31 décembre 2025
Peut-on négocier avec des gangs ?
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Peut-on négocier avec des gangs ?

Parole d’État ou pacte avec le diable ?

Parmi les propositions qui émanent de la classe politique haïtienne, une soulève à la fois la stupeur, l’incrédulité et une inquiétude grandissante : celle de négocier avec les gangs. Pas une idée marginale. Pas un murmure isolé. Mais une voie que certains, dans les hautes sphères de l’État, présentent désormais comme une issue « réaliste », presque inévitable, face à l’effondrement institutionnel et à l’impuissance chronique de l’appareil sécuritaire.

Mais négocier avec qui, au juste ? Avec ces bandes armées terroristes qui tiennent une bonne partie du territoire haïtien en otage ? Avec ces groupes qui pillent, incendient, violent, torturent et assassinent à volonté ? Avec ces chefs de guerre improvisés qui s’autoproclament défenseurs de la population tout en creusant les tombes de milliers d’innocents ?

Ce débat n’est pas anodin. Il pose une question éthique, politique et civilisationnelle de premier ordre. Car ce que l’on envisage ici, ce n’est pas une simple reddition tactique, mais un renoncement moral. Négocier avec les gangs reviendrait à légitimer leur règne de terreur, à leur accorder une reconnaissance politique implicite — ou pire, explicite — en tant qu’interlocuteurs de l’État.

C’est entériner leur statut non plus de criminels à juger, mais d’acteurs à consulter. Ce serait institutionnaliser la violence comme voie d’accès au pouvoir, créer un précédent dangereux selon lequel la Kalachnikov vaut plus que le bulletin de vote, le rapt plus que le débat.

Certains diront que l’État haïtien est à genoux, que ses institutions sont en lambeaux, que sa police, exsangue, ne peut plus faire face. Ils avanceront que la realpolitik impose parfois des compromis inavouables. Que dans certains pays, des pourparlers avec des groupes armés ont mis fin à des guerres civiles. Que les talibans ont bien négocié avec les États-Unis. Que les FARC ont signé un accord avec le gouvernement colombien. Oui, mais à quel prix, et dans quelles conditions ?

En Haïti, les gangs ne sont pas des mouvements idéologiques dotés d’une vision politique articulée. Ils ne revendiquent pas des droits civils ni des réformes structurelles. Leur seul langage est celui de la peur, de l’impunité, de l’accumulation illicite. Leur « ordre » repose sur la corruption, les extorsions, le trafic d’armes, de drogue et d’êtres humains. Peut-on pactiser avec cela sans trahir toute idée de justice et de dignité humaine ?

Le peuple haïtien, cette majorité silencieuse martyrisée et résiliente, mérite mieux que des accommodements douteux. Il mérite un État qui protège, pas un État qui négocie sa survie. Il mérite des dirigeants qui résistent à la tentation du fatalisme. Il mérite une communauté internationale qui ne se contente pas de constater, mais qui agit avec courage et cohérence.

Négocier avec les gangs ? Non. Les désarmer, les juger, reconstruire l’autorité de l’État et restaurer la confiance dans la justice : voilà la seule voie possible. La seule voie honorable. La seule voie républicaine.

Car lorsque l’on commence à dialoguer avec ceux qui violent toutes les règles du vivre-ensemble, ce ne sont plus des négociations. Ce sont les fondements mêmes de la nation que l’on vend au plus offrant.

Josten Louinon

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