Restriction des visas pour les Haïtiens : une nouvelle violence diplomatique, selon Josué Renaud
Renaud : qualifier Haïti de nation liée au terrorisme est non seulement injuste, mais profondément hypocrite. Il insiste : « Les Haïtiens ne sont pas des terroristes. Ce sont les gangs armés qui commettent des actes terroristes. Et ces gangs, d’où tiennent-ils leur puissance de feu ? Des armes venues des États-Unis, transitant par la République dominicaine. »
La décision du gouvernement américain d’inclure Haïti, mercredi dernier, dans une liste de douze pays considérés comme abritant des activités terroristes, soulève une onde de choc au sein de la diaspora haïtienne. Dans un entretien accordé à Rezo Nòdwès, le Dr Josué Renaud, directeur exécutif de New England Human Rights Organization (NERHO), basé à Boston, dénonce une mesure arbitraire, déconnectée des faits, et révélatrice d’un traitement géopolitique discriminatoire.
« Rien de tout cela n’est surprenant, car tout était prévisible », déclare-t-il en évoquant le rôle central de la rencontre de 2003 à Ottawa, où le Core Group — composé entre autres des États-Unis, du Canada et de la France — aurait posé les bases d’un pilotage international de la gouvernance haïtienne.
Selon Renaud, cette classification ne repose sur aucun fondement objectif. « Aucun Haïtien n’a jamais été impliqué dans des attentats terroristes aux États-Unis. Pourtant, des pays comme l’Égypte ou la Syrie, dont des ressortissants ont commis des actes violents sur le sol américain, ne figurent pas sur cette liste. » Il y voit une politique à deux vitesses, « deux pédales » dit-il, une appliquée aux Haïtiens, l’autre aux alliés stratégiques ou aux pays de teinte géopolitique différente.
Cette mesure s’inscrirait dans une continuité historique de marginalisation d’Haïti, amorcée dès l’indépendance de 1804 et renforcée depuis la réunion d’Ottawa en 2003, où s’est formé le Core Group. Pour Renaud, revenant sur le Core Group, cette coalition entre les États-Unis, la France et le Canada, qui prétend accompagner Haïti, a surtout contribué à y installer ce qu’il appelle une inaptocratie : un régime où des dirigeants incapables, incompétents, imposés de l’extérieur, garantissent la stagnation et la gangstérisassion totale du pays et de ses institutions.
« On nous a ordonné de mettre des inertes à la tête de l’État », affirme-t-il, citant Michel Martelly, surnommé « papa gang », comme point de départ d’un cycle de gouvernance incompétent, toxique et corrompu.
Le leader de NEHRO accuse également les diplomaties étrangères de maintenir Haïti sous tutelle. Il évoque l’actuel Conseil Présidentiel de Transition (CPT), mis en place avec l’aval direct du département d’État américain. « Ce sont les États-Unis, – sous Joe Biden -, qui ont désigné neuf individus pour diriger Haïti. Un an plus tard, la situation empire : les gangs contrôlent davantage de territoire, l’État est inexistant. »
Face à cette spirale, il rejette catégoriquement l’idée que les Haïtiens soient des terroristes. « Ce sont les gangs armés qui commettent des actes de terreur, mais leurs armes viennent d’où ? Des États-Unis, transitant par la République dominicaine. » Pour lui, ce sont les puissances étrangères elles-mêmes qui, en alimentant le chaos et en soutenant des gouvernements faibles – NDLR: de doublure ou pope twèl -, nourrissent les conditions d’insécurité qu’elles reprochent ensuite au peuple haïtien, au départ, « très paisible« .
Une telle désignation, conclut-il, criminalise une population déjà meurtrie, tout en exonérant les vrais acteurs de la violence organisée. C’est une stratégie de disqualification politique d’un peuple qui paie le prix de son histoire d’indépendance et de résistance de 1804 à nos jours.
L’intégralité de l’entretien avec le Dr Josué Renaud est reproduite ci-dessous.
propos recueillis par cba
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