8 octobre 2025
Ces « jouisseurs suffocants » : combien sont-ils rémunérés pour défier la Constitution de 1987 ?
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Ces « jouisseurs suffocants » : combien sont-ils rémunérés pour défier la Constitution de 1987 ?

L’Edito du Rezo

La Constitution n’est pas un texte à géométrie variable. Elle fixe les bornes de l’action politique, y compris pour ceux qui prétendent gouverner sans mandat électoral.

L’accélération des discours en faveur d’un prétendu référendum inconstitutionnel en Haïti interroge, au plus haut point, la nature des motivations qui animent les actuels détenteurs du pouvoir de fait. La frénésie institutionnelle qui entoure cette entreprise révèle moins une volonté d’ordre démocratique qu’un processus méthodiquement construit pour saper les fondements juridiques de l’État. En effet, l’article 284-3 de la Constitution de 1987, en son alinéa 1, est d’une clarté sans équivoque : « Toute consultation populaire tendant à modifier la Constitution par voie de référendum est formellement interdite. » Cette disposition, loin d’être marginale, consacre un principe fondamental de limitation du pouvoir constituant dérivé — en l’occurrence, son incapacité à se substituer au pouvoir originaire hors des cadres prévus.

Et pourtant, des membres du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), entité dépourvue de toute base législative ou constitutionnelle, prétendent engager la nation dans une révision par voie référendaire. Ce faisant, ils n’ignorent pas le droit — ils l’instrumentalisent. Leur stratégie s’appuie sur une mécanique de persuasion, alimentée par d’importants financements occultes, lesquels servent à imposer un discours unilatéral sur les ondes et dans les médias complaisants. Cette opération, qui dépasse la simple communication politique, ressemble à une entreprise de manipulation cognitive des masses, dans un contexte où les ressources publiques sont détournées au profit d’un projet illégal mort-né.

Ainsi, le Dr Josué Renaud de New England Humans Rights Organization (NEHRO), formule l’interrogation désormais incontournable :Quelle somme, ou quels autres types d’avantages, a-t-on pu proposer à ces neuf jouisseurs suffocants pour qu’ils renoncent aux fondements mêmes de l’ordre constitutionnel ? Le contraste entre l’appauvrissement extrême de la majorité et l’enrichissement inexpliqué de certains protagonistes politiques nourrit un soupçon légitime. Transparency International, dans son Corruption Perceptions Index 2024, attribue à Haïti la note de 17 sur 100, la situant parmi les nations les plus vulnérables à la captation de l’État1. Ce chiffre ne traduit pas une abstraction technocratique ; il renvoie à une réalité tangible : la déliquescence du lien entre légalité et légitimité.

M. Renaud rappelait que « la Constitution n’est pas un texte à géométrie variable. Elle fixe les bornes de l’action politique, y compris pour ceux qui prétendent gouverner sans mandat électoral. » En continuant de se réclamer du nationalisme tout en foulant aux pieds le texte fondateur de 1987, les membres du CPT participent à un processus de désinstitutionnalisation systématique. Il ne s’agit plus d’un débat politique, mais d’un abus grave du pouvoir constituant dérivé, qui viole les garanties démocratiques de l’ordre juridique haïtien.

Par ailleurs, cette mise en scène référendaire s’effectue dans un contexte d’effondrement de l’autorité publique. L’insécurité généralisée, la montée en puissance des groupes armés terroristes fédérés par PHTK — dont certains membres influents gravitent aujourd’hui dans l’orbite de ce pouvoir ex nihilo —, l’incapacité structurelle de l’État à assurer les services publics fondamentaux, et l’interdiction faite aux citoyens haïtiens de se rendre aux États-Unis, tant pour des soins médicaux que pour des voyages touristiques, s’ajoute à la liste des signaux d’un effondrement institutionnel profond.. Cette dernière restriction, effective à compter du 9 juin, résulte directement d’un nouveau régime de sanctions migratoires. aggravent l’isolement du pays. Dès lors, tenter d’imposer une réforme fondamentale dans un tel vide institutionnel ne relève pas seulement de l’illégalité : c’est une insulte à la dignité collective.

Ce n’est donc pas la Constitution qui est en cause, mais ceux qui, par opportunisme ou pour des intérêts privés, s’emploient à la subvertir. Il est une chose de proclamer l’attachement à la patrie ; c’en est une autre que de respecter les fondements qui la structurent. Or, dans toute démocratie digne de ce nom, la souveraineté ne se réforme ni ne se vend à la légère — elle se défend.

  1. Transparency International. Corruption Perceptions Index 2024: Haiti. https://www.transparency.org/en/cpi/2024/index/hti

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