2 octobre 2025
Haïti – De Martelly à Fritz Jean : même dérive, même mépris du peuple
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Haïti – De Martelly à Fritz Jean : même dérive, même mépris du peuple

L’Edito du Rezo

Les Haïtiens, jusqu’à aujourd’hui, n’ont, en réalité, jamais connu de véritables périodes de stabilité et de paix institutionnelle durable. Depuis la chute de la dictature, jusqu’à l’institutionnalisation des gangs par PHTK, chaque tentative de refondation démocratique s’enlise dans une crise plus profonde encore.

Port-au-Prince, 13 décembre 2014. Des nuages de gaz lacrymogènes enveloppent les artères principales de la capitale. La police haïtienne disperse violemment des manifestants descendus dans la rue pour réclamer la démission de Michel Martelly et de son Premier ministre Laurent Lamothe. En toile de fond, une gouvernance autoritaire qui étouffe toute voix dissidente, une concentration du pouvoir exécutif, et l’échec manifeste à organiser des élections dans les délais constitutionnels. Ce jour-là, les images de la répression ont marqué une rupture : celles d’un pouvoir sourd aux appels du peuple, déjà retranché dans la verticalité d’un régime que d’aucuns qualifieront plus tard de néo-macoute et d’institutionnalisation des gangs sous des habits « démocratiques ».

Dix ans plus tard, cette scène résonne avec une intensité troublante dans le contexte actuel. Le régime néo-PHTK, recyclé par une série d’alliances informelles entre réseaux politiques, économiques et diplomatiques, poursuit son œuvre de démantèlement des institutions républicaines. Le projet de référendum constitutionnel aujourd’hui avancé par le gouvernement de facto s’inscrit dans cette même logique d’imposition unilatérale, en dehors du cadre prévu par la Constitution de 1987. Or, rappelons-le : cette Constitution, ratifiée massivement en mars 1987 par un peuple fraîchement sorti de la dictature, interdit expressément toute modification par voie de référendum. Elle prévoit que toute réforme de la loi fondamentale doit impérativement passer par un Parlement fonctionnel, pluraliste, issu d’élections crédibles.

De Martelly à Fritz Jean au sein du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), ex nihilo, c’est une même dérive qui se répète, un même mépris du peuple qui s’exprime par le contournement systématique des institutions légitimes et l’usage de structures d’exception. À défaut de légitimité populaire, ce pouvoir s’appuie sur la confusion, l’usure et la répression. Et quand ce n’est pas la police, ce sont les gangs qui font le sale boulot, instaurant un climat de terreur utile à la paralysie sociale. La violence, hier administrative, devient aujourd’hui paramilitaire, tolérée sinon orchestrée, dans l’indifférence cynique d’un pouvoir dépourvu de toute base démocratique.

En dépit de cette exigence juridique, le pouvoir actuel tente d’imposer un texte constitutionnel fabriqué en vase clos, sans mandat électoral, sans débat national inclusif, et en s’appuyant sur un Conseil électoral provisoire dépourvu de base légale, contesté par plus de 500 organisations politiques, syndicales et de la société civile. Cette démarche illustre non seulement une dérive autoritaire, mais aussi un mépris manifeste pour la souveraineté populaire. Car ce qui est en jeu ici, ce n’est pas simplement un changement de règles institutionnelles, mais la légitimation d’un pouvoir sans fondement démocratique, sans redevabilité, et sans contre-pouvoirs.

Le projet de référendum constitutionnel, en l’état, n’est pas seulement illégal — il est illégitime. Il s’inscrit dans la continuité d’un système politique qui instrumentalise les institutions pour perpétuer sa domination, au mépris de la volonté citoyenne. À l’image du 13 décembre 2014, où les revendications populaires furent étouffées par la force, la manœuvre actuelle repose sur la marginalisation des voix dissidentes et sur la manipulation des procédures pour donner une apparence de légalité à ce qui n’est, au fond, qu’une captation de souveraineté.

Haïti traverse ainsi une longue traversée du désert démocratique. Et tant que les règles du jeu seront modifiées sans le peuple, contre le peuple, aucune paix durable ne pourra s’installer. Car un ordre imposé sans légitimité est toujours un ordre précaire, condamné à vaciller au premier souffle de révolte.

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