Crise des visas Biden et préoccupations croissantes au sein de la diaspora haïtienne, tandis que Fils-Aimé, sans légitimité constitutionnelle, instrumentalise un Conseil Électoral Provisoire contesté, dépourvu de compétence juridique pour organiser un référendum.
À Port-au-Prince, la décision rendue le 30 mai par la Cour Suprême des États-Unis, autorisant le président Donald Trump à révoquer le statut légal des bénéficiaires du programme Humanitarian Parole, ou Visa Biden, suscite une vive inquiétude dans la société haïtienne. Plus qu’une annonce juridique, elle est perçue comme une mesure brutale portant atteinte à l’espoir de milliers d’Haïtiens ayant fui les violences « programmées » des gangs et l’effondrement institutionnel total de leur pays.
Des témoignages recueillis par le correspondant de RFI, Peterson Luxama, font ressortir la détresse suscitée par cette décision. À Pétion-Ville, Junior exprime sa désillusion : « Cette décision tue l’espoir. Ces migrants soutenaient des familles entières. » Même écho chez Colson, qui en appelle à la « clémence » de Donald Trump, soulignant que « beaucoup ont tout vendu pour chercher une vie meilleure ». Les expulsions, si elles sont mises en œuvre, risquent d’accentuer la crise humanitaire et sociale dans un pays déjà ravagé par l’insécurité, le chômage de masse et l’absence de structures d’accueil.
Alors que cette annonce provoque des ondes de choc dans les milieux populaires et au sein de la diaspora haïtienne, le Premier ministre de facto, Alix Didier Fils-Aimé, à la soulouquerie, publiait quasi simultanément un communiqué accompagné de photographies officielles le montrant aux côtés d’un représentant de l’Église catholique du CEP. Ensemble, ils inspectaient des équipements électoraux au siège logistique du Conseil Électoral Provisoire (CEP). Cette initiative, largement relayée par la Primature, entend démontrer la volonté gouvernementale d’avancer vers l’organisation d’un référendum constitutionnel illégal et contesté et de prochaines élections générales — un processus pourtant jugé illégitime par plus de 500 organisations socio-politiques haïtiennes.
Selon le communiqué de la Primature, « une visite technique a été effectuée au centre où sont entreposés les équipements électoraux sensibles et non sensibles. Plus de 15 000 tablettes électroniques destinées à l’enregistrement des électeurs sont déjà disponibles. Neuf conteneurs de matériel électoral sont prêts à être déployés en région ». Le gouvernement affirme également avoir réalisé une économie de 400 millions de gourdes grâce à un stock stratégique acquis depuis 2021.
Toutefois, cette démonstration logistique, aussi rigoureuse soit-elle, ne parvient pas à dissiper la méfiance profonde qui entoure le Conseil Électoral Provisoire, dont la légitimité est largement contestée, tant en raison de sa composition que de son orientation. Aucun arrangement politique ne saurait, en droit comme en principe démocratique, supplanter la Constitution haïtienne de 1987, ratifiée par le peuple au sortir d’une dictature brutale, et demeurant à ce jour l’expression souveraine d’un consensus national.
cba
source: RFI
