmes qu’il appelait jadis des « criminels économiques ». Il joue les médiateurs avec des mains trempées dans le beurre. On murmure même qu’il aurait bénéficié de certaines largesses financières, en échange d’un silence complice pendant que le pays s’effondre. Silence, on achète !

Son parti, Pitit Dessalines, qui avait suscité l’espoir d’un renouveau nationaliste, n’est plus qu’un véhicule personnel : un taxi politique dont le compteur reste bloqué à l’ambition dévorante du chef. Il ne reste plus rien du projet révolutionnaire, si ce n’est des slogans usés, rabâchés sur des plateformes Facebook Live pour entretenir l’illusion d’un combat.

Moïse Jean-Charles est devenu un entrepreneur politique. Il fabrique de la colère populaire, l’emballe dans des discours enflammés, la vend au plus offrant. Tantôt avec Aristide, tantôt contre lui. Tantôt aux côtés de Martelly, tantôt en lutte. Il se déclare contre la communauté internationale tout en prenant des selfies avec ses représentants.

Il a même poussé l’audace jusqu’à se rendre en Russie, faisant croire que le Kremlin allait financer une révolution haïtienne sur mesure. Résultat : un flop diplomatique, une mascarade nationaliste sans lendemain, qui a surtout servi à nourrir un égo en quête de grandeur perdue.

Mais peut-on vraiment parler de trahison ? Encore faut-il qu’il y ait eu fidélité. Moïse Jean-Charles n’a jamais été qu’un produit typique du système politique haïtien : populiste de façade, manipulateur de colère, spécialiste du zigzag idéologique. Il s’est servi du peuple comme d’un marchepied, avant de le laisser tomber pour grimper dans les escaliers dorés du pouvoir.

Ses dernières combines ? Des alliances douteuses avec des figures issues des gangs, des tractations avec les restes du PHTK, des rendez-vous obscurs avec des membres du secteur privé. Pendant que le peuple crève dans les ghettos, lui discute partage de pouvoir dans des villas.

Moïse Jean-Charles est le symbole d’un espoir trahi, d’une énergie populaire détournée. Il n’est plus l’homme du peuple, mais l’agent double d’un théâtre sans fin, où les rôles changent, mais où les comédiens restent les mêmes.

Il voulait être Dessalines. Il aura été Duvalier en carton, populiste de salon, révolutionnaire en location. Le peuple haïtien, lui, attend toujours son vrai Moïse.

Reynoldson MOMPOINT

mompointreynoldson@gmail.com

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